[Nouvelle] La mousse au citron

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Cassien
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sam. 16 janv. 2021 18:16

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La mousse au citron

— Mélodie, veux-tu bien cesser !

La voix tranchante de la cuisinière était sans appel. La jeune fille blonde, ainsi interpellée, fit mine de se raviser dans son geste. La cuillère maintenue à quelques centimètres de la tant convoitée mousse au citron finit par reculer lentement. Pesna, une grande brune aux traits plus ronds que ceux de sa comparse, soupira avant de se détourner pour servir un client. A peine eut-elle tourné le buste que la cuillère de Mélodie fit un bond jusqu’au dessert encore chaud. La blonde s’enfuit dans la réserve en ricanant, fière de son méfait. Elle s’installa contre un fût d’hydromel et se délecta de la mousse aérienne. Depuis que Pesna en avait commencé la préparation, le matin même, au moment où les premiers zestes de citron s’étaient étalés sur le plan de travail, la jeune femme avait rêvé de cet instant.

Pesna était une bonne cuisinière. Elle œuvrait depuis un moment dans la taverne qui animait la ville, lui permettant d’avancer, restant à l’écoute de tout un chacun, servant de son mieux les demandes de ses clients. Mélodie était arrivée bien après dans la petite ville qui les accueillait désormais, mais elle s’était vite montrée indispensable au bon fonctionnement de la taverne. Ensemble, les deux jeunes femmes savaient faire avancer les choses. Pesna avait bien remarqué les quelques écarts de sa jeune amie, parfois trop familière avec les clients, parfois trop dure, mais elle était plus jeune et la brune pensait pouvoir y remédier un jour.

Terminant le service de quelques chopes supplémentaires, la cuisinière retourna derrière son grand comptoir. Elle remarqua rapidement le gros trou que son amie avait laissé, bien visible, en plein milieu de la gamelle de mousse au citron. Pesna se passa une main sur le visage, cherchant de son regard châtaigne la fautive. Cette dernière se glissait déjà hors de la réserve, ustensil en main, prête à la récidive. Pesna attrapa Mélodie par le col et lui jeta un regard bien plus doux qu’elle ne l’aurait souhaité.

— Elle est vraiment très réussie, tu t’es surpassée Pesna ! s’empressa de la flatter la blonde, ses yeux bronze grand ouverts, pas gênée pour un épervie.

L’intéressée dodelina du chef. Elle connaissait bien les petits jeux de Mélodie. Il n’y avait pas à dire, seule cette jeune femme de quelques années sa cadette savait la mettre hors d’elle tout en lui laissant un fort sentiment d’affection.

— J’en ai fait un peu trop de toute façon, il y en aura bien assez pour les clients et pour ta gourmandise, marmonna la cuisinière en relâchant la fautive.

Pesna reprit du service, laissant la jeune femme s’occuper de leurs comptes. Mélodie ne retoucha plus à la mousse au citron : quel intérêt maintenant qu’elle y était autorisée ?

Le reste de la soirée ressembla à beaucoup d’autres : les deux femmes servirent les clients et répondirent à leurs demandes, ce qui les laissa éreintées mais satisfaites du travail accompli. Elles s’installèrent finalement prêt de la cheminée, fatiguées, pour discuter de tout et de rien autour d’un verre bien mérité.

Pesna, dont les jambes allongées se tenaient presque contre celles de sa comparse, profitait allègrement de la chaleur de la grande cheminée. L’hydromel avait rendu son nez un peu plus rouge que de coutume, mais ce n’était pas aussi vif que le rose poudré qui venait peindre ses joues cuisantes. Elle jeta une nouvelle œillade à Mélodie, détaillant ses traits doux, ses arcades bien définies, ses cheveux blonds tombant en cascade sur ses épaules minces. La brune se ravisa, tournant son regard vers le feu. Elle savait bien qu’il n’était pas convenable de penser à plus que leur chaste collaboration. Depuis quelques temps, elle se doutait de l’intérêt que la jeune femme lui portait, et cela tournait dans son esprit sans qu’il ne puisse trouver le repos. La cuisinière avait beau tenter de museler ses pensées, ses rêves et moments d’égarements la ramenaient sans cesse vers ce visage fier et ces yeux reflétant une ingéniosité sans pareil.

Mélodie lança une nouvelle blague plutôt grivoise avant d’y rire elle-même. Son visage s’éclaira d’un sourire mutin, avisant la réaction de Pesna. La jeune blonde la poussait dans ses retranchements, elle le savait, et elle adorait ça. Chaque opportunité était bonne pour rappeler sa présence, son entrain, et venir taquiner son amie. Une partie d’elle était persuadée que Pesna ne céderait jamais : ce n’était pas son genre, ni dans ses valeurs, tout le monde le savait bien. Pour autant, Mélodie n’avait elle aussi guère réussi à faire taire cette voix intérieure qui lui criait son affection pour la cuisinière. La blonde avait eu beau chercher partout ailleurs dans le village quelqu’un pour lui faire oublier Pesna, elle en revenait toujours à lui jeter des regards pendant le service ou à admirer sa façon de faire son travail.

Depuis une semaine, Mélodie avait bien remarqué que Pesna riait plus fort à ses âneries, se montrait plus leste avec elle ou s’arrangeait pour passer plus de temps en sa présence. Après ces mois passés ensemble, les deux femmes se connaissaient bien, chacune avait compris la place qu’elle commençait à occuper dans le cœur de l’autre.


Le soleil se coucha tout à fait, puis commença à se lever à nouveau tandis que les deux jeunes femmes discutaient bon train. Les verres vides entassés autour d’elles en disaient long sur leur état, si tant est que leurs visages hilares et rouges ne le fassent avant eux. Elles durent se faire violence pour se forcer à quitter l’espace chaud et accueillant devant la cheminée, mais le sommeil les guettait, il allait bien falloir finir par rentrer. Aucune ne souhaitait quitter cette parenthèse chaleureuse, mais demain serait un nouveau jour de dur labeur.

Mélodie tendit la main à sa comparse, l’aidant à se relever, et - l’alcool lui donnant courage - l'entraîna contre elle pour l’étreindre. Le cœur de Pesna ratta un battement lorsque ses mains trouvèrent naturellement les hanches de la jeune blonde. Ses joues s’embrasèrent, sous la gêne mais aussi l’attente de ce qui allait arriver. Douce, Mélodie vint fermer les yeux et trouver les lèvres pleines de la cuisinière. Le pas était franchi.



Elles quittèrent leur taverne en se tenant par la main, prêtes à affronter le froid du monde extérieur et le chemin qui leur restait à parcourir tant qu’elles seraient ensemble. Pesna jeta un dernier regard au dessert encore creusé du trou d’une cuillère, dans la grande marmite en cuivre. S’il y avait bien une chose qu’elle craignait désormais, c’était de n’être, à son tour, qu’une mousse au citron.

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