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[Essai] De la façon dont on trompe tout le monde.

Posté : dim. 13 sept. 2020 20:27
par Cassien

Hors RolePlay :

Cet écrit est disponible en RP.

Il est cependant impossible de l'évoquer en RP si votre personnage ne l'a pas lu.

RolePlay :

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Collection Ajatuksia
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Mes récentes expériences en cette ville qu’est Esperia m’ont fait réfléchir à la façon dont les gens se parlent, et à la façon dont tout le monde semble avidement se manipuler. On se trompe, on tourne les faits à nos avantages, mais tout cela est-il résumable dans des faits plus scientifiques ? Peut-on trouver de grands systèmes qui rassemblent les façons dont les Esperiens se fourvoient entre eux, mais aussi eux même ?

La plupart des choses que vous retrouverez dans cet écrit on déjà été théorisés sur l’Ancien Monde et ne viennent pas de mon expérience ici, mais elles expliquent en tout cas ce que nous pouvons vivre sur l’île.

Cet écrit, imparfait et incomplet, sera la trace de mes élucubrations.


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A) Définition

Le nom de Sophisme me vient d’une personne rencontrée sur Esperia, Sophie, qui m’a éclairé sur la façon dont on pouvait mentir pour tenter de faire passer ses idées.

Le Sophisme est un argument ou un raisonnement qui a l’apparence de la validité, de la vérité, mais qui est en réalité faux. Il est avancé avec mauvaise foi, pour tromper ou faire illusion.

Le Paralogisme, lui, est un argument ayant l’apparence de la vérité tout en étant faux, mais cependant présenté sans intention de nuire ou de tromper.

Le sophisme pourrait, à tort, être considéré comme un biais cognitif.
Cependant, un biais cognitif est un mécanisme de la pensée entrainant une déviation du jugement. Quand on parle de biais cognitif, on parle d’un processus mental qui affecte la pensée de l’émetteur (« Ma petite fille apprend mieux en écrivant, comme tous les enfants »). Avec un biais cognitif, je me trompe sur des idées fausses. Avec le Sophisme, j’affecte la pensée du récepteur, puisque je veux lui induire des idées que je sais ne pas être bonnes. Ce n’est pas au sens propre un biais cognitif.


B) Les grands types de Sophismes

On peut distinguer plusieurs façons de faire un sophisme :

Le Sophisme de simple inspection : Lorsqu’on n’a pas de preuve à notre disposition.
Personne ne sait combien de petites îles entourent Esperia. Je vais alors affirmer ce que je veux à l’Amirale, lui faisant miroiter des centaines d’îles à explorer juste pour qu’elle achète un bateau.

Le Sophisme d’observation : Négligence des faits, lorsqu’on tire des conclusions qui sont fausses car on n’a pas bien étudié les faits.
Je vais croiser un pommier en allant me promener, et je ne vais y voir aucune pomme. Quand je reviens de ma balade, j’annonce à un ouvrier qui allait partir avec un panier « ça ne sert à rien, il n’y a plus de pommes ». Pourtant, il en restait de nombreuses cachées dans les branches, ou sur d’autres arbres que je n’ai pas cherché.

Le Sophisme de généralisation : Prise en compte du particulier en omettant l’ensemble.
Pendant mes six mois sur Esperia, je rencontre un Vaahva qui est arrêté pour vol sur de nombreuses maisons. Je n’ai jamais vu d’autre Vaahva, alors je dis à mes amis « tous les nordiens sont des voleurs ».

Le Sophisme par confusion : Mauvaise interprétation des faits.
La garde m’apporte toutes les preuves sur un vol. On m’indique des touffes de poils bruns, des traces de chaussures assez grande et de la boue. La mise en lien de ces preuves sera erronée : j’annonce sûr de moi « on cherche un trappeur qui chasse avec un chien ». Ce peut aussi bien être une femme aux grands pieds avec une cape en fourrure.

C) Exemples de Sophismes courants sur Esperia


1. Sophismes d’attaque

L’attaque personnelle : j’ignore l’argument en lançant une attaque hors de propos sur la personne, et non sur son discours.
Je discute avec un homme de son port d’arme, qu’il n’a pas alors qu’il porte une épée en pleine rue. Celui-ci me réplique alors « oui mais vous avez du retard sur vos impôts ! ». Cela n’a rien à voir, et ce n’est pas parce que je ne suis pas tout blanc que cela doit dédouaner la personne avec qui je discute.

La charge de la preuve : « je n’ai pas à prouver ce que j’avance, c’est à vous de prouver que j’ai tort ». On sait bien entendu que c’est l’inverse.
Un homme me dit « les brebis font beaucoup de petits uniquement parce que je leur dis bonjour tous les matins. Vous ne me croyez pas ? Prouvez-moi que j’ai tort ! ».

L’attaque personnelle de circonstance : je vais dire qu’une déclaration n’est pas crédible seulement à cause des intérêts de l’entité qui l’affirme.
Un garde a lui-même enquêté sur une affaire de vol dans sa maison. Je vais dire qu’on ne peut pas croire un traitre mot de ses conclusions juste parce qu’il a un intérêt personnel à trouver le coupable.

Le sophisme de cause : j’attaque la cause ou l’origine d’une déclaration plutôt que sa substance.
On me dit que Roan cause de problèmes en ville. Plutôt que de comprendre ce qui le pousse à être en colère, je vais dire « bien sûr qu’il est violent, c’est un ocolidien, il a ça dans le sang. ».

La culpabilité par association : je discrédite une idée ou une déclaration en l’associant à une personne ou un groupe.
Neyfer va annoncer qu’elle a trouvé un remède pour une maladie qui sévit en ville. Je vais prévenir mes proches « on ne peut pas lui faire confiance, elle fait partie du clan qadjaride ! ».

L’homme de paille : je vais créer une caricature simplifiée ou déformée de l’argument de mon adversaire, et argumenter contre cette idée qui n’est pas celle de base.
« Vous affirmez, dans votre nouveau code de loi, qu’il faut un régent avec un pouvoir décisionnaire pour diriger la ville, donc vous voulez juste prendre le pouvoir vous même pour combler votre égo. Je vois que vous ne pensez qu’à vous-même, et je suis contre que vous soyez le prochain régent ».


2. Sophisme d’émotion

L’argument par la conséquence : je vais soutenir qu’un argument est faux car il impliquera des choses que je ne veux pas croire.
Aamos n’a pas pu passer la soirée avec cet homme qu’on me désigne, car il m’a affirmé ne pas le connaître. Si c’est arrivé, cela veut dire qu’il m’a menti, et je ne peux pas concevoir qu’il me mente.

L’appel à la terreur : un argument est posé en renforçant la peur et les préjugés envers l’adversaire.
« Si on commence des relations commerciales avec Insla-Tarn, on aura bientôt plus de qadjarides que d’arbitrés en ville ! »

L’appel à la flatterie : j’utilise un compliment déplacé pour laisser place à une contre vérité qui sera acceptée en même temps que le compliment.
« Le Capitaine est trop intelligent pour croire que j’ai quoi que ce soit à voir dans cette affaire, c’est un homme qui sait raisonner et qui connait la vérité de toute chose. »

L’appel à la nature : rend sa déclaration plus vraie en la comparant avec le monde naturel.
« Bien entendu que l’homosexualité n’est pas naturelle, on ne voit pas deux singes copuler ensemble ! » (ce qui est par ailleurs faux, mais je vous déconseille d’être là quand ça arrive).

L’appel à la pitié : s’en remettre à la pitié pour influencer son adversaire.
« Ne m’exilez pas pour mes actes, ma femme sera trop triste de me perdre. »

L’appel au ridicule : présenter les arguments de son adversaire de manière à les rendre absurdes.
« Ne pas toucher les magenetas ? C’est comme si je disais que la poupée de ma fille est sacrée ! »

L’argumentum ad Odium : rejeter un argument en faisant appel aux préjugés personnels qu’on a sur son adversaire.
« Ça m’énerve que tous ces Adaarions qui savent bien écrire mettent des affiches pour parler d’eux. »

Le vœu pieux : dire qu’une déclaration est vraie ou fausse simplement parce que nous aimerions vraiment que ce soit le cas.
« La Directrice du dispensaire n’aurait pas pu renvoyer son second, c’est une personne sage et nous avons besoin de soignants. »


3. La confusion entre la cause et l’effet

L’affirmation du conséquent : je crois qu’il n’y a qu’une seule explication à l’observation que je fais.
« Le mariage entraine souvent la naissance d’enfants. C’est pour cette raison unique qu’on se marie ».

L’argument circulaire : la conclusion résulte des arguments eux-mêmes basés sur la conclusion.
« La possibilité de fouille sur toutes les maisons n’inquiète que ceux qui ont des choses à cacher. Vous devez avoir quelque chose à cacher si vous vous opposez à sa mise en place ! »

Le Cum Hoc Ergo Propter Hoc : je prétends que deux évènements simultanés ont une relation de cause à effet.
Il y a des bagarres dans la taverne, plus que partout en ville. On écoute de la flute le soir à la taverne. La flute est responsable de l’envie de bagarre des Esperiens.

Le déni des antécédents : Il n’y a pas une seule explication à un évènement, il est donc faux de présupposer la cause en se basant sur l’effet.
Si vous êtes architecte ou couturier, vous avez les moyens de vous payer une grosse maison. Si vous n’avez pas de grosse maison, c’est uniquement parce que vous n’avez pas bien choisi votre métier.

L’ignorance de la cause commune : affirmer qu’un évènement en a causé un autre, alors qu’un troisième (que l’on ignore) est plus probablement la cause.
Nous avons eu deux nouveaux mineurs, et depuis la mine s’est effondrée.

Le Post Hoc Ergo Propter Hoc : c’est affirmer qu’un évènement en a suivi un autre, et que le premier a été aussi la cause du second.
Depuis que Vasilisa est régente, nous avons été en guerre. Donc c’est sa faute si la ville est en guerre.

Guérir le mal par le mal : c’est croire que si une faute est commise, une deuxième annulera les effets de la première.
Oui on a été influencé par des épervies d’argent pour aller plus vite dans le jugement d’un criminel. Mais tout ça sera oublié, on va l’exécuter et ça n’aura plus d’importance.


4. La déduction erronée

Les preuves anecdotiques : c’est ignorer des preuves plus grandes pour préférer des anecdotes personnelles.
Je vais continuer à boire quand je prends mon cheval. Mon père a toujours fait ça, et il ne s’est jamais pris un arbre.

La composition : c’est prétendre que les caractéristiques ou les convictions d’une partie d’un groupe s’applique à tous.
Le gouvernement Esperien veut entrer dans la confédération, donc tous les Esperiens veulent entrer dans la confédération.

La division : c’est prétendre que les caractéristiques ou les convictions du groupe s’appliquent forcément à un individu du groupe.
Beaucoup de ligs sont des marins, donc, si je croise un lig dans la rue, il saura forcément œuvrer sur un navire.

L’argument du beau : c’est croire que si quelque chose est joliment fait ou bien mis en valeur il est d’avantage vrai.
Le Sire Sulka fait de belles affiches calligraphiées, alors que son ennemi en ville écrit à la va vite. Je n’ai donc pas besoin de me demander qui a raison entre les deux.

L’erreur du parieur : c’est croire qu’une série d’évènements indépendants passés affectera des évènements futurs.
J’ai perdu trois fois à la partie de sept qadjaride ce soir, si je rejoue, je vais sûrement gagner.

La généralisation hâtive : je vais dégager une conclusion générale à partir d’un petit échantillon.
Messire Ermanno et Messire DeCastel cuisinent tous les soirs à la taverne de la Roussette. Les hommes sont plus doués pour la cuisine que les femmes.

La conclusion hâtive : c’est tirer des conclusions trop vite, sans considérer équitablement les preuves.
Il me pose des questions sur le port d’arme ? C’est qu’il a une arme cachée chez lui et qu’il n’est pas en règle !

Le juste milieu : comme les deux arguments opposés ont tous deux du bon, je vais croire que la vérité se situe quelque part entre les deux.
J’ai abimé votre esclave qui a dû recevoir des soins payants au dispensaire. Je pense que je ne dois rien payer. Vous pensez que je dois tout payer. Un juste milieu serait de payer chacun la moitié.

La solution parfaite : c’est penser que le seul but est la solution parfaite, et rejeter tout ce qui ne résout pas le problème entièrement et parfaitement.
« Ça ne sert à rien de mettre des affiches pour que les gens s’informent sur le code, car les gens vont continuer de ne pas respecter les lois quoi que nous fassions. »

La relativité fallacieuse : c’est rejeter un argument parce que l’on croit que la vérité est relative à une personne ou a un groupe.
"Mais non Roan n’est pas vulgaire, à moi il ne m’a jamais rien dit de déplacé."

Le coup de lanterne : c’est croire qu’une observation faite par les journaux sur un échantillon réduit s’applique à tous.
J’ai lu dans la Gazette Esperienne que les politiques en place avaient beaucoup d’argent et le gardaient pour eux. Donc tous les politiques d’ici comme des épervies sont dans la même situation.

La généralisation globale : c’est appliquer trop largement une règle générale.
Tous les jeunes hommes qui n’ont pas de parents responsables deviennent des voyous.

L’équivocation : c’est croire que si deux choses ont une même propriété, elles sont identiques.
Le mot théorie peut aussi signifier conjecture. Les Esperiens utilisent la théorie des étoiles pour naviguer. Donc la théorie des étoiles est une conjecture.



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On appelle processus ancré les erreurs liées à des processus mentaux qui nous permettent de raisonner. Ces processus peuvent être intuitifs ou liés à de vraies réflexions plus profondes.

En voici quelques exemples :
  • L’ancrage : Lorsqu’une information est donnée en première ou en dernière partie de phrase, on va avoir tendance à plus la retenir et plus se baser dessus pour raisonner.
  • Les processus émotifs : en fonction de notre état émotionnel, notre raisonnement peut changer. Si on est face à quelqu’un qui nous dégoûte ou quelqu’un qui nous attire, on va avoir tendance à avoir plus de difficulté à raisonner.
  • La surexposition : cela reflète les habitus culturels et sociaux. Si beaucoup de passants me demandent comment va mon époux, je vais avoir tendance à m’inquiéter de s’il n’a pas de soucis.
  • Les erreurs d’apprentissage : la personne est biaisée sur le fond, car ses professeurs lui ont mal apprit les choses, et elle ne va pas chercher plus loin que son apprentissage. Par exemple, si j’ai appris toute ma vie qu’on ne faisait du papier qu’avec de la sciure de bois, j’aurais une erreur ancrée car il est possible d’en faire à partir de bien plus de matériaux.



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A) La théorie des normes

La théorie des normes, c’est le fait que notre réflexion ne se base pas sur la situation en elle-même mais sur la variation de la situation : la différence par rapport à notre « norme ».

Le temps que tout semble normal, on va passer de manière triviale sur les choses, les survoler. Par contre, si un événement hors norme intervient dans une situation normale, on va avoir un système de pensée qui va permettre d’analyser cette variation.

Par exemple, si j’entre dans une taverne pleine d’Adaarions qui boivent de l’hydromel, que je m’installe et qu’arrive un ocolidien, mon attention va se porter sur lui. Mais si je suis attablé dans une taverne de lig, un ocolidien qui arrive n’accrochera pas mon regard.


B) Les quatre grands aspects

Il semblerait que les biais cognitifs (agissant donc de façon interne, sur la pensée de l’émetteur), suivent quatre grands aspects :
  • La surcharge d’information
  • Le manque de sens
  • Le besoin d’agir vite
  • Le besoin de mémoriser les informations pertinentes


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A) Conscience du biais

La première chose est de se rendre compte que les biais existent, et d’apprendre à en avoir conscience.

On va avoir une notion de situation : « Quand dois-je faire attention ? ». Il ne s’agit pas d’être vigilant sans arrêt.
On repère des moments critiques ou sensibles entraînant une prise de décision pour l’action. Par exemple, ce sont des actions de jugement si je suis garde ou si j’ai une décision politique à prendre.

Être formé et avoir conscience des biais est une très bonne première étape pour être capable de réfléchir mieux. Une autre bonne idée est de repenser à des situations complexes qu’on a déjà vécues, et faire un retour sur les décisions prises à ce moment. Il faut cependant être capable de comprendre que nous ne sommes pas parfaits et qu’il nous arrive de nous tromper. Enfin, on peut essayer de se mettre en situation avec nos proches sur un sujet complexe, si on aime dialoguer et argumenter l’activité est passionnante.


B) Motivation au débiaisement

Pour être motivé à lutter contre les mensonges qu’on se fait à soi, mais aussi ceux qu’on reçoit sans cesse, il faut une certaine exigence vis-à-vis de soi-même.

Une exigence intellectuelle, tout d’abord : est-ce que l’on est assez exigent intellectuellement avec nous même dans notre vie actuelle ?
Une exigence légale, parfois : le code de loi impose à ses dirigeants de faire de leur mieux et ce de la meilleure façon.
Une exigence déontologique et éthique, par exemple pour les médicastres.

C’est une démarche coûteuse, à la fois en temps mais aussi au niveau moral, mais nécessaire.


C) Conscience de la nature et de l’intensité du biais

Il faut commencer à se rendre compte que nous même utilisons des biais, et chercher à se poser des questions vis-à-vis de cela :
  • Est-ce que j’ai tendance à généraliser ?
  • Dans quel sens est-ce que cela m’oriente ?
  • Est-ce que j’ai tendance à surévaluer ?
  • Est-ce que j’ai tendance à sous-évaluer ?
  • A quel point cela m’oriente ?
  • Est-ce que l’on est persuadé de quelque chose ?
  • Est-ce que ça nous influence peu ?



Il est important de se montrer raisonnablement sceptique envers soi, et envers les autres.

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Hors RolePlay :

Sources réelles
Klein JG 2005 (définition biais cognitif)
Le mot Sophisme vient en réalité du grec « raisonnement trompeur ».
Aristote IVème avant JC (distingue 2 types de sophismes) et Mills JS en 1843 (actualise la classification)
Infographies du site « CORTEX » sur le II) C) attention certains noms de biais ont été modifiés, par exemple le coup de projecteur est devenu le coup de lanterne.
Kahnmann & Tversky, 1973 (deux systèmes de pensée, intuitive et logique)
Raynal 2019, d’après Wilson (Stratégies de débiaisement)
Baillargeon, 2002 (méthode EN-QU-E-TE)