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[Récit] Esperia painajainen

Posté : sam. 31 oct. 2020 01:06
par Cassien

Hors RolePlay :

Le livre correspondant à ce texte est disponible à l'Académie d'Esperia.

RolePlay :

Esperia painajainen
Octobre 520
En Octobre 520, de nombreux Esperiens ont été touchés par des cauchemars très prenants.
Voici le récit de celui qui m'a hanté.
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Je rentre tard à la maison ce soir. Beaucoup de choses m'ont occupée, à Lodaving. Je ne saurais pas dire en quoi, mais cette journée a été épuisante. Aamos me fait la remarque quand je rentre : il a raison, j'arrive à l'heure du coucher de Lilja, ce n'est pas très correct. Il me sourit quand même, sans aucune forme de reproche. C'est un homme profondément bon. Lilja arrive justement, elle me file droit dans les bras. Je l'attrape et la fait tourner avec moi en souriant. Ma fille sent bon les fleurs de printemps, ses yeux se plissent sous son rire et ses boucles blondes sautillent autour de son visage plein. Sa présence me fait oublier tout le reste. Une partie de moi à l'impression de ne pas l'avoir vu depuis trop longtemps, même si ça n'a pas de sens. Quoi qu'il en soit, je suis le plus heureux des hommes quand je l'ai dans les bras.

Je préviens Aamos que je vais la coucher, c'est la moindre des choses. Il va m'attendre au lit, pour sa part. Je n'avais pas réalisé que j'étais rentré si tard. Je le laisse filer, et j'accompagne Lilja dans sa chambre. Je la repose rapidement au sol, d'ailleurs. Qu'est ce qu'elle grandit vite... J'installe ma petite fleur au lit, et je la borde avec soin. Elle me fait les yeux doux pour que je tourne la clef de sa boite à musique. Comme si je pouvais facilement résister à un regard pareil... Dans tous les cas, c'est intéressant de lui laisser de la musique le soir avant de partir au pays des songes. Qui sait si cela ne l'aidera pas à partir dans une voie artistique plus tard ? Ce ne serait pas pour me déplaire. Enfin, je dis ça, mais tout ce qu'elle pourra bien faire m'ira, tant que cela lui plait. Je ne lui souhaite que le meilleur. J'embrasse mon rayon de soleil sur le front avant de rejoindre Aamos.

Aamos. La plus belle chose qui ne me soit jamais arrivé, l'être qui m'a fait oublié tout mon passé, celui qui chaque jour me donne envie d'être un homme meilleur. Je le rejoins tranquillement au lit, essayant de ne pas faire trop de bruit. A mon arrivée, il est posé en travers du lit. Je me glisse contre lui, et il vient doucement poser sa tête sur mon torse. C'est bien le seul capable de me faire me sentir fort, important, rien qu'en étant contre moi. Je glisse ma main droite derrière son épaule pour doucement lui caresser le dos, profitant des quelques minutes de complicité qu'il me reste avant qu'il ne s'endorme tout à fait.

Je sombre à mon tour dans un demi sommeil, dans cette pièce rassurante, baigné dans la douce chaleur de mon foyer.
Quelque chose me force soudainement à ouvrir les yeux. Un bruit... je crois ?
Aamos n'a pas bougé, ce qui lui ressemble bien en tous les cas. Il a un étrange sommeil depuis quelques jours, c'est un fait dont je parviens à me souvenir. Mais à cause de quoi ? Je n'arrive pas à me rappeler. J'essaie de creuser ma mémoire, mais un nouveau bruit, plus fort, vient faire craquer le bois de notre porte.

Je me lève et me rhabille au plus vite. Lilja essaie-t-elle de sortir ? Cela pourrait lui ressembler. Qui sait ce que ses cousins lui ont appris aujourd'hui encore. Je me hâte vers la porte d'entrée, descendant les deux étages, et je la trouve finalement grande ouverte. Ce doit être de ma faute. Je suis rentré l'esprit si embrumé, j'ai certainement oublié le tour de clef, et elle se sera ouverte à la volée au premier vent. La cour sur laquelle donne notre petite maison de ville est calme. La porte qui mène à la maison de ma mère est fermée, elle, et le reste de ma famille doit certainement dormir. Je ferme en soupirant, avant de me crisper tout entier.

Un cri, suraiguë, irréaliste, vient de trancher net le silence de la nuit. Mon sang se glace, mes doigts se crispent, et je demeure incapable de bouger tandis qu'un intense frisson de peur glisse le long de mon corps. Quelque chose est arrivé. Je le sens au plus profond de mon être.

Je fini par parvenir à me mouvoir, et le premier pas est vite suivit de nombreux autres, précipités. Mes épaules rentrent dans un mur de pierre sans ménagement quand je manque un virage, mais je m'en moque. Je cours jusqu'à la chambre de ma fille, entrant d'un bloc par la porte désormais ouverte.

Le spectacle me prend à la gorge, et je tombe en arrière. Ma vue se trouble, refusant d'admettre ce qui se trouve face à moi. L'odeur âcre du sang m'emplis la gorge, je suffoque. Le sol est maculé de sang, les murs portent les traces d'une agression sauvage. Un petit corps blond repose sur le lit, amorphe. Aamos est au milieu de la pièce, il a du arriver avant moi. Il tient un couteau, certainement retiré de la plaie pour voir ce qu'il pouvait faire. Il reste debout, lui, sa bure blanche barrée d'une tâche vermeil.

Je met toutes mes forces dans mes bras, rampant comme je le peux jusqu'au lit de ma fille, et je me hisse jusqu'à elle. Son bras bouge légèrement quand je la saisit en pleurant de ton mon être. Je retiens un affreux relent, mais j'ai vraiment envie de vomir. Aamos reste à côté, les bras ballant, tenant toujours le gros couteau de cuisine qui vient d'ôter notre raison d'être de nos vies. Je continue de pleurer, et je tremble sans pouvoir m'arrêter, serrant le corps sans vie de mon enfant dans mes bras. Je me sens vide, j'ai l'impression qu'on a déchiré la trame de ma vie d'un coup sec. Un froid intense, et un manque. Une faille qui vient de s'ouvrir, aspirant tout espoir d'une vie heureuse, toute idée même de ce qu'est le bonheur. Comme un bateau sans guide, je m'échoue dans ses cheveux, secoué de sanglots impossibles à contenir. Elle sent encore la fleur, ici. L'idée que ce soit la dernière fois qu'il me soit permis de respirer cet odeur m'effleure, suivie d'une autre, encore plus dure : je n'entendrais plus jamais sa voix. Je ne la verrais pas grandir.

Chaque jour de mon existence, je penserais à elle, à ce qu'aurais été notre vie si j'avais su la protéger. Car c'est de ma faute. C'est forcément le cas. Je parviens enfin à me raccrocher au présent. Qu'est il arrivé ?
Les yeux noyés, je me tourne vers Aamos, lui hurlant qu'il pourrait faire quelque chose, qu'il faut essayer. Une part de moi ne veut pas y croire, et il ne reste plus que celle là pour m'exprimer : l'autre partie de moi a sombré tout à fait.

Aamos ne bouge pas, son grand couteau de cuisine dans la main. Pourquoi l'a-t-il retiré, d'ailleurs ? N'étais-ce pas lui qui disait qu'il ne fallait jamais le faire ? Mes interrogations s'arrêtent quand je m'essuie enfin les yeux d'un revers de manche. Derrière Aamos, projetée par le feu qui crépite mollement dans la cheminée, une ombre monstrueuse occupe la moitié du mur. Ce n'est pas humain, ce n'est pas animal, c'est un entre deux horrifique vouté sur lui même.

Aamos regarde son couteau, puis me regarde, et recule. Il semble en pleine lutte intérieure. Mes mains tremblent toujours, mais mon corps me pousse à fuir. Je sens l'urgence dans toutes les fibres de mes muscles. Je ne suis qu'une bête acculée face à un prédateur affamé. Contre toute attente, je parviens à me laisser tomber hors du lit et à ramper sur les fesses, jusqu'à me cogner la tête contre le mur de la petite chambre. Aamos laisse échapper quelques phrases, mais je peine à les comprendre. Il ne veut pas, mais, il n'aurait pas le choix, je crois ? Il finit par se tourner vers moi avec l'air résolu, et je sens que la roue du destin vient de tourner en ma défaveur. Je réussit à me remettre à quatre pattes et je file vers la porte, m'aidant du montant pour me relever. Il s'approche de moi, très lentement, le visage déformé par un rictus que je ne lui connaissais pas.

Je ne suis qu'un lâche. Je l'ai toujours été. Je ne serais jamais capable de me lever face à lui, ou face à une personne armée. Je n'ai même pas su protéger ma fille. Cette pensée me fend le coeur au moment où j'atteins les escaliers, et mes jambes lâchent sous le dégoût que j'éprouve à cet instant. Je chutes dans les escaliers, roulant plusieurs fois avant de retomber comme une poupée de chiffon au rez de chaussée.

Je crache du sang, et un peu de bile qui n'a pu être contenue. J'émet un râle en me tournant sur le côté, puis je tente de me relever à nouveau. Il faut fuir, il ne faut pas que je reste là. Mon coeur va exploser dans ma poitrine tant il prend de la vitesse. Je sens mes tempes pulser sans relâche, ma tête, à l'instant des minutes qui me restent à vivre - prise dans un étaux.
Aamos est déjà presque en bas des escaliers. Je ne sais comment il peut me rattraper en allant si doucement, mais je sens au fond de moi qu'il me rattrapera. Il me rattrape toujours. Cette idée me désarçonne, mais elle me donne aussi l'énergie nécéssaire à la suite de ma fuite. Je me relève enfin, ouvrant la porte de la maison à la volée et fuyant comme le pleutre que je suis, les mains pleines de sang.

J'ai un instant peur qu'il n'y ait pas d'issus, dans cette cour, mais je fini par en repérer une. Je m'y rend, focalisé sur l'idée de rejoindre la rue. L'espoir de pouvoir être sauvé nait enfin dans la tempête de mon esprit. Je cours, mes jambes reprenant vigueur, et j'ouvre une nouvelle porte.

Une fois encore, mon corps me lâche quand ma tête décide de m'abandonner. Face à moi, plusieurs cadavres remplissent une toute petite pièce gorgée de sang. C'est moi. Partout. Je suis mort là, de nombreuses fois. On m'a tué. Allongé, je parviens à me tourner sur le dos. Aamos est déjà là. Il prend un air moqueur et me demande combien de fois il va devoir recommencer pour que je comprenne. Il me dit que ce n'est pas de sa faute. C'est la Horde qui le veut.

Il me tranche la gorge d'un coup sec.
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Je rentre tard à la maison ce soir. Beaucoup de choses m'ont occupée, à Lodaving. Je ne saurais pas dire quoi, mais cette journée a été épuisante. Aamos me fait la remarque quand je rentre : il a raison, j'arrive à l'heure du coucher de Lilja, ce n'est pas très correct. Lilja arrive justement, elle me file droit dans les bras. Je l'attrape et la fait tourner avec moi en souriant. Ma fille sent bon les fleurs de printemps, ses yeux se plissent sous son rire et ses boucles blondes sautillent autour de son visage plein.

Son odeur me fait pleurer. Je peine à comprendre ce qui m'arrive, mais des images abominables viennent peu à peu envahir mon esprit. Aamos me regarde avec un sourire narquois. Je garde Lilja dans les bras, et je lui dis de partir. Il faut qu'elle s'en aille, tout de suite. Ses grands yeux bleus me regardent de toute leur naïveté, et elle me demande si je lui mettrais la boite à musique pour dormir.
Ça recommence. Encore. Et encore.
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Quand je me suis réveillé après ce rêve, je ne savais pas combien de temps s'était écoulé.
J'avais vécu cette intenable boucle tant de fois qu'il pouvait bien s'être écoulé une minute, un mois ou une année.

Je suis sorti du lit, hagard, mais si à nouveau je me souvenais de tout, je pensais enfin m'être échappé. J'étais sur Esperia, dans ma première maison, bien ailleurs donc. Encore affolé, j'ai rassemblé mes affaires et je suis sorti de la maison pour chercher Estrella - seul nom me venant à l'esprit pour me donner de quoi me soigner, car je me sentais malade. Mais voilà qu'à peine dehors, je tombe sur des gens qui veulent me ramener à Aamos. Pire encore, au bout d'à peine cinq minutes, je me rend compte qu'un esclave a été le chercher. Je le vois face à moi, là, Aamos dans sa tenue habituelle. Je revois, pourtant enfin libre de ce cauchemar trop réel, la scène prête à se dérouler sous mes yeux.

J'ai tenté de m'enfuir, de ne pas le laisser m'approcher, mais tout le monde me disait sans cesse "On va vous ramener à Aamos", "Il faut aller retrouver Aamos", "Aamos va s'occuper de vous". C'était un rêve éveillé, la suite logique de tout ce que je venais d'endurer, et j'ai tout fait pour réussir à m'enfuir. Vu ma constitution, il était évident que je n'y parviendrais pas. J'ai tout de même réussi à me laisser glisser du balcon de l'Académie jusqu'au sol - en passant par le panneau d'affichage - ce qui m'a valu une belle blessure aux hanches qui me tire encore après une semaine. Ils ont fini par me rattraper, une dizaine d'Esperien en cercle autour de moi, me disant de me calmer alors que je tombais fou. Finalement, j'ai tenté de courir vers des escaliers, mais une fois arrivé au bord, qui ai-je vu m'attendant en bas avec un sourire... Aamos.
Mon esprit a complètement cédé, à cet instant là.
Le Destin prenait tout son sens. Quoi que je fasse, il me rattraperait toujours. Il avait une longueur d'avance, et ça recommencerait sur Esperia, il m'aurait à nouveau en boucle, comme ce fut le cas à Lodaving. Je me suis laissé endormir par Ambroise, déjà vaincu à l'intérieur.
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Ma surprise fut immense, en me réveillant au Dispensaire.
Mon esprit ne parvenait pas à comprendre. J'étais censé me réveiller chez moi, dans la petite maison du port, ça allait recommencer.
C'était évident.

J'ai mis plusieurs heures à, tout doucement, me détacher un peu de cette boucle qui me hante encore.
J'ai mis plus d'une journée à accepter la pression de la main d'Aamos sur la mienne, même à travers les draps du lit.
J'ai longuement hésiter à rentre chez moi. Chez nous. Finalement, j'avais besoin d'être dans cet environnement familier, besoin de retrouver mes repères, et de peindre ou d'écrire avec mon matériel personnel.

Voilà la fin de cette histoire, qui me semble bien simple une fois écrite ainsi, mais qui aura bousculé ma vie.

Re: [Récit] Esperia painajainen

Posté : sam. 31 oct. 2020 01:18
par Cassien

Hors RolePlay :

"Pimeys"
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Un tableau semble être apparu à l'Académie, en même temps que le livre...