La lame grinçante : Différence entre versions

De Wiki'speria
Aller à : navigation, rechercher
m
m (Suppression du terme "Lord")
 
Ligne 46 : Ligne 46 :
 
Cordelia soupira et fit rouler sa patte en l'air pour l'aiguillonner, anticipant ce qui allait suivre. Balthazar avait l'habitude de connaître les réponses avant même de les avoir demandées, mais il avait tendance à faire précéder ce genre de conversation d'une simple question. Si l'on se fie au passé, il s'agirait simplement d'une démonstration démontrant à quel point Balthazar avait réussi à prendre de l'avance sur la conversation.
 
Cordelia soupira et fit rouler sa patte en l'air pour l'aiguillonner, anticipant ce qui allait suivre. Balthazar avait l'habitude de connaître les réponses avant même de les avoir demandées, mais il avait tendance à faire précéder ce genre de conversation d'une simple question. Si l'on se fie au passé, il s'agirait simplement d'une démonstration démontrant à quel point Balthazar avait réussi à prendre de l'avance sur la conversation.
  
"Qu'est-ce que la meilleure espionne de la compagnie du chat fait à me parler dans un endroit qu'elle méprise ? Est-il possible que les Familles aient à nouveau besoin de la Lame Grinçante ?"
+
"Qu'est-ce que la meilleure espionne du compagnie du chat fait à me parler dans un endroit qu'elle méprise ? Est-il possible que les Familles aient à nouveau besoin de la Lame Grinçante ?"
 
Cordelia grogna. "Tu savais que c'était pour ça que j'étais là dès mon arrivée."
 
Cordelia grogna. "Tu savais que c'était pour ça que j'étais là dès mon arrivée."
 
"Eh bien, oui." Balthazar tripota la chope, l'inclinant autour de sa base. "Alors, tu as un travail quelconque. De quoi s'agit-il, je me le demande ? La baronne Griffetoise a finalement mordu plus qu'elle ne peut mâcher ? Ou peut-être que la duchesse a finalement besoin d'être ramenée au bercail ?"
 
"Eh bien, oui." Balthazar tripota la chope, l'inclinant autour de sa base. "Alors, tu as un travail quelconque. De quoi s'agit-il, je me le demande ? La baronne Griffetoise a finalement mordu plus qu'elle ne peut mâcher ? Ou peut-être que la duchesse a finalement besoin d'être ramenée au bercail ?"
Ligne 58 : Ligne 58 :
 
"J'ai dit que je savais ce que c'était", dit Balthazar.
 
"J'ai dit que je savais ce que c'était", dit Balthazar.
  
L'hermine haussa les sourcils. "C'est vrai, mais vous les connaissez." Elle s'appuya sur la table, par-dessus ses coudes, et fit un grand sourire. "Balthazar, est-il possible qu'en plus d'être la crapule professionnelle la plus respectée de lacompagnie du Chat, vous soyez aussi ce que j'imagine être une sorte de connaisseur de la sculpture sur verre ?”
+
L'hermine haussa les sourcils. "C'est vrai, mais vous les connaissez." Elle s'appuya sur la table, par-dessus ses coudes, et fit un grand sourire. "Balthazar, est-il possible qu'en plus d'être la crapule professionnelle la plus respectée du compagnie du Chat, vous soyez aussi ce que j'imagine être une sorte de connaisseur de la sculpture sur verre ?”
  
 
Balthazar agita une patte dédaigneuse, le nez levé en l'air dans un simulacre de dignité. "Quoi ? Moi ? Voyons, ma chère Cordelia, vous savez que je n'ai ni l'espace ni l'argent pour un tel hobby." Il se racla la gorge, souhaitant vivement qu'il reste un peu de bière dans sa chope pour lui offrir un moment de réflexion. "En fait, c'est le problème inverse qui se pose", dit-il finalement. "Je collectionne les choses. Des petits, comment dire, souvenirs ? Ici et là ? C'est juste que je n'ai pas encore de verre Cantabile".
 
Balthazar agita une patte dédaigneuse, le nez levé en l'air dans un simulacre de dignité. "Quoi ? Moi ? Voyons, ma chère Cordelia, vous savez que je n'ai ni l'espace ni l'argent pour un tel hobby." Il se racla la gorge, souhaitant vivement qu'il reste un peu de bière dans sa chope pour lui offrir un moment de réflexion. "En fait, c'est le problème inverse qui se pose", dit-il finalement. "Je collectionne les choses. Des petits, comment dire, souvenirs ? Ici et là ? C'est juste que je n'ai pas encore de verre Cantabile".
Ligne 101 : Ligne 101 :
 
"Je déteste être convoqué dans cet... établissement", déclara le vieil animal. Il surplombait Balthazar assis, mais le chat ne montrait aucun signe d'inconfort.
 
"Je déteste être convoqué dans cet... établissement", déclara le vieil animal. Il surplombait Balthazar assis, mais le chat ne montrait aucun signe d'inconfort.
 
"Eh bien, vous vous installez à Ocrelieu, cela vaut peut-être la peine de s'y habituer." Le chat fit un geste vers la chaise vide de l'autre côté de la table. "Asseyez-vous, je vous prie."
 
"Eh bien, vous vous installez à Ocrelieu, cela vaut peut-être la peine de s'y habituer." Le chat fit un geste vers la chaise vide de l'autre côté de la table. "Asseyez-vous, je vous prie."
Joris fit un signe de tête à l'écuyer, qui tira la chaise pour son seigneur. "Il semble que le territoire du lapin ne puisse pas ouvrir plus d'un étal à légumes sans que l'un des vôtres ne s'en aperçoive."
+
Gaspard fit un signe de tête à l'écuyer, qui tira la chaise pour son seigneur. "Il semble que le territoire du lapin ne puisse pas ouvrir plus d'un étal à légumes sans que l'un des vôtres ne s'en aperçoive."
 
"Nous remarquons aussi les étals à légumes. Mais nous nous en moquons." Balthazar fit signe au tenancier de s'approcher. "Une autre bière de la maison. Et... ?" Il regarda le lapin, qui secoua la tête.
 
"Nous remarquons aussi les étals à légumes. Mais nous nous en moquons." Balthazar fit signe au tenancier de s'approcher. "Une autre bière de la maison. Et... ?" Il regarda le lapin, qui secoua la tête.
 
"Rien pour moi." Son regard se posa sur le chat. "Je ne m'attends pas à rester ici longtemps."
 
"Rien pour moi." Son regard se posa sur le chat. "Je ne m'attends pas à rester ici longtemps."
Ligne 108 : Ligne 108 :
  
  
Lord Joris se racla la gorge, surpris. "Nous ne travaillons pas ensemble, chat. Vous m'avez invité ici pour me proposer un arrangement commercial, si l'on en croit votre lettre." Il plissa les yeux. "Mais je pense que je peux sauter l'habituel exordium maladroit. Le territoire du Lapin ne se laissera pas intimider par les habitants de la rue. Même si vous vous croyez charmants avec votre tunique, vos gants de cuir et votre écriture mesurée, vous êtes comme n'importe quel chat. Bas-âgeux, sale et terriblement ennuyeux".
+
Sire Gaspard se racla la gorge, surpris. "Nous ne travaillons pas ensemble, chat. Vous m'avez invité ici pour me proposer un arrangement commercial, si l'on en croit votre lettre." Il plissa les yeux. "Mais je pense que je peux sauter l'habituel exordium maladroit. Le territoire du Lapin ne se laissera pas intimider par les habitants de la rue. Même si vous vous croyez charmants avec votre tunique, vos gants de cuir et votre écriture mesurée, vous êtes comme n'importe quel chat. Bas-âgeux, sale et terriblement ennuyeux".
  
 
Balthazar sentait quelque chose monter en lui - de la chaleur, de la rage. Quelque chose qui remontait de la base de sa queue jusqu'à la nuque. Dans ses pattes, il y avait un tremblement imperceptible. Mais il le retint. Jamais, au grand jamais, il ne laissa personne le voir.
 
Balthazar sentait quelque chose monter en lui - de la chaleur, de la rage. Quelque chose qui remontait de la base de sa queue jusqu'à la nuque. Dans ses pattes, il y avait un tremblement imperceptible. Mais il le retint. Jamais, au grand jamais, il ne laissa personne le voir.
Ligne 130 : Ligne 130 :
  
  
Balthazar se pencha plus près de Joris et chuchota durement. "Elle travaille pour moi, et en ce moment même, elle attend mon signal pour glisser cette dague entre tes côtes. Puis le chat s'est adossé à son siège en riant. "Je ne vais pas le faire, mais je pourrais le faire si je le voulais. Et elle n'est pas la seule. Le compagnie des chats se répand, invisible, comme l'eau sur les pavés, nous atteignons chaque fissure et chaque crevasse. C'est comme si j'avais une armée permanente partout où je vais, des soldats dans l'ombre qui n'attendent que ma parole." Il sourit. "Vous pensez que le pouvoir est dans les noms. Des tablettes de pierre. La parole d'un artisan. Le vrai pouvoir, sieur Gaspard, c'est de savoir que je pourrais vous tuer de dix façons différentes avant que vous ne quittiez votre siège."
+
Balthazar se pencha plus près de Gaspard et chuchota durement. "Elle travaille pour moi, et en ce moment même, elle attend mon signal pour glisser cette dague entre tes côtes. Puis le chat s'est adossé à son siège en riant. "Je ne vais pas le faire, mais je pourrais le faire si je le voulais. Et elle n'est pas la seule. Le compagnie des chats se répand, invisible, comme l'eau sur les pavés, nous atteignons chaque fissure et chaque crevasse. C'est comme si j'avais une armée permanente partout où je vais, des soldats dans l'ombre qui n'attendent que ma parole." Il sourit. "Vous pensez que le pouvoir est dans les noms. Des tablettes de pierre. La parole d'un artisan. Le vrai pouvoir, sieur Gaspard, c'est de savoir que je pourrais vous tuer de dix façons différentes avant que vous ne quittiez votre siège."
  
 
L'écuyer souris gémit, mais son maître lapin lui donna un violent coup de coude dans la poitrine pour le faire taire, avant de reporter à nouveau son attention sur Balthazar. "Je pense que nous sommes peut-être partis du mauvais pied."
 
L'écuyer souris gémit, mais son maître lapin lui donna un violent coup de coude dans la poitrine pour le faire taire, avant de reporter à nouveau son attention sur Balthazar. "Je pense que nous sommes peut-être partis du mauvais pied."
  
 
"Qu'est-ce qui vous fait dire ça ?" La lame grinçante but une nouvelle gorgée de bière. "Je pense que nous nous entendons bien." De sa patte libre, il fit un geste de va-et-vient entre lui et le lapin. "Et ça ? Ce que nous faisons maintenant ? Ce ne sont que des paroles en l'air."
 
"Qu'est-ce qui vous fait dire ça ?" La lame grinçante but une nouvelle gorgée de bière. "Je pense que nous nous entendons bien." De sa patte libre, il fit un geste de va-et-vient entre lui et le lapin. "Et ça ? Ce que nous faisons maintenant ? Ce ne sont que des paroles en l'air."
Lord Joris regarda tout de même nerveusement de chaque côté. Les clients vaquaient à leurs occupations, mais d'une manière ou d'une autre, ils avaient réussi à se rapprocher d'eux - un mur d'assassins potentiels les encerclaient. Balthazar était tout à fait à l'aise.
+
Le noble regarda tout de même nerveusement de chaque côté. Les clients vaquaient à leurs occupations, mais d'une manière ou d'une autre, ils avaient réussi à se rapprocher d'eux - un mur d'assassins potentiels les encerclaient. Balthazar était tout à fait à l'aise.
  
 
"C'est juste drôle, je crois. Vous avez cru que j'aurais pu être rabaissé par quelques insultes mesquines. Ce n'est pas une bonne affaire, n'est-ce pas ?" Il fit glisser sa chope de côté, éliminant la seule chose qui séparait les deux clients assis. "Vous voyez, votre position de négociation était erronée dès le départ. Vous pensiez que parce que je n'ai pas de nom de famille célèbre, de richesse ou de pouvoir politique, je pourrais être mis au pas d'une manière ou d'une autre."  
 
"C'est juste drôle, je crois. Vous avez cru que j'aurais pu être rabaissé par quelques insultes mesquines. Ce n'est pas une bonne affaire, n'est-ce pas ?" Il fit glisser sa chope de côté, éliminant la seule chose qui séparait les deux clients assis. "Vous voyez, votre position de négociation était erronée dès le départ. Vous pensiez que parce que je n'ai pas de nom de famille célèbre, de richesse ou de pouvoir politique, je pourrais être mis au pas d'une manière ou d'une autre."  
Ligne 142 : Ligne 142 :
  
  
Lord Gaspard cligna des yeux, confus.
+
Sire Gaspard cligna des yeux, confus.
  
 
"Le compagnie du chat veut cinq pour cent de tous les bénéfices que votre guilde tirent du commerce du verre soufflé dans et autour d'Ocrelieu. En échange, la compagnie du chat vous considérera comme l'un des siens. Cela signifie que votre entreprise et les caravanes autour de la ville seront protégées. Vous ne serez pas harcelés par le compagnie, et si d'autres groupes ont de drôles d'idées, nous nous occuperons du problème." Il hocha lentement la tête. "Voilà ce que cinq pour cent vous apportent."
 
"Le compagnie du chat veut cinq pour cent de tous les bénéfices que votre guilde tirent du commerce du verre soufflé dans et autour d'Ocrelieu. En échange, la compagnie du chat vous considérera comme l'un des siens. Cela signifie que votre entreprise et les caravanes autour de la ville seront protégées. Vous ne serez pas harcelés par le compagnie, et si d'autres groupes ont de drôles d'idées, nous nous occuperons du problème." Il hocha lentement la tête. "Voilà ce que cinq pour cent vous apportent."
Ligne 151 : Ligne 151 :
 
"D'accord !" Le lapin acquiesça précipitamment. "Trois pour cent, c'est plus qu'équitable !"
 
"D'accord !" Le lapin acquiesça précipitamment. "Trois pour cent, c'est plus qu'équitable !"
  
"C'est vrai, n'est-ce pas ?" Balthazar brossa une peluche imaginaire sur le devant de la tunique de soie de Lord Joris. "C'est bien. Il est temps pour vous d'aller prendre vos dispositions", dit le chat en aidant le lapin à se lever de sa chaise. "Et rendez-moi service : quand ils viendront chercher la part du premier mois, ajoutez-y un de ces morceaux de verre." Il sourit. "En gage de notre nouvelle amitié."
+
"C'est vrai, n'est-ce pas ?" Balthazar brossa une peluche imaginaire sur le devant de la tunique de soie du sire Gaspard. "C'est bien. Il est temps pour vous d'aller prendre vos dispositions", dit le chat en aidant le lapin à se lever de sa chaise. "Et rendez-moi service : quand ils viendront chercher la part du premier mois, ajoutez-y un de ces morceaux de verre." Il sourit. "En gage de notre nouvelle amitié."
  
 
La patte tremblante du noble se tendit vers la cape offerte par son écuyer souris, mais il fallut plusieurs essais au lapin pour l'entourer de sa patte et l'enfiler correctement. Sans un mot, ils sortirent de la taverne et s'enfoncèrent dans les rues sombres d'Ocrelieu.
 
La patte tremblante du noble se tendit vers la cape offerte par son écuyer souris, mais il fallut plusieurs essais au lapin pour l'entourer de sa patte et l'enfiler correctement. Sans un mot, ils sortirent de la taverne et s'enfoncèrent dans les rues sombres d'Ocrelieu.
Ligne 168 : Ligne 168 :
  
  
Un curieux assortiment d'objets était éparpillé sur les étagères en bois recyclé qui bordaient l'appartement. Il y avait la dent d'ogre qu'il avait arrachée à la gueule d'une bête terrorisant une colonie de la compagnie du chat dans le nord. Un éclat brisé d'une pierre aux inscriptions antiques, qu'il avait récupéré en s’infiltrant dans un groupe d'explorateurs. Entre babioles et souvenirs il y avait  une rose ratatinée pressée sur un parchemin épais, la première rose qu'il avait épinglée sur sa poitrine, non pas comme carte de visite de la lame grinçante, mais comme symbole d'amour et de dévouement. Lorsque les yeux de Balthazar passèrent dessus, il poussa un soupir mélancolique, comme il le faisait toujours lorsqu'il le remarquait. Cette histoire particulière était terminée depuis longtemps.
+
Un curieux assortiment d'objets était éparpillé sur les étagères en bois recyclé qui bordaient l'appartement. Il y avait la dent d'ogre qu'il avait arrachée à la gueule d'une bête terrorisant une colonie du compagnie du chat dans le nord. Un éclat brisé d'une pierre aux inscriptions antiques, qu'il avait récupéré en s’infiltrant dans un groupe d'explorateurs. Entre babioles et souvenirs il y avait  une rose ratatinée pressée sur un parchemin épais, la première rose qu'il avait épinglée sur sa poitrine, non pas comme carte de visite de la lame grinçante, mais comme symbole d'amour et de dévouement. Lorsque les yeux de Balthazar passèrent dessus, il poussa un soupir mélancolique, comme il le faisait toujours lorsqu'il le remarquait. Cette histoire particulière était terminée depuis longtemps.
  
 
Balthazar tira une lanterne du mur et s'arrêta un instant devant l'étagère, considérant la vieille rose dans la faible lumière. Après un moment de réflexion, il écarta la rose, un nuage de poussière s'élevant dans l'air qui fit éternuer Balthazar plus d'une fois. Il se frotta le nez et s'éloigna des étagères pour admirer son travail. L'espace sur l'étagère allait être juste assez grand pour une sculpture en verre, bien qu'elle se révélerait sans doute curieusement propre et élégante au milieu de l'assortiment aléatoire de bizarreries.
 
Balthazar tira une lanterne du mur et s'arrêta un instant devant l'étagère, considérant la vieille rose dans la faible lumière. Après un moment de réflexion, il écarta la rose, un nuage de poussière s'élevant dans l'air qui fit éternuer Balthazar plus d'une fois. Il se frotta le nez et s'éloigna des étagères pour admirer son travail. L'espace sur l'étagère allait être juste assez grand pour une sculpture en verre, bien qu'elle se révélerait sans doute curieusement propre et élégante au milieu de l'assortiment aléatoire de bizarreries.
Ligne 193 : Ligne 193 :
 
"Que s'est-il passé ?" Le chat attrapa sa cape sur une cheville en bois accrochée au mur. Elle était recouverte d'une fine couche de sciure de bois qui s'était accumulée au cours des derniers jours, aussi la fit-il claquer d'un coup de patte, faisant voler un nuage de détritus dans les airs. Tout en enfilant sa cape d'une patte, il ramassa sa ceinture d'épée de l'autre - un sabre en acier qu'il avait volé à un noble de la compagnie du chat dans ses jeunes années de gamin des rues et qui était depuis devenu un élément essentiel de sa garde-robe. En bouclant le ceinturon, il adressa un sourire ironique à l'hermine. "Sieur Gaspard s'est-il mis dans la tête les plumes de son chapeau ?"
 
"Que s'est-il passé ?" Le chat attrapa sa cape sur une cheville en bois accrochée au mur. Elle était recouverte d'une fine couche de sciure de bois qui s'était accumulée au cours des derniers jours, aussi la fit-il claquer d'un coup de patte, faisant voler un nuage de détritus dans les airs. Tout en enfilant sa cape d'une patte, il ramassa sa ceinture d'épée de l'autre - un sabre en acier qu'il avait volé à un noble de la compagnie du chat dans ses jeunes années de gamin des rues et qui était depuis devenu un élément essentiel de sa garde-robe. En bouclant le ceinturon, il adressa un sourire ironique à l'hermine. "Sieur Gaspard s'est-il mis dans la tête les plumes de son chapeau ?"
  
Cordelia commença à pousser le chat hors de l'appartement, vers la lourde porte de bois qui menait à la cage d'escalier. "Les plumes ont été tordues, oui. Les Cantabile n'ont pas apprécié l'offre de la compagnie des chats, et tu as été marqué."
+
Cordelia commença à pousser le chat hors de l'appartement, vers la lourde porte de bois qui menait à la cage d'escalier. "Les plumes ont été tordues, oui. Les Cantabile n'ont pas apprécié l'offre du compagnie des chats, et tu as été marqué."
 
"Le territoire du lapin m'a marqué ?" Balthazar rit. "Ce n'est pas grave. Je vais éviter les bals mondains pendant un moment. Ils ne sauront même pas où chercher."
 
"Le territoire du lapin m'a marqué ?" Balthazar rit. "Ce n'est pas grave. Je vais éviter les bals mondains pendant un moment. Ils ne sauront même pas où chercher."
  
Ligne 211 : Ligne 211 :
 
"Alors vous partez ?" Cordelia tendit à nouveau le sac de royaux d'or. "Balthazar, s'il vous plaît."
 
"Alors vous partez ?" Cordelia tendit à nouveau le sac de royaux d'or. "Balthazar, s'il vous plaît."
 
Il considéra le sac. Cela aurait été plutôt facile, se dit-il, de prendre les pièces et de s'en aller. Mais c'est ce que font les autres chats. Balthazar n'était pas arrivé là où il était en faisant ce que faisaient les autres chats. D'un coup de tête, il avala sa bière d'un trait. "J'ai une meilleure idée. Faites venir notre groupe habituel de mercenaires de la ville. Qu'ils me rejoignent ici."
 
Il considéra le sac. Cela aurait été plutôt facile, se dit-il, de prendre les pièces et de s'en aller. Mais c'est ce que font les autres chats. Balthazar n'était pas arrivé là où il était en faisant ce que faisaient les autres chats. D'un coup de tête, il avala sa bière d'un trait. "J'ai une meilleure idée. Faites venir notre groupe habituel de mercenaires de la ville. Qu'ils me rejoignent ici."
Cordelia serra les dents. "Nous ne savons pas qui travaille pour Joris. Pour ce que tu en sais, ils pourraient tous être à sa solde."
+
Cordelia serra les dents. "Nous ne savons pas qui travaille pour Gaspard . Pour ce que tu en sais, ils pourraient tous être à sa solde."
 
"Les amis des beaux jours ne font pas long feu dans le compagnie des chats", dit Balthazar, les yeux plissés, l'expression vide. "Envoyez un oiseau pour chacun d'entre eux. Mieux encore, parle d'abord à mon cousin. Faites-lui connaître les circonstances."
 
"Les amis des beaux jours ne font pas long feu dans le compagnie des chats", dit Balthazar, les yeux plissés, l'expression vide. "Envoyez un oiseau pour chacun d'entre eux. Mieux encore, parle d'abord à mon cousin. Faites-lui connaître les circonstances."
 
"Joris ? Pourquoi ?
 
"Joris ? Pourquoi ?
Ligne 261 : Ligne 261 :
 
"Et pourtant", Cordelia leva une griffe hésitante. "Tuer un ancien d'un compagnie adverse sans le consentement des neuf familles, c'est inouï, même si on a très envie de lui enfoncer son couteau dans le crâne."
 
"Et pourtant", Cordelia leva une griffe hésitante. "Tuer un ancien d'un compagnie adverse sans le consentement des neuf familles, c'est inouï, même si on a très envie de lui enfoncer son couteau dans le crâne."
  
"Je le veux désespérément, oui", dit Balthazar. "Très bien. J'ai un autre plan, alors." Il s'engagea dans la ruelle, faisant signe à l'hermine de le suivre. "Vous envoyez neuf oiseaux. Neuf oiseaux avec neuf demandes. Je ne tuerai pas Joris avant de les avoir toutes."
+
"Je le veux désespérément, oui", dit Balthazar. "Très bien. J'ai un autre plan, alors." Il s'engagea dans la ruelle, faisant signe à l'hermine de le suivre. "Vous envoyez neuf oiseaux. Neuf oiseaux avec neuf demandes. Je ne tuerai pas Gaspard  avant de les avoir toutes."
"Cela prendra des heures. Joris aura disparu d'ici là."
+
"Cela prendra des heures. Gaspard aura disparu d'ici là."
 
Balthazar poussa un juron.
 
Balthazar poussa un juron.
  
Ligne 275 : Ligne 275 :
 
"Écoute", dit finalement l'hermine en se levant et en tapotant la saleté de sa tunique. "Je ne veux pas que tu croies que je t'aime bien, mais je vais t'aider". Elle tendit une patte au Balthazar encore assis, qui la saisit et se laissa tirer sur ses pieds. "Sire Gaspard a élu domicile dans un manoir à l'autre bout du vallon sud, en dehors des murs de la ville. Elle se plaça derrière Balthazar et le réorienta vers la porte sud. "Par là.
 
"Écoute", dit finalement l'hermine en se levant et en tapotant la saleté de sa tunique. "Je ne veux pas que tu croies que je t'aime bien, mais je vais t'aider". Elle tendit une patte au Balthazar encore assis, qui la saisit et se laissa tirer sur ses pieds. "Sire Gaspard a élu domicile dans un manoir à l'autre bout du vallon sud, en dehors des murs de la ville. Elle se plaça derrière Balthazar et le réorienta vers la porte sud. "Par là.
 
"D'accord, dit Balthazar. "Mais qu'en est-il de la partie où je ne peux pas tuer le sire sans que les Familles ne me pendent ?"
 
"D'accord, dit Balthazar. "Mais qu'en est-il de la partie où je ne peux pas tuer le sire sans que les Familles ne me pendent ?"
Cordelia sourit. "Je m'en occupe. Toi, tu entres dans le manoir et tu empêches Lord Joris de faire une bêtise. Je pense que si nous parvenons à sauver cette affaire, cela signifiera de grandes choses pour le compagnie des chats. Mais !" Elle posa ses deux pattes sur les épaules de Balthazar, le regardant dans les yeux. "Ne. Tue. Pas. Gaspard." Avant que Balthazar ne puisse répondre, l'hermine se leva et disparut dans une autre ruelle - il n'avait aucune idée de son plan, mais la lame grinçante ne pouvait s'empêcher d'être impressionnée. Il lui restait peut-être un ami après tout.
+
Cordelia sourit. "Je m'en occupe. Toi, tu entres dans le manoir et tu empêches le sire Gaspard  de faire une bêtise. Je pense que si nous parvenons à sauver cette affaire, cela signifiera de grandes choses pour le compagnie des chats. Mais !" Elle posa ses deux pattes sur les épaules de Balthazar, le regardant dans les yeux. "Ne. Tue. Pas. Gaspard." Avant que Balthazar ne puisse répondre, l'hermine se leva et disparut dans une autre ruelle - il n'avait aucune idée de son plan, mais la lame grinçante ne pouvait s'empêcher d'être impressionnée. Il lui restait peut-être un ami après tout.
  
 
= Chapitre 5 =
 
= Chapitre 5 =
Ligne 281 : Ligne 281 :
 
Le manoir que fréquentait le sire était somptueux, construit par les architectes de la compagnie du Lapin en utilisant des éléments de design rendus populaires par la construction du Palais Royal. Comme le château devait marier les conceptions des quatre puissances, de nouvelles normes stylistiques ont été inventées par les artisans doués du territoire du Lapin, ce qui a donné des choses comme des plafonds voûtés (inspirés des châteaux de pierre du clan des Loup), l'eau courante par un aqueduc en pierre (une invention de la compagnie des chats), et un jardin autonome qui s'étendait autour de la façade (grâce aux conseillers du cercle de l'ours).
 
Le manoir que fréquentait le sire était somptueux, construit par les architectes de la compagnie du Lapin en utilisant des éléments de design rendus populaires par la construction du Palais Royal. Comme le château devait marier les conceptions des quatre puissances, de nouvelles normes stylistiques ont été inventées par les artisans doués du territoire du Lapin, ce qui a donné des choses comme des plafonds voûtés (inspirés des châteaux de pierre du clan des Loup), l'eau courante par un aqueduc en pierre (une invention de la compagnie des chats), et un jardin autonome qui s'étendait autour de la façade (grâce aux conseillers du cercle de l'ours).
  
Balthazar n'appréciait ces détails que dans la mesure où ils l'aidaient à pénétrer dans le manoir sans être vu. L'épais jardin extérieur, par exemple, offrait une couverture suffisante pour que Balthazar puisse sauter entre les topiaires et s'abriter derrière les buissons. La porte d'entrée du manoir était gardée par deux lapins brandissant leurs hallebardes, très prisées par l'élite de la compagnie des lapins et utilisées par la Garde du Roi dans tout le royaume.  
+
Balthazar n'appréciait ces détails que dans la mesure où ils l'aidaient à pénétrer dans le manoir sans être vu. L'épais jardin extérieur, par exemple, offrait une couverture suffisante pour que Balthazar puisse sauter entre les topiaires et s'abriter derrière les buissons. La porte d'entrée du manoir était gardée par deux lapins brandissant leurs hallebardes, très prisées par l'élite du compagnie des lapins et utilisées par la Garde du Roi dans tout le royaume.  
  
 
Il était difficile d'affronter un lapin avec une hallebarde, mais en affronter deux en même temps aurait été suicidaire. Du moins, en supposant qu'ils aient su qu'il était là.
 
Il était difficile d'affronter un lapin avec une hallebarde, mais en affronter deux en même temps aurait été suicidaire. Du moins, en supposant qu'ils aient su qu'il était là.
Ligne 297 : Ligne 297 :
 
La Cour du Corbeau.
 
La Cour du Corbeau.
  
L'endroit dégageait une odeur désagréable qui ne semblait jamais disparaître, et même si Lord Joris n'était entré dans la taverne que quelques minutes, Balthazar pouvait en sentir les moindres traces avec son nez aiguisé. Lord Joris n'était pas loin.
+
L'endroit dégageait une odeur désagréable qui ne semblait jamais disparaître, et même si le noble Gaspard  n'était entré dans la taverne que quelques minutes, Balthazar pouvait en sentir les moindres traces avec son nez aiguisé. Le noble lièvre n'était pas loin.
 
Quelques gardes sortirent d'une pièce située à moins de dix pas dans le couloir et Balthazar eut à peine le temps de se pencher sur le côté et de se blottir derrière une grande urne décorative placée le long du mur, le souffle retenu, parfaitement immobile.
 
Quelques gardes sortirent d'une pièce située à moins de dix pas dans le couloir et Balthazar eut à peine le temps de se pencher sur le côté et de se blottir derrière une grande urne décorative placée le long du mur, le souffle retenu, parfaitement immobile.
 
"Tu crois qu'ils vont l'amener ici ? demanda l'un d'eux. "J'ai envie de voir ce chat.
 
"Tu crois qu'ils vont l'amener ici ? demanda l'un d'eux. "J'ai envie de voir ce chat.
Ligne 308 : Ligne 308 :
 
Il n'y a rien à faire, alors.
 
Il n'y a rien à faire, alors.
 
La lame grinçante sortit de l'ombre. Au bout du couloir, il trouva la source de l'odeur, derrière une grande porte en chêne. Un bureau. Il dégaina son sabre, puis poussa la porte.
 
La lame grinçante sortit de l'ombre. Au bout du couloir, il trouva la source de l'odeur, derrière une grande porte en chêne. Un bureau. Il dégaina son sabre, puis poussa la porte.
"Je vous ai dit de ne pas me déranger ! Lord Joris s'emporta. Il était assis à un bureau de l'autre côté de la grande pièce, lui tournant le dos. Le bureau rappelait à Balthazar la salle des trésors de son ancien appartement, avant l’incendie, mais avec un niveau supplémentaire de classe du territoire du Lapin. Des objets et des curiosités provenant de tout l'Armello trônaient dans des vitrines immaculées le long des murs. Des cartes du territoire de la compagnie du Lapin étaient accrochées au mur, ainsi que de nombreuses peintures que Balthazar supposait être de célèbres artistes du territoire du Lapin.
+
"Je vous ai dit de ne pas me déranger ! Gaspard  s'emporta. Il était assis à un bureau de l'autre côté de la grande pièce, lui tournant le dos. Le bureau rappelait à Balthazar la salle des trésors de son ancien appartement, avant l’incendie, mais avec un niveau supplémentaire de classe du territoire du Lapin. Des objets et des curiosités provenant de tout l'Armello trônaient dans des vitrines immaculées le long des murs. Des cartes du territoire du compagnie du Lapin étaient accrochées au mur, ainsi que de nombreuses peintures que Balthazar supposait être de célèbres artistes du territoire du Lapin.
  
 
"Je suis désolé que mon absence de mort vous ait dérangé."
 
"Je suis désolé que mon absence de mort vous ait dérangé."
Balthazar observa avec une jubilation à peine dissimulée la fourrure de Lord Gaspard se hérisser sur sa nuque et ses oreilles se dresser en l'air.
+
Balthazar observa avec une jubilation à peine dissimulée la fourrure de Gaspard se hérisser sur sa nuque et ses oreilles se dresser en l'air.
 
"Ba-ba-ba…"
 
"Ba-ba-ba…"
 
Le chats'inclina. "Balthazar ! Bonjour ! Je crois que nous nous sommes déjà rencontrés ?"
 
Le chats'inclina. "Balthazar ! Bonjour ! Je crois que nous nous sommes déjà rencontrés ?"
Ligne 322 : Ligne 322 :
 
"Mon Sire !" L'un des trois gardes-lapins de tout à l'heure fit irruption dans la pièce. "Qu'est-ce que... ? Il croisa le regard de Balthazar, qui lui fit un signe avec sa dague.
 
"Mon Sire !" L'un des trois gardes-lapins de tout à l'heure fit irruption dans la pièce. "Qu'est-ce que... ? Il croisa le regard de Balthazar, qui lui fit un signe avec sa dague.
 
"Hé, la !. Bienvenue à la fête !"
 
"Hé, la !. Bienvenue à la fête !"
"C'est la lame ! Le garde-lapin s'élança dans la pièce, la hallebarde en arrière pour un coup mortel. Balthazar connaissait ces armes sur le bout des doigts - on n'allait pas loin dans son métier sans comprendre le fonctionnement de l'arme la plus populaire de la compagnie du lapin. Il calcula rapidement la portée de l'arme en fonction de la taille du lièvre, puis pivota pour s'écarter du chemin lorsque la pointe de la hallebarde fut projetée vers l'avant, s'écrasant sur la façade en verre d'un des étalages de Lord Joris.
+
"C'est la lame ! Le garde-lapin s'élança dans la pièce, la hallebarde en arrière pour un coup mortel. Balthazar connaissait ces armes sur le bout des doigts - on n'allait pas loin dans son métier sans comprendre le fonctionnement de l'arme la plus populaire du compagnie du lapin. Il calcula rapidement la portée de l'arme en fonction de la taille du lièvre, puis pivota pour s'écarter du chemin lorsque la pointe de la hallebarde fut projetée vers l'avant, s'écrasant sur la façade en verre d'un des étalages de Gaspard.
  
 
"Attention aux étagères, bande d'idiots ! L'aîné des lapins bondit de son siège et se précipita vers une canne adossée à la vitrine. Connaissant le territoire du lapin, Balthazar supposait qu'il y avait plus que cela.
 
"Attention aux étagères, bande d'idiots ! L'aîné des lapins bondit de son siège et se précipita vers une canne adossée à la vitrine. Connaissant le territoire du lapin, Balthazar supposait qu'il y avait plus que cela.
Ligne 334 : Ligne 334 :
  
 
Le garde, qui essayait encore de reprendre son souffle, commença à attraper sa hallebarde qu'il avait laissée tomber.
 
Le garde, qui essayait encore de reprendre son souffle, commença à attraper sa hallebarde qu'il avait laissée tomber.
"Je suppose que non. Balthazar sauta dans les airs et donna un coup de pied au lapin en plein visage, l'envoyant se cogner contre une autre des vitrines de Lord Joris.
+
"Je suppose que non. Balthazar sauta dans les airs et donna un coup de pied au lapin en plein visage, l'envoyant se cogner contre une autre des vitrines du sire Gaspard .
L'ancien lapin hurla. "Je t'ai dit de faire attention aux étagères !" Il tira le manche de sa canne et en sortit une lame fine comme un rasoir. Lord Joris la tint droite devant lui, visiblement à l'aise avec son utilisation. "Vous l'avez fait exprès.
+
L'ancien lapin hurla. "Je t'ai dit de faire attention aux étagères !" Il tira le manche de sa canne et en sortit une lame fine comme un rasoir. Gaspard  la tint droite devant lui, visiblement à l'aise avec son utilisation. "Vous l'avez fait exprès.
  
 
"Un peu. Balthazar acquiesça. "Que diriez-vous de..."
 
"Un peu. Balthazar acquiesça. "Que diriez-vous de..."
Ligne 342 : Ligne 342 :
  
 
La vision de Balthazar était complètement floue, ses oreilles bourdonnaient et il n'arrivait pas à retrouver la capacité de bouger. "Non, dit-il, je pense que ce temps est révolu."
 
La vision de Balthazar était complètement floue, ses oreilles bourdonnaient et il n'arrivait pas à retrouver la capacité de bouger. "Non, dit-il, je pense que ce temps est révolu."
"Je suis d'accord." L'ancien de la compagnie du Lapin saisit Balthazar par la nuque et lui souleva la tête du sol. "Au fait, au nom du roi lui-même, on m'a demandé de réduire encore plus ton salaire. Ainsi que votre gorge. J'espère que cela ne vous dérange pas."
+
"Je suis d'accord." L'ancien du compagnie du Lapin saisit Balthazar par la nuque et lui souleva la tête du sol. "Au fait, au nom du roi lui-même, on m'a demandé de réduire encore plus ton salaire. Ainsi que votre gorge. J'espère que cela ne vous dérange pas."
 
Le chat fit semblant de réfléchir. "Le roi en personne veut me trancher la gorge, vous dites ? Oh, je ne sais pas, il y a tous les contrats, la paperasse et..."
 
Le chat fit semblant de réfléchir. "Le roi en personne veut me trancher la gorge, vous dites ? Oh, je ne sais pas, il y a tous les contrats, la paperasse et..."
  
Lord Joris abattit la poignée de son épée directement sur le visage de Balthazar. Puis une deuxième fois. Puis une troisième fois. Le lapin envisagea un quatrième coup, mais hésita avant de le relâcher. Balthazar retomba au sol en un tas, une flaque de sang s'écoulant sur le tapis tissé immaculé qui recouvrait le sol.
+
Gaspard  abattit la poignée de son épée directement sur le visage de Balthazar. Puis une deuxième fois. Puis une troisième fois. Le lapin envisagea un quatrième coup, mais hésita avant de le relâcher. Balthazar retomba au sol en un tas, une flaque de sang s'écoulant sur le tapis tissé immaculé qui recouvrait le sol.
 
"Oh, tch, regarde ça." L'aîné des lapins avait l'air déçu. "Tu saignes sur mon nouveau tapis. Je dois supposer que tu le fais exprès." Il fit un signe de tête au garde, qui souleva la tête meurtrie de Balthazar du tapis. Les yeux du chat étaient meurtris et gonflés, et du sang coulait librement du coin de sa mâchoire relâchée.
 
"Oh, tch, regarde ça." L'aîné des lapins avait l'air déçu. "Tu saignes sur mon nouveau tapis. Je dois supposer que tu le fais exprès." Il fit un signe de tête au garde, qui souleva la tête meurtrie de Balthazar du tapis. Les yeux du chat étaient meurtris et gonflés, et du sang coulait librement du coin de sa mâchoire relâchée.
  
Ligne 354 : Ligne 354 :
 
« Ne t’avise pas! » cria le garde de lapin derrière lui. « Tu es mort si tu le fais! »
 
« Ne t’avise pas! » cria le garde de lapin derrière lui. « Tu es mort si tu le fais! »
 
« Et je suis mort si je ne le fais pas. » Balthazar a ri – un bruit de sifflement grinçant à travers ses dents cassées.
 
« Et je suis mort si je ne le fais pas. » Balthazar a ri – un bruit de sifflement grinçant à travers ses dents cassées.
Lord Joris cligna de l’œil tandis que la lame d’acier pressait contre son cou. « Qu’est-ce que vous attendez? » Il leva les yeux, réalisant soudain quelque chose. Sur son visage, un calme étrange semblait se répandre. « Oh par le divin, tu ne peux pas, n’est-ce pas? »
+
Gaspard  cligna de l’œil tandis que la lame d’acier pressait contre son cou. « Qu’est-ce que vous attendez? » Il leva les yeux, réalisant soudain quelque chose. Sur son visage, un calme étrange semblait se répandre. « Oh par le divin, tu ne peux pas, n’est-ce pas? »
 
« Je vous assure que je suis parfaitement capable », a déclaré Balthazar.
 
« Je vous assure que je suis parfaitement capable », a déclaré Balthazar.
 
« Mais ce n’est pas le cas! » s’écria Gaspard. « Vous n’avez pas la permission. Vos familles ne me laisseront pas mourir! » Il essaya de se pencher en avant, mais Balthazar siffla, la lame fine tirant une moindre quantité de sang.
 
« Mais ce n’est pas le cas! » s’écria Gaspard. « Vous n’avez pas la permission. Vos familles ne me laisseront pas mourir! » Il essaya de se pencher en avant, mais Balthazar siffla, la lame fine tirant une moindre quantité de sang.

Version actuelle datée du 1 juin 2023 à 19:31

Le statut de cet écrit est public. Cela signifie qu'il est accessible à tout le monde mais que votre personnage doit l'avoir vu ou lu en RP pour que vous puissiez consulter cette page. Dans le cas contraire il s'agit de métagaming.

Cet écrit a été rédigé par Fio et se trouve sur la nouvelle Esperia.

SeparateurFIO.png

Chapitre 1

Ocrelieu était une petite ville, surtout si on la compare à la majesté architecturale d'Alkor, aux hectares de vergers magnifiques de Verte-Garenne ou aux vastes marchés ouverts de Beaux-bois. Ocrelieu n'avait rien de spécial - elle ne comptait aucun artisan notable, aucun breuvage de renom, et la moitié des rues restaient sans nom, mais c'était la ville préférée de Balthazar dans tout le royaume, et ce pour une seule raison : La Cour du Corbeau.

C'était sa taverne préférée, à tel point qu'il avait loué les caves en permanence. Peu importe la distance parcourue par Balthazar, il aimait toujours revenir dans ce trou dans le mur d'Ocrelieu. Bien sûr, tout le monde ne comprenait pas pourquoi.

"Vous savez quel est votre problème ?" Une hermine, dont la fourrure d'un blanc immaculé était à peine visible sous les couches de robes de soie colorées, poussait une chope de bière à moitié vide sur la table. À l'autre bout de la table, Balthazar, vêtu d'une veste rouge brodée, était assis avec sa propre chope. Une rose rouge fraîche était épinglée sur sa poitrine - moins un effet de mode qu'une obligation professionnelle à ce stade.


"Non, mais j'imagine que vous allez me le dire. Le chat leva le bras et avala une bonne gorgée de bière. Sa chemise blanche ample était déboutonnée aux poignets, ce qui faisait que les manches se rejoignaient comiquement au niveau du coude lorsqu'il se penchait en arrière pour boire. "Vous vous plaisez à souligner mes problèmes. Aussi multidivers soient-ils."

"D'accord, utiliser des mots comme 'multidivers' est l'un de vos problèmes, mais pas celui dont il est question", dit l'hermine. Elle fit un geste vers la chope. "Non, Balthazar, ton problème, c'est que tu n'apprécies pas les bonnes choses de la vie.” Le chat sourit, posant sa chope presque vide sur la table. "Expliquez-moi.”

"Cette bière", poursuivit l'hermine. "Elle est infâme. Brassée dans l'arrière-cour, très probablement. Il la sert trop chaude, et il n'a rien pour la manger." Le tenancier, un crapaud plutôt grincheux nommé Burg, pouvait bien sûr tout entendre. Il jeta un regard malicieux sur le représentant de la compagnie du chat dans son établissement, mais choisit sagement de ne pas intervenir. "Elle ne voulait pas dire ça", dit Balthazar en agitant une patte gantée vers le crapaud. "Cordelia est juste grincheuse parce que vous n'avez pas la soupe à l'oignon poivrée qu'elle aime tant.

L'hermine roule des yeux. "Il n'y a pas que moi qui l'aime. Tout le monde l'aime." "Et j'aime ça !" Balthazar brandit la chope. "Ma chère, vous confondez une fois de plus snobisme et qualité. Ce n'est pas parce que quelque chose est fabriqué à bas prix dans un... Ce n'est pas fabriqué dans votre jardin, n'est-ce pas ?" Il jeta un coup d'œil à Burg, qui grimaça un peu avant de s'éclipser nerveusement dans une arrière-salle. Balthazar attendit son retour pendant plusieurs longues secondes, puis haussa les épaules. "Eh bien, de toute façon, peu importe où il est fabriqué, je l'aime bien. Voyez-vous, je ne me contente pas d'apprécier les plus belles choses de la vie. J'essaie aussi d'apprécier les petites choses de la vie".

"C'est ce que vous dites." Cordelia reprit sa chope et considéra le liquide brun et opaque qu'elle contenait. Elle grimaça, plongea la main à l'intérieur et en retira une mouche morte entre ses griffes. "De toute façon", dit-elle en écartant l'insecte, "je ne suis pas ici pour goûter les breuvages locaux". "C'est dommage", dit Balthazar. "Il y a un tonneau d'hydromel que je viens de recevoir d'un rucher à l'extérieur de la ville. Des notes de mûre, je crois." "Acheté ou volé ?" Cordelia sourit. "Gagné, merci beaucoup." Balthazar avait l'air blessé. "Des créatures viennent me demander de l'aide, que dois-je faire si elles n'ont pas de royaux d'or ?" "La lame Grinçante, le héros des gens ordinaires ?" Cordelia rit. "Mon Dieu, mon Dieu, quelle douceur tu es devenu."


"Si la compagnie des chats veut garder le pouvoir qu'il a, il faut parfois faire preuve de douceur. Le chat retira le gant de sa patte droite et passa une griffe sur le bord de sa chope pour récupérer la mousse avant de la polir. "Alors, question."

Cordelia soupira et fit rouler sa patte en l'air pour l'aiguillonner, anticipant ce qui allait suivre. Balthazar avait l'habitude de connaître les réponses avant même de les avoir demandées, mais il avait tendance à faire précéder ce genre de conversation d'une simple question. Si l'on se fie au passé, il s'agirait simplement d'une démonstration démontrant à quel point Balthazar avait réussi à prendre de l'avance sur la conversation.

"Qu'est-ce que la meilleure espionne du compagnie du chat fait à me parler dans un endroit qu'elle méprise ? Est-il possible que les Familles aient à nouveau besoin de la Lame Grinçante ?" Cordelia grogna. "Tu savais que c'était pour ça que j'étais là dès mon arrivée." "Eh bien, oui." Balthazar tripota la chope, l'inclinant autour de sa base. "Alors, tu as un travail quelconque. De quoi s'agit-il, je me le demande ? La baronne Griffetoise a finalement mordu plus qu'elle ne peut mâcher ? Ou peut-être que la duchesse a finalement besoin d'être ramenée au bercail ?" "Rien d'aussi excitant, je le crains", dit Cordelia. "Que savez-vous des souffleurs de verre de Cantabile ?” Balthazar s'arrêta de tripoter sa chope. "Les Cantabile..." "Les souffleurs de verre." "Je sais ce que c'est. Balthazar s'emporta.” "Alors pourquoi demander ?" "Je n'ai pas... Je ne sais pas." Le chats'est adossé à son siège, l'air pensif. Cordelia avait l'air choquée. "Mon Dieu. Tu es au courant de leur existence ?" "J'ai dit que je savais ce que c'était", dit Balthazar.

L'hermine haussa les sourcils. "C'est vrai, mais vous les connaissez." Elle s'appuya sur la table, par-dessus ses coudes, et fit un grand sourire. "Balthazar, est-il possible qu'en plus d'être la crapule professionnelle la plus respectée du compagnie du Chat, vous soyez aussi ce que j'imagine être une sorte de connaisseur de la sculpture sur verre ?”

Balthazar agita une patte dédaigneuse, le nez levé en l'air dans un simulacre de dignité. "Quoi ? Moi ? Voyons, ma chère Cordelia, vous savez que je n'ai ni l'espace ni l'argent pour un tel hobby." Il se racla la gorge, souhaitant vivement qu'il reste un peu de bière dans sa chope pour lui offrir un moment de réflexion. "En fait, c'est le problème inverse qui se pose", dit-il finalement. "Je collectionne les choses. Des petits, comment dire, souvenirs ? Ici et là ? C'est juste que je n'ai pas encore de verre Cantabile".

Cordelia serra ses pattes l'une contre l'autre, comme une mère feignant l'adoration. "Oh, c'est si précieux ! Tu as une petite collection". Elle pencha la tête sur le côté. "Dis-moi juste que ce ne sont pas des trucs bizarres. Tu sais, des têtes ? Des queues ? Des dents ?" "Il y a une dent d'ogre, bien sûr", dit Balthazar. Il affiche un sourire diabolique. "Collectionner le genre de souvenirs auxquels vous pensez est mauvais pour les affaires. Je n'aime pas collectionner des preuves à charge contre moi-même et les exposer."

"C'est vrai, donc", dit Cordelia. "Aussi surprenant que cela puisse paraître, cette conversation ne porte pas sur toi et tes hobbies bizarres." "Ah, oui." Balthazar fit un geste avec ses pattes en se penchant respectueusement en arrière. "Je nous ai un peu éloignés du sujet. Je vous en prie, continuez."


"Les Cantabiles envoient un de leurs émissaire à Ocrelieu pour ouvrir un atelier et commencer à faire du commerce. L'hermine fouilla dans sa cape colorée et en sortit un rouleau de parchemin. "Ocrelieu est bien situé pour le commerce, c'est donc une bonne affaire.” "Et la compagnie du Chat s'intéresse toujours aux affaires intelligentes."

"C'est l'une des choses pour lesquelles nous sommes connus, oui", dit Cordelia. Elle déroula le parchemin et le fit glisser devant Balthazar. La signature de chacune des neuf familles de la Compagnie du Chat figurait au bas de la page - un détail curieusement minutieux pour un travail impliquant des marchands de verre. Balthazar, la tête concentrée sur le parchemin, jeta un regard furtif vers l'hermine. "Pourquoi faut-il l'approbation de chaque famille ? demanda-t-il. "Suis-je en train de tuer quelqu'un ?

Cordelia se pencha sur la table et pointa du doigt une partie du parchemin. "Lisez-le avant de tirer des conclusions hâtives. Tout est expliqué ici. Parce que ta cible est celle d’une ancienne compagnie rivale, c'est un peu plus compliqué pour..." "Obtenir l'approbation de Joris ?" Balthazar acquiesça, puis regarda les signatures. Il y en avait neuf, une de chaque famille qui contrôlait toutes les affaires de la compagnie du chat dans le royaume et dans les territoires de la compagnie du Rat. Au-dessus d'eux se trouvait sa cible : GASPARD CANTABILE.

"Compris ? Cordelia prit le parchemin et le roula. Il disparut rapidement dans les plis de sa cape. "C'est important, alors essayez de ne pas tout gâcher, s'il vous plaît. Le félin ne répondit rien, se contentant de faire la grimace.

Chapitre 2

C'est deux jours plus tard que le lapin Cantabile fit son apparition à Ocrelieu, et deux autres jours suivirent avant que Balthazar ne se décide à l'approcher. Il avait observé le lapin aller et venir dans la ville, plantant des royaux d'or dans les pattes des gardes de la ville et des magistrats locaux dans l'espoir d'une opération sans heurts. Sachant que le lapin était d'humeur charitable, il envoya au noble lièvre une correspondance personnelle par l'intermédiaire de ses relations au sein de la Garde du Roi, ce qui, selon lui, offrait suffisamment de crédit pour attirer l'attention de l'ancien.

Et c'est ce qui s'est passé.

La correspondance était simple : une note rédigée sur une carte de papier épais, de couleur crème pâle et lisse au toucher. Le message était simple, éloquent et précis. Il ne menaçait pas, mais il n'était pas du genre à être ignoré. Et bien sûr, le dessin d'une rose à la place de sa signature était connu de la plupart des habitants ; la fleur le servait bien mieux que son propre nom ne l'aurait jamais fait.

Le compagnie des chats avait la réputation d'être pourri jusqu'à la moelle, une peste qui ne survivait que par le nombre et la force brute, mais Balthazar appréciait toujours l'occasion de prouver que ce n'était pas le cas. Il était fier de sa présentation impeccable. Ses vêtements étaient cousus et brodés par ses pattes, son papier importé de Verte-Garenne et ses plumes fabriquées à partir de paons exotiques rares.

Balthazar avait appris à calligraphier tout seul dès son plus jeune âge, et il mélangeait les encres avec les mêmes flacons que ceux qu'il utilisait pour préparer ses poisons. C'est ce qui a fait de lui une légende au sein de la compagnie des chats. Tout était dans l'attention portée aux détails : les petites choses comme les plus fines. C'est ainsi que Balthazar sut que le noble répondrait à sa convocation à la Cour du Corbeau.

L'aîné des lapins était vêtu d'un lourd manteau de laine, les oreilles rabattues derrière ses épaules par un grand chapeau noir orné de deux plumes. L'une de paon, l'autre de faisan.

Balthazar fronça le nez devant le choc des couleurs. À côté du lapin, un petit écuyer souris se tenait nerveusement debout. Tous deux, avec leurs vêtements immaculés et leur air digne, semblaient terriblement déplacés dans la faible lumière de la taverne miteuse. La Cour du Corbeau était peu peuplée à cette heure tardive ; Balthazar avait choisi l'heure du dîner pour deux raisons : premièrement, les lapins fonctionnent rarement à plein régime lorsqu'ils ont l'estomac vide et deuxièmement, la Cour du Corbeau n'a pas de nourriture.

"Sire Gaspard! Balthazar agita une patte en l'air. Le lapin le regarda d'un air renfrogné depuis l'autre côté de la pièce, tandis qu'il s'approchait en trombe, faisant glisser sa lourde cape d'un geste fluide et la poussant dans les bras de son écuyer. La petite souris vacilla d'avant en arrière pour garder l'équilibre tandis que la cape lui tombait sur la tête. Sous la cape, le lapin était vêtu d'une tunique de soie brodée d'un insigne stylisé du Territoir des lapins.

"Je déteste être convoqué dans cet... établissement", déclara le vieil animal. Il surplombait Balthazar assis, mais le chat ne montrait aucun signe d'inconfort. "Eh bien, vous vous installez à Ocrelieu, cela vaut peut-être la peine de s'y habituer." Le chat fit un geste vers la chaise vide de l'autre côté de la table. "Asseyez-vous, je vous prie." Gaspard fit un signe de tête à l'écuyer, qui tira la chaise pour son seigneur. "Il semble que le territoire du lapin ne puisse pas ouvrir plus d'un étal à légumes sans que l'un des vôtres ne s'en aperçoive." "Nous remarquons aussi les étals à légumes. Mais nous nous en moquons." Balthazar fit signe au tenancier de s'approcher. "Une autre bière de la maison. Et... ?" Il regarda le lapin, qui secoua la tête. "Rien pour moi." Son regard se posa sur le chat. "Je ne m'attends pas à rester ici longtemps." Le tavernier, décelant peut-être l'inévitable animosité, battit précipitamment en retraite. "Alors ! dit Balthazar en se penchant sur la table. "C'est passionnant. Des chats et des lapins qui travaillent ensemble."


Sire Gaspard se racla la gorge, surpris. "Nous ne travaillons pas ensemble, chat. Vous m'avez invité ici pour me proposer un arrangement commercial, si l'on en croit votre lettre." Il plissa les yeux. "Mais je pense que je peux sauter l'habituel exordium maladroit. Le territoire du Lapin ne se laissera pas intimider par les habitants de la rue. Même si vous vous croyez charmants avec votre tunique, vos gants de cuir et votre écriture mesurée, vous êtes comme n'importe quel chat. Bas-âgeux, sale et terriblement ennuyeux".

Balthazar sentait quelque chose monter en lui - de la chaleur, de la rage. Quelque chose qui remontait de la base de sa queue jusqu'à la nuque. Dans ses pattes, il y avait un tremblement imperceptible. Mais il le retint. Jamais, au grand jamais, il ne laissa personne le voir. "Pourtant, vous voilà.", dit la lame grinçante. "Pourquoi ?

Le lapin sourit, l'air de supériorité n'étant pas du tout masqué. "Il s'agit d'une entreprise de pure curiosité. Tu sembles penser que le territoire du lapin devrait te craindre. Que je devrais me jeter à vos pieds en signe de respect. La lame grinçante - un surnom si hilarant qu'il ne sied pas à un instrument émoussé comme vous". Il tendit ses deux pattes au-dessus de la table, les griffes s'enfonçant dans le bois en se levant, essayant une fois de plus d'intimider le chat assis en face de lui. "Vous ne possédez aucune terre, aucun domaine, vous n'avez pas de nom de famille pour une pierre tombale, et vous n'avez pas les moyens de vous en offrir une. Vous n'avez pas d'éducation formelle, pas d'apprentissage qui vaille la peine d'être couché sur le papier, pas de références - rien. Alors, voilà ce que je ne comprends pas : pourquoi le territoire du lapin, dans toute sa puissance, sa richesse et son prestige, devrait-il être intimidé par ce chat sans le sou, sans pouvoir et sans nom ?"

Un silence s'installa dans la Cour du Corbeau, et plus d'un regard curieux se posa sur Balthazar et le sire Gaspard. Les deux se regardaient fixement, se jaugeant finalement l'un l'autre. Puis, alors que la tension atteignait son paroxysme, on entendit un bruit sourd d'acier sur du bois - Burg, le tavernier, plaça la bière de Balthazar entre eux. Sentant peut-être qu'il avait choisi un mauvais moment pour s'approcher de la table, il s'éloigna sagement et se retira dans l'arrière-boutique.


Le chat considéra la bière, puis tendit la main avec désinvolture. "Il y avait sans doute des façons plus gentilles de demander cela, mais je vais vous dire, je vais vous faire plaisir, parce que nous sommes amis." "Nous ne sommes pas..." "Ecoutez, vous avez fait des recherches, c'est admirable. C'est une initiative, voyez-vous ? Mais vous avez oublié quelques détails importants. Quelques-uns seulement ! Sinon, vous avez fait du bon travail !" Gaspard parut décontenancé. Il jeta un coup d'œil à son écuyer, qui haussa les épaules en silence, avant de se retourner vers Balthazar. "Je ne vois pas très bien ce que j'aurais pu manquer à quelqu'un dont l'histoire est aussi mince que la vôtre."

Balthazar avala une trop longue gorgée de bière, puis essuya la mousse de ses moustaches avec un "Ah !" sec. " Bon, par exemple, je n'ai ni terre ni domaine, mais le mois dernier, j'ai organisé un bal mondain dans le manoir du duc Belleni, à l'extérieur de la ville, sans dépenser un seul royal. C'était merveilleux, vraiment, j'aurais aimé que vous puissiez le voir. Nous avions ces pâtisseries soufflées, je n'ai aucune idée de ce qu'elles contiennent, mais je crois que j'en ai mangé dix ou douze." Il se pencha vers l'intérieur, ce qui fit reculer Gaspard.

"Vous voyez, les plus grands domaines du royaume sont techniquement les miens parce que les gens qui les possèdent... eh bien, je suppose qu'on peut dire qu'ils m'appartiennent. Et comme je les possède, je possède tout ce qu'ils possèdent. Cela fait de moi quelqu'un de plutôt riche, n'est-ce pas ? Je pense que oui." "Ecoutez..." "C'est le pouvoir, je pense. Le vrai pouvoir." Il a fait un signe de tête à l'écuyer. "D'autres créatures. Des créatures qui feraient n'importe quoi pour moi. Mentir. Voler. Assassiner." Il fit un clin d'œil à la souris, qui se recula derrière son maître en proie à une terreur abjecte. "Tu vois, regarde là-bas. Tu vois cette marmotte près de la porte ?" Balthazar fit un signe de tête par-dessus l'épaule du lapin. Une marmotte à l'air sournois, vêtue d'une tunique noire élimée, était appuyée contre la porte, se curant les dents avec un poignard rouillé et observant curieusement la scène. Elle parut un peu surprise de croiser le regard de Balthazar et détourna rapidement les yeux.


Balthazar se pencha plus près de Gaspard et chuchota durement. "Elle travaille pour moi, et en ce moment même, elle attend mon signal pour glisser cette dague entre tes côtes. Puis le chat s'est adossé à son siège en riant. "Je ne vais pas le faire, mais je pourrais le faire si je le voulais. Et elle n'est pas la seule. Le compagnie des chats se répand, invisible, comme l'eau sur les pavés, nous atteignons chaque fissure et chaque crevasse. C'est comme si j'avais une armée permanente partout où je vais, des soldats dans l'ombre qui n'attendent que ma parole." Il sourit. "Vous pensez que le pouvoir est dans les noms. Des tablettes de pierre. La parole d'un artisan. Le vrai pouvoir, sieur Gaspard, c'est de savoir que je pourrais vous tuer de dix façons différentes avant que vous ne quittiez votre siège."

L'écuyer souris gémit, mais son maître lapin lui donna un violent coup de coude dans la poitrine pour le faire taire, avant de reporter à nouveau son attention sur Balthazar. "Je pense que nous sommes peut-être partis du mauvais pied."

"Qu'est-ce qui vous fait dire ça ?" La lame grinçante but une nouvelle gorgée de bière. "Je pense que nous nous entendons bien." De sa patte libre, il fit un geste de va-et-vient entre lui et le lapin. "Et ça ? Ce que nous faisons maintenant ? Ce ne sont que des paroles en l'air." Le noble regarda tout de même nerveusement de chaque côté. Les clients vaquaient à leurs occupations, mais d'une manière ou d'une autre, ils avaient réussi à se rapprocher d'eux - un mur d'assassins potentiels les encerclaient. Balthazar était tout à fait à l'aise.

"C'est juste drôle, je crois. Vous avez cru que j'aurais pu être rabaissé par quelques insultes mesquines. Ce n'est pas une bonne affaire, n'est-ce pas ?" Il fit glisser sa chope de côté, éliminant la seule chose qui séparait les deux clients assis. "Vous voyez, votre position de négociation était erronée dès le départ. Vous pensiez que parce que je n'ai pas de nom de famille célèbre, de richesse ou de pouvoir politique, je pourrais être mis au pas d'une manière ou d'une autre."

Il montra d'un geste la rose rouge épinglée à sa veste. "Pourtant, vous avez répondu à ma convocation. Pourquoi ? Parce que vous saviez qui j'étais. Vous saviez que j'étais puissant et que, même si je n'étais pas riche, je pouvais vous empêcher de l'être vous-même. Et c'est tout aussi grave, n'est-ce pas ?" Le chat rétrécit son regard, fixant le lapin de l'autre côté de la table. "Alors maintenant, c'est moi qui vais sauter l’exordium gênant, qui est d'ailleurs un mot merveilleux que j'utiliserai beaucoup plus souvent maintenant. Tout comme multidivers. C'est un autre bon mot."


Sire Gaspard cligna des yeux, confus.

"Le compagnie du chat veut cinq pour cent de tous les bénéfices que votre guilde tirent du commerce du verre soufflé dans et autour d'Ocrelieu. En échange, la compagnie du chat vous considérera comme l'un des siens. Cela signifie que votre entreprise et les caravanes autour de la ville seront protégées. Vous ne serez pas harcelés par le compagnie, et si d'autres groupes ont de drôles d'idées, nous nous occuperons du problème." Il hocha lentement la tête. "Voilà ce que cinq pour cent vous apportent."

Le lapin se racla la gorge, visiblement ébranlé par l'épreuve. "Je, ah... C'est... hum..." La lame grinçante se glissa autour de la table et passa un bras autour du sire Gaspard qui tremblait. La patte du chat s'agrippa à l'épaule du lapin, le maintenant immobile. "Cinq pour cent, le premier du mois. Quelqu'un passera pour vérifier vos livres et les percevoir." Le lapin resta sans voix, bouche bée. Balthazar se pencha vers lui, le sourire aux lèvres. "Eh bien, je vais te dire, puisque nous sommes amis maintenant, je vais réduire à trois pour cent. C'est ce que font les amis, non ?" "D'accord !" Le lapin acquiesça précipitamment. "Trois pour cent, c'est plus qu'équitable !"

"C'est vrai, n'est-ce pas ?" Balthazar brossa une peluche imaginaire sur le devant de la tunique de soie du sire Gaspard. "C'est bien. Il est temps pour vous d'aller prendre vos dispositions", dit le chat en aidant le lapin à se lever de sa chaise. "Et rendez-moi service : quand ils viendront chercher la part du premier mois, ajoutez-y un de ces morceaux de verre." Il sourit. "En gage de notre nouvelle amitié."

La patte tremblante du noble se tendit vers la cape offerte par son écuyer souris, mais il fallut plusieurs essais au lapin pour l'entourer de sa patte et l'enfiler correctement. Sans un mot, ils sortirent de la taverne et s'enfoncèrent dans les rues sombres d'Ocrelieu. Désormais seul, Balthazar ramassa sa chope et la ramena au comptoir. Burg était sorti de sa cachette et regardait le chat s'approcher avec plus qu'une pointe d'inquiétude.

"Tu te ressers ? demanda le crapaud. Puis, par-dessus le marché : "Et si tu es si célèbre et si puissant, comment se fait-il que tu ne puisses jamais payer ton loyer à temps ?" Balthazar secoua la tête. "Eh bien, premièrement, je me débrouille très bien avec l’alcool. Et deuxièmement... j'ai peut-être exagéré. Un peu." "Un peu ?" "Beaucoup. Et puis, hé", il fit un signe de tête vers la marmotte à la porte. "Qui que ce soit, faites-lui savoir que son prochain verre est pour moi."

Chapitre 3

L'étage inférieur de la Cour du Corbeau était un logement plutôt spartiate lorsque Balthazar l'avait loué plusieurs mois auparavant. Les chats, de par leur nature même, apprécient un espace souterrain douillet, décoré avec ce qui leur est familier. Dans le cas de Balthazar, les murs de son humble espace de vie étaient remplis d'étagères remplies d'objets hétéroclites - sa "collection", comme l'avait dit Cordelia. Quelques lanternes suspendues jetaient une lumière vacillante sur le petit appartement, capturant le nuage occasionnel de sciure des planches de bois au-dessus lorsque les clients des tavernes marchaient dessus.

La lourde porte menant à l'escalier du premier étage n'était pas verrouillée et était grande ouverte, mais Balthazar l'avait laissée ainsi volontairement. L'appartement n'était en réalité rien d'autre qu'un débarras reconverti, et le seul moyen de le verrouiller était une grande barre de fer qui se trouvait du mauvais côté de la porte. En tant que telle, la porte ne pouvait être verrouillée que de l'extérieur, mais son locataire se sentait suffisamment à l'aise à Ocrelieu pour ne pas ressentir le besoin de verrouiller sa porte.


Un curieux assortiment d'objets était éparpillé sur les étagères en bois recyclé qui bordaient l'appartement. Il y avait la dent d'ogre qu'il avait arrachée à la gueule d'une bête terrorisant une colonie du compagnie du chat dans le nord. Un éclat brisé d'une pierre aux inscriptions antiques, qu'il avait récupéré en s’infiltrant dans un groupe d'explorateurs. Entre babioles et souvenirs il y avait une rose ratatinée pressée sur un parchemin épais, la première rose qu'il avait épinglée sur sa poitrine, non pas comme carte de visite de la lame grinçante, mais comme symbole d'amour et de dévouement. Lorsque les yeux de Balthazar passèrent dessus, il poussa un soupir mélancolique, comme il le faisait toujours lorsqu'il le remarquait. Cette histoire particulière était terminée depuis longtemps.

Balthazar tira une lanterne du mur et s'arrêta un instant devant l'étagère, considérant la vieille rose dans la faible lumière. Après un moment de réflexion, il écarta la rose, un nuage de poussière s'élevant dans l'air qui fit éternuer Balthazar plus d'une fois. Il se frotta le nez et s'éloigna des étagères pour admirer son travail. L'espace sur l'étagère allait être juste assez grand pour une sculpture en verre, bien qu'elle se révélerait sans doute curieusement propre et élégante au milieu de l'assortiment aléatoire de bizarreries.

Satisfait de sa "redécoration", la lame grinçante se détourna des étagères. Il n'y avait pas de chambre, seulement un matelas rembourré de foin dans le coin le plus éloigné de la pièce. Il raccrocha la torche à son anneau de fer au plafond, souffla la bougie, puis se dirigea vers le matelas. Il n'était pas du genre à faire des rêves agités et dormit cette nuit-là aussi profondément que toutes les autres. La présence d'un poignard sous l'oreiller l'aidait certainement.

Cependant, à l'approche du matin, il sentit que quelque chose n'allait pas. Il lui fallut quelques instants pour chasser le sommeil de ses yeux, mais ses oreilles avaient déjà perçu le bruit de la respiration d'une autre créature à l'autre bout de la pièce. Heureusement, c'était un son familier.

"Cordelia.

L'hermine gloussa. "Ta sécurité est terrible. Balthazar bailla et s'extirpa du matelas affaissé, récupérant sa dague sur l'oreiller. "Pour ma défense, quand je suis éveillé, je suis généralement beaucoup plus redoutable." "Je m'en souviendrai", dit Cordelia. "En attendant, tu as des problèmes dans le monde des vivants." "Le genre habituel, ou le..." "Le genre problématique", lui coupa l'hermine. "Ta rencontre avec sieur Gaspard, raconte-moi comment ça s'est passé." Balthazar se frotta les yeux. "Hein ? Oh, ça s'est bien passé. Trois pour cent, comme d'habitude." "Euh..." Cordelia croisa les bras et s'adossa au mur, regardant le chat avec méfiance. "Il a accepté et il est parti ?" "Eh bien, j'ai dû faire un peu de spectacle, c'est sûr." Le chat sourit. "Mais entre sa lâcheté et ma réputation, ça n'a pas posé de problème." Cordelia soupira profondément, traversa la pièce et posa une patte sur l'épaule de Balthazar. Il fut surpris par ce geste - dans son entourage, un tel contact était généralement suivi d'un coup de poignard dans le ventre. Au moins, elle avait attiré son attention. "Vous devez partir ", dit-elle. Balthazar haussa un sourcil. "Partir ? La Cour du Corbeau ?" "Ocrelieu." Cordelia agita une griffe derrière elle. "Maintenant."

"Que s'est-il passé ?" Le chat attrapa sa cape sur une cheville en bois accrochée au mur. Elle était recouverte d'une fine couche de sciure de bois qui s'était accumulée au cours des derniers jours, aussi la fit-il claquer d'un coup de patte, faisant voler un nuage de détritus dans les airs. Tout en enfilant sa cape d'une patte, il ramassa sa ceinture d'épée de l'autre - un sabre en acier qu'il avait volé à un noble de la compagnie du chat dans ses jeunes années de gamin des rues et qui était depuis devenu un élément essentiel de sa garde-robe. En bouclant le ceinturon, il adressa un sourire ironique à l'hermine. "Sieur Gaspard s'est-il mis dans la tête les plumes de son chapeau ?"

Cordelia commença à pousser le chat hors de l'appartement, vers la lourde porte de bois qui menait à la cage d'escalier. "Les plumes ont été tordues, oui. Les Cantabile n'ont pas apprécié l'offre du compagnie des chats, et tu as été marqué." "Le territoire du lapin m'a marqué ?" Balthazar rit. "Ce n'est pas grave. Je vais éviter les bals mondains pendant un moment. Ils ne sauront même pas où chercher."

"Ce n'est pas une blague !" Cordelia hurla, se glissant devant lui et lui plantant une griffe devant les yeux. "Ils savent que tu vis ici, et ils paient leurs assassins mieux que nous." Les yeux de Balthazar se croisèrent un peu alors qu'il essayait de se concentrer sur la griffe de l'hermine, puis il la repoussa. "Écoute, je sais ce que je fais. Si Gaspard veut jouer les durs, je dois juste lui montrer à qui il a affaire." Il se ravisa. "Je veux dire... lui rappeler à qui il a affaire."

Cordelia roule des yeux. "Tu comptes effrayer Gaspard avec ton élocution ?" "Hm ? Oh, non, je vais probablement utiliser un couteau." Balthazar se retourna alors qu'ils sortaient de l'appartement et fermaient la porte. Il envisagea de lâcher la barre transversale, mais se rendit compte de l'inutilité du geste. "La vieille garde du territoire du lapin traite toujours les étrangers comme des parasites. Si on ne peut pas le raisonner, il y a toujours un lapin plus jeune et plus affamé qui attend dans les coulisses."

Tous deux montèrent les escaliers en bondissant et pénétrèrent dans un petit couloir derrière le bar vide de la Cour du Corbeau. Il était tôt, et Burg était probablement dans l'arrière-cour en train de surveiller le breuvage de la soirée. Un silence inquiétant régnait dans la taverne, des grains de poussière flottant à travers les rayons brillants du soleil matinal qui perçaient les fenêtres vitrées. Cordelia tendit une petite pochette en tissu, lourde et reliée par de la ficelle. "Un cadeau de Joris, et ses excuses pour le dérangement."

Le chat repoussa la pochette. "Je n'accepte pas de paiement tant que le travail n'est pas terminé." "Le travail est fait", dit l'hermine, d'un ton lent et mesuré qui laissait penser que la lame grinçante ferait mieux de laisser les choses en l'état. "Sire Gaspard était embarrassé hier soir, et il a demandé beaucoup de faveurs, Balthazar. Il ne veut pas seulement votre mort. Il veut envoyer un message à la compagnie des chats, et il va utiliser ton cadavre pour le faire." Le chat sortit une chope de derrière le bar et se servit une bière à partir de la lie d'un tonneau voisin. "Les cadavres font une ponctuation très convaincante."

"Alors vous partez ?" Cordelia tendit à nouveau le sac de royaux d'or. "Balthazar, s'il vous plaît." Il considéra le sac. Cela aurait été plutôt facile, se dit-il, de prendre les pièces et de s'en aller. Mais c'est ce que font les autres chats. Balthazar n'était pas arrivé là où il était en faisant ce que faisaient les autres chats. D'un coup de tête, il avala sa bière d'un trait. "J'ai une meilleure idée. Faites venir notre groupe habituel de mercenaires de la ville. Qu'ils me rejoignent ici." Cordelia serra les dents. "Nous ne savons pas qui travaille pour Gaspard . Pour ce que tu en sais, ils pourraient tous être à sa solde." "Les amis des beaux jours ne font pas long feu dans le compagnie des chats", dit Balthazar, les yeux plissés, l'expression vide. "Envoyez un oiseau pour chacun d'entre eux. Mieux encore, parle d'abord à mon cousin. Faites-lui connaître les circonstances." "Joris ? Pourquoi ? "Il nous donnera une liste appropriée." "De gens de confiance ?" Balthazar pencha la tête, semblant réfléchir. "Oui, quelque chose comme ça."

Chapitre 4

C'est ce même soir que la galerie de brigands triés sur le volet par Joris commença à arriver. La taverne était plus vide que d'habitude, mais les lettres que Balthazar avait envoyées aux brigands les dirigeaient non pas vers la taverne principale, mais vers l'appartement de Balthazar, situé en contrebas. Là, dans la lumière tamisée de la Cour du Corbeau, ils pourraient discuter de leurs terribles affaires dans le plus grand secret.

Les assassins semblaient tous se connaître - ils savaient qu'ils étaient en compétition pour le même contrat. Comme c'était souvent le cas au sein du royaume, plusieurs vendeurs se voyaient confier la même mission en même temps, afin de les inciter à accomplir leur tâche plus rapidement. Il y avait d'autres chats, un raton-laveur, un blaireau, un renard et une souris. Sept en tout, les meilleurs mercenaires d'Ocrelieu. Balthazar ne pouvait les voir que de loin, car il ne s'était pas encore manifesté auprès d'eux. Il observait et attendait dans l'ombre, derrière la lourde porte qui menait à la cage d'escalier. L'odeur de sciure et de moisissure imprégnait l'air, masquant son odeur aux tueurs de la pièce voisine.

Lorsque tous les sept furent arrivés, Balthazar sortit de l'embrasure de la porte. Les sept se tournèrent vers lui, surpris. "Tu étais là pendant tout ce temps ? Le renard avait l'air méfiant. "Je pensais que nous étions ici pour un contrat." "Oh, mais c'est le cas", dit Balthazar. Il les regarda l'un après l'autre.

"Amis, vieux copains, vous êtes tous ici parce que le compagnie des chats voit et entend tout ce qui se passe à Ocrelieu. Il tira une lanterne d'un échelon de fer au-dessus de sa tête. "Question. Il marqua une pause, se délectant de la tension croissante de la pièce. "Combien d'entre vous ont rencontré sire Gaspard, du territoire du lapin, hier soir ? Les sept assassins se regardèrent nerveusement les uns les autres. "Nous n'avons pas... Je veux dire, ah..." La souris bégaya. Balthazar sourit. "Ce n'est pas grave, je connais déjà la réponse."

Il recula d'un pas dans le couloir et claqua la porte de la réserve, jetant la lourde traverse et emprisonnant les sept assassins dans sa chambre de l'autre côté. Se tournant vers l'escalier, il jeta la lanterne derrière lui, contre la porte. La sciure de bois, étalée sur le sol, flottant dans l'air, entassée dans tous les coins, s'enflamma dans un éclair terrifiant. Alors que le feu se faufilait sous la porte, Balthazar pouvait entendre les cris de ses tueurs en puissance qui s'agrippaient désespérément aux murs, au plafond - tout pour échapper aux flammes qui se propageaient rapidement.

Le chat monta les escaliers en sautillant, parcourant rapidement la taverne vide. Des volutes de fumée s'échappaient déjà des planchers et, au-delà, l'odeur âcre de la fourrure et de la chair brûlées. Derrière le bar, le tenancier crapaud se dépêchait d'attraper ses cruches et ses tonneaux, essayant de tout expulser par la porte de derrière. Les quelques clients qui buvaient dans la taverne avaient déjà quitté les lieux. "Balthazar ! hurla Burg. "Qu'as-tu fait ?! "Le compagnie des chats paiera pour les dégâts", répondit-il. "Aussi, je vais peut-être devoir rompre mon bail ?" "J'aurai ta tête pour ça, chat!"

Avec un dernier geste, Balthazar poussa la porte de la taverne et sortit dans la rue en terre battue du quartier du marché d'Ocrelieu. Les façades des magasins étaient principalement en pierre, de sorte que le risque que le feu se propage trop loin était négligeable. Une petite foule de badauds s'était rassemblée dans la rue, attirée par l'odeur de la fumée et, pour ceux qui avaient l'oreille fine, par les cris des personnes piégées dans la cave. Balthazar se faufila dans la foule, traversa la rue et s'engagea dans une petite ruelle entre la maison d'un apothicaire et celle d'un tailleur de pierre. Pour le compagnie des chats d'Ocrelieu, cette ruelle avait son propre nom : "Entre le baume et la pierre".

Tapie dans l'ombre, Cordelia se tenait debout, les bras croisés, ses robes habituellement colorées remplacées par une longue tunique noire, une cape et une volumineuse capuche qui cachait tout son visage. Sans les deux petites oreilles blanches qui sortaient des trous de la capuche, Balthazar n'aurait pas su discerner sa tête.

"Le spectacle vous plaît ? demanda-t-il. Le visage de l'hermine était caché, mais sa tête, tombante et secouée d'avant en arrière, révélait son humeur avec aisance. "Je ne peux pas vous croire", dit-elle enfin. "C'était votre maison. Balthazar haussa à demi les épaules. "Entre garder ma maison et garder ma tête, j'ai opté pour cette dernière." Il jeta un coup d'œil en arrière. "Mais je pense que je devrais éviter Burg pour un moment."

Cordelia rabattit sa capuche pour mieux voir la Cour du Corbeau. L'incendie s'intensifiait, la chaleur était incroyable. Les gardes de la ville s'étaient regroupés pour former une ligne d'eau, jetant des seaux d'eau de puits dans le brasier, mais il n'y avait rien à faire à ce stade. "Joris sera amusé par votre stratégie. Il pensera probablement qu'elle attire indûment l'attention." "Oh, ça ?" Balthazar fit un geste vers le feu. "Ce n'est rien. Il s'agit de sept mercenaires dans l'incendie d'une taverne. Aucun d'entre eux n'appartient au territoire du lapin. Pas officiellement. C'était juste pour faire le ménage." Cordelia haussa un sourcil. "Où veux-tu en venir ?

La lame grinçante tapota le sabre à son côté. "J'ai besoin que tu me dises où notre cher Gaspard s'est terré." "Tu crois que les Familles accepteraient que tu assassines un ancien du territoire du Lapin ?" Balthazar haussa les épaules. "Je pense qu'elles se feront une raison lorsque vous leur expliquerez qu'il est difficile de faire des affaires avec un couteau sous la gorge." Il fit un signe de tête à la Cour du Corbeau. "Le territoire du lapin a essayé de tuer le messager. Il y aura beaucoup plus de messagers, et beaucoup plus d'incendies de tavernes, à moins que nous ne montrions au territoire du Lapin que nous ne nous laisserons pas intimider par des tactiques de sous-pattes." Cordelia ne put s'empêcher de laisser échapper un sourire. "C'est notre truc."

"Sire Gaspard l'apprendra... dès qu'il regardera par la fenêtre, je suppose." Balthazar fit les cent pas autour de l'hermine, les pattes jointes dans le dos. "Une fois qu'il saura que son plan a échoué, il se fera très discret, et je ne peux pas dire que j'aime beaucoup cette finalité." "Et pourtant", Cordelia leva une griffe hésitante. "Tuer un ancien d'un compagnie adverse sans le consentement des neuf familles, c'est inouï, même si on a très envie de lui enfoncer son couteau dans le crâne."

"Je le veux désespérément, oui", dit Balthazar. "Très bien. J'ai un autre plan, alors." Il s'engagea dans la ruelle, faisant signe à l'hermine de le suivre. "Vous envoyez neuf oiseaux. Neuf oiseaux avec neuf demandes. Je ne tuerai pas Gaspard avant de les avoir toutes." "Cela prendra des heures. Gaspard aura disparu d'ici là." Balthazar poussa un juron.

Cordelia le suivit dans une autre rue du quartier du marché. Elle était presque vide, les habitants ayant rejoint la ligne d'eau à l'extérieur de la Cour du Corbeau, ou s'étant enfuis à bonne distance. La lame grinçante jeta un coup d'œil furtif derrière lui, vers le feu à peine visible, désormais masqué par les grands bâtiments de pierre du marché. Cordelia laissa échapper un soupir audible et s'assit contre l'une des vitrines voisines. "Balthazar, tu vas bien ? Le chat, peut-être pris par surprise, ne put cacher l'expression de tristesse qui traversa son visage. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle n'était pas caractéristique. Sa voix, d'habitude mesurée et désinvolte, avait un ton tremblant. "Je n'aime pas que mes amis essaient de me tuer, c'est tout."

"Ce n'étaient pas tes amis", dit Cordelia. "C'étaient des voleurs. Des tueurs. Des mercenaires." "C'est ce que nous sommes tous." Balthazar rejoignit l'hermine, s'appuyant contre la devanture avant de glisser sur le pavé. "Parfois, j'ai l'impression que si j'avais fait les mauvais boulots, rencontré les mauvaises créatures, fait un ou deux choix différents... j'aurais peut-être été l'un de ces traîtres de vendeurs de lame piégés dans cette cave." Cordelia jeta un regard sévère au rat. "Tu vaux mieux que ça. Tu es plus intelligent qu'eux tous réunis." Les deux mammifères restèrent assis en silence pendant quelques minutes, Balthazar regardant paresseusement le ciel enfumé, Cordelia plongée dans ses pensées.

"Écoute", dit finalement l'hermine en se levant et en tapotant la saleté de sa tunique. "Je ne veux pas que tu croies que je t'aime bien, mais je vais t'aider". Elle tendit une patte au Balthazar encore assis, qui la saisit et se laissa tirer sur ses pieds. "Sire Gaspard a élu domicile dans un manoir à l'autre bout du vallon sud, en dehors des murs de la ville. Elle se plaça derrière Balthazar et le réorienta vers la porte sud. "Par là. "D'accord, dit Balthazar. "Mais qu'en est-il de la partie où je ne peux pas tuer le sire sans que les Familles ne me pendent ?" Cordelia sourit. "Je m'en occupe. Toi, tu entres dans le manoir et tu empêches le sire Gaspard de faire une bêtise. Je pense que si nous parvenons à sauver cette affaire, cela signifiera de grandes choses pour le compagnie des chats. Mais !" Elle posa ses deux pattes sur les épaules de Balthazar, le regardant dans les yeux. "Ne. Tue. Pas. Gaspard." Avant que Balthazar ne puisse répondre, l'hermine se leva et disparut dans une autre ruelle - il n'avait aucune idée de son plan, mais la lame grinçante ne pouvait s'empêcher d'être impressionnée. Il lui restait peut-être un ami après tout.

Chapitre 5

Le manoir que fréquentait le sire était somptueux, construit par les architectes de la compagnie du Lapin en utilisant des éléments de design rendus populaires par la construction du Palais Royal. Comme le château devait marier les conceptions des quatre puissances, de nouvelles normes stylistiques ont été inventées par les artisans doués du territoire du Lapin, ce qui a donné des choses comme des plafonds voûtés (inspirés des châteaux de pierre du clan des Loup), l'eau courante par un aqueduc en pierre (une invention de la compagnie des chats), et un jardin autonome qui s'étendait autour de la façade (grâce aux conseillers du cercle de l'ours).

Balthazar n'appréciait ces détails que dans la mesure où ils l'aidaient à pénétrer dans le manoir sans être vu. L'épais jardin extérieur, par exemple, offrait une couverture suffisante pour que Balthazar puisse sauter entre les topiaires et s'abriter derrière les buissons. La porte d'entrée du manoir était gardée par deux lapins brandissant leurs hallebardes, très prisées par l'élite du compagnie des lapins et utilisées par la Garde du Roi dans tout le royaume.

Il était difficile d'affronter un lapin avec une hallebarde, mais en affronter deux en même temps aurait été suicidaire. Du moins, en supposant qu'ils aient su qu'il était là. Les buissons s'approchaient du bord du manoir, menant juste derrière les deux lapins qui se tenaient au bas d'un court escalier menant aux portes arquées massives. C'était juste assez d'espace pour que Balthazar se glisse derrière eux et réfléchisse à ce qu'il allait faire. Les tuer ?

C'était inélégant. Si on pouvait l'éviter, et ces lapins avaient l'air d'être des gardiens de porte qui essayaient de nourrir leur famille. Il était inutile d'ajouter d'autres orphelins au monde - il savait par expérience comment cela se passait. Il abattit le pommeau de son sabre sur l'arrière de la tête de l'une des lapines, qui tomba en tas sur le sol. L'autre garde, complètement pris par surprise, commença à se retourner pour voir ce qui se passait, et c'est alors que Balthazar donna un coup de pied dans la jambe du lapin, l'envoyant à genoux. Avant que le lapin ne puisse pousser le moindre cri, Balthazar lui asséna un violent coup de poing au visage, l'assommant avec une efficacité redoutable. Il se réveillerait avec un énorme mal de tête et probablement quelques dents manquantes, mais il irait bien autrement.

Balthazar récupéra la clé à la ceinture du lapin, tendit l'oreille vers la porte pour écouter ce qui se passait de l'autre côté, puis enfonça la clé dans la serrure. Le foyer du premier étage était impressionnant - principalement du bois sombre et des moulures sculptées, avec une grande série d'escaliers menant à un palier où se trouvait la peinture la plus vulgaire d'un lapin que Balthazar ait jamais vue. La lame grinçante dut étouffer un rire bruyant et déplacé lorsqu'il réalisa que le sujet de la peinture, vêtu d'une cotte de mailles en bronze et brandissant une masse à pointes, était le sire Gaspard lui-même. Le vrai sire Gaspard, c'est-à-dire l'ancien lapin dégingandé qu'il avait rencontré la veille, aurait été terrassé par une seule pièce de cette armure.

Balthazar jeta un coup d'œil autour du foyer, tordant ses oreilles, reniflant l'air, essayant de trouver des indices de patrouilles. Il distingua quelques conversations dans un couloir latéral, probablement les cuisines, mais à part cela, rien. Il sourit - Gaspard avait été si sûr de la disparition de Balthazar qu'il n'avait même pas envisagé cette possibilité.

Il monta les escaliers en bondissant, prenant soin de rester le plus possible sur la moquette pour éviter que ses griffes ne s'entrechoquent sur le parquet. Puis il s'arrêta - il y avait une odeur familière. Il ferma les yeux et se concentra. Oui, il n'y avait pas d'erreur possible. La Cour du Corbeau.

L'endroit dégageait une odeur désagréable qui ne semblait jamais disparaître, et même si le noble Gaspard n'était entré dans la taverne que quelques minutes, Balthazar pouvait en sentir les moindres traces avec son nez aiguisé. Le noble lièvre n'était pas loin. Quelques gardes sortirent d'une pièce située à moins de dix pas dans le couloir et Balthazar eut à peine le temps de se pencher sur le côté et de se blottir derrière une grande urne décorative placée le long du mur, le souffle retenu, parfaitement immobile. "Tu crois qu'ils vont l'amener ici ? demanda l'un d'eux. "J'ai envie de voir ce chat.

Un autre des gardes-lapins se mit à rire. "S'il est encore en vie, peut-être. le sire Gaspard voulait être celui qui l'achèverait." "Je ne savais pas qu'il avait la capacité de mettre un contrat sur quelqu'un", dit un troisième lapin. "Il est plein de surprises", dit le second. "Mais quand on est gêné comme il l'était à la taverne, qui sait ce qu'une personne comme lui peut faire, n'est-ce pas ?"

Balthazar expira lentement tandis que les trois gardes-lapins tournaient le coin et disparaissaient dans un autre couloir. Il n'y a rien à faire, alors. La lame grinçante sortit de l'ombre. Au bout du couloir, il trouva la source de l'odeur, derrière une grande porte en chêne. Un bureau. Il dégaina son sabre, puis poussa la porte. "Je vous ai dit de ne pas me déranger ! Gaspard s'emporta. Il était assis à un bureau de l'autre côté de la grande pièce, lui tournant le dos. Le bureau rappelait à Balthazar la salle des trésors de son ancien appartement, avant l’incendie, mais avec un niveau supplémentaire de classe du territoire du Lapin. Des objets et des curiosités provenant de tout l'Armello trônaient dans des vitrines immaculées le long des murs. Des cartes du territoire du compagnie du Lapin étaient accrochées au mur, ainsi que de nombreuses peintures que Balthazar supposait être de célèbres artistes du territoire du Lapin.

"Je suis désolé que mon absence de mort vous ait dérangé." Balthazar observa avec une jubilation à peine dissimulée la fourrure de Gaspard se hérisser sur sa nuque et ses oreilles se dresser en l'air. "Ba-ba-ba…" Le chats'inclina. "Balthazar ! Bonjour ! Je crois que nous nous sommes déjà rencontrés ?" L'ancien lapin se retourna lentement sur son siège, son visage ayant perdu toute couleur sous sa fourrure râpeuse. "Je n'ai pas... je n'ai pas..." "Tu n'as pas du tout réfléchi, n'est-ce pas ?" Balthazar secoua tristement la tête. "Sieur Gaspard, je vous ai proposé une véritable entreprise commerciale. Trois pour cent pour apaiser toute la compagnie des chats. Non nombre dans le compagnie ne bénéficient pas de ce marché." Il brandit son sabre. "Maintenant, s'il vous plaît, ne faites pas l'idiot et n'appelez pas…"


"GARDES !" "-Gardes." Balthazar soupire. "Bon, tu vois, maintenant on rate toute la conversation." "Mon Sire !" L'un des trois gardes-lapins de tout à l'heure fit irruption dans la pièce. "Qu'est-ce que... ? Il croisa le regard de Balthazar, qui lui fit un signe avec sa dague. "Hé, la !. Bienvenue à la fête !" "C'est la lame ! Le garde-lapin s'élança dans la pièce, la hallebarde en arrière pour un coup mortel. Balthazar connaissait ces armes sur le bout des doigts - on n'allait pas loin dans son métier sans comprendre le fonctionnement de l'arme la plus populaire du compagnie du lapin. Il calcula rapidement la portée de l'arme en fonction de la taille du lièvre, puis pivota pour s'écarter du chemin lorsque la pointe de la hallebarde fut projetée vers l'avant, s'écrasant sur la façade en verre d'un des étalages de Gaspard.

"Attention aux étagères, bande d'idiots ! L'aîné des lapins bondit de son siège et se précipita vers une canne adossée à la vitrine. Connaissant le territoire du lapin, Balthazar supposait qu'il y avait plus que cela. Alors que le garde lapin s'efforçait de dégager sa hallebarde de l'étui, Balthazar saisit le manche et le frappa rapidement vers le haut, faisant craquer la mâchoire du lapin et desserrant son étreinte. Le garde tomba à la renverse, directement dans un second qui essayait encore de cerner l'intrus.

"Lâchez votre arme !" cria le garde en poussant le lapin blessé sur le côté. Balthazar avait une dague dans la patte gauche, le sabre dans la droite, et il se tenait à côté de la hallebarde coincée, utilisant son poignet pour maintenir le manche en l'air comme un obstacle supplémentaire entre lui et les gardes. "Laquelle voulez-vous que je laisse tomber ? demanda-t-il. Le premier lièvre, qui saignait abondamment du nez et était manifestement hébété, trébucha contre le mur le plus éloigné. Balthazar lui fit un signe de tête. "Tu devrais aussi aller voir ton ami là-bas. Il a l'air mal en point." "Vous allez lâcher TOUTES vos armes, ou vous perdrez vos pattes !" Le deuxième garde chargea, levant sa hallebarde en l'air pour lui asséner un coup rapide. Balthazar esquiva, leva le poignet et dévia le coup avec la hallebarde du premier garde qui était toujours coincée dans le mur. Le second lièvre avait ouvert sa garde, et Balthazar en profita. Il envoya la poignée de son sabre dans le flanc non protégé du garde, qui s'écroula de douleur. Heureusement pour lui, les gardes du manoir ne portaient que rarement une armure. "Vous en avez assez ?"

Le garde, qui essayait encore de reprendre son souffle, commença à attraper sa hallebarde qu'il avait laissée tomber. "Je suppose que non. Balthazar sauta dans les airs et donna un coup de pied au lapin en plein visage, l'envoyant se cogner contre une autre des vitrines du sire Gaspard . L'ancien lapin hurla. "Je t'ai dit de faire attention aux étagères !" Il tira le manche de sa canne et en sortit une lame fine comme un rasoir. Gaspard la tint droite devant lui, visiblement à l'aise avec son utilisation. "Vous l'avez fait exprès.

"Un peu. Balthazar acquiesça. "Que diriez-vous de..." Il n'eut pas le temps de finir sa phrase que le troisième garde-lapin, s'étant glissé dans la pièce alors que le chatavait le dos tourné, planta le manche de sa hallebarde directement dans le cou de Balthazar, l'envoyant à genoux, abasourdi. "Je suis désolé, que disiez -vous ?" Gaspard ricana, donnant un coup de pied dans les pattes de Balthazar et les libérant de son sabre et de sa dague, les glissant hors de portée. Le garde-lapin retourna sa hallebarde et en planta la pointe entre les omoplates de Balthazar, le clouant au sol. "Tu allais dire quelque chose d'intelligent, je crois.

La vision de Balthazar était complètement floue, ses oreilles bourdonnaient et il n'arrivait pas à retrouver la capacité de bouger. "Non, dit-il, je pense que ce temps est révolu." "Je suis d'accord." L'ancien du compagnie du Lapin saisit Balthazar par la nuque et lui souleva la tête du sol. "Au fait, au nom du roi lui-même, on m'a demandé de réduire encore plus ton salaire. Ainsi que votre gorge. J'espère que cela ne vous dérange pas." Le chat fit semblant de réfléchir. "Le roi en personne veut me trancher la gorge, vous dites ? Oh, je ne sais pas, il y a tous les contrats, la paperasse et..."

Gaspard abattit la poignée de son épée directement sur le visage de Balthazar. Puis une deuxième fois. Puis une troisième fois. Le lapin envisagea un quatrième coup, mais hésita avant de le relâcher. Balthazar retomba au sol en un tas, une flaque de sang s'écoulant sur le tapis tissé immaculé qui recouvrait le sol. "Oh, tch, regarde ça." L'aîné des lapins avait l'air déçu. "Tu saignes sur mon nouveau tapis. Je dois supposer que tu le fais exprès." Il fit un signe de tête au garde, qui souleva la tête meurtrie de Balthazar du tapis. Les yeux du chat étaient meurtris et gonflés, et du sang coulait librement du coin de sa mâchoire relâchée.

Sire Gaspard ria, posa son épée et se pencha pour admirer son travail. "Oserais-je dire que j'ai enfin réussi à faire taire la lame grinçante ? Balthazar cracha une dent ensanglantée directement dans le visage de l'ancien lapin, ce qui le fit hurler et retomber sur son bureau. Papiers et parchemins débordèrent des côtés, tombant en cascade sur la tête du lapin. "Oh, ça y est ! cria Gaspard. "Je vais... ! Il se figea : une lame était parfaitement dirigée vers sa gorge. Cet instant de confusion avait été plus que suffisant pour que Balthazar s'emparer de l'épée du noble des lapins et la placer à distance de frappe.

« Ne t’avise pas! » cria le garde de lapin derrière lui. « Tu es mort si tu le fais! » « Et je suis mort si je ne le fais pas. » Balthazar a ri – un bruit de sifflement grinçant à travers ses dents cassées. Gaspard cligna de l’œil tandis que la lame d’acier pressait contre son cou. « Qu’est-ce que vous attendez? » Il leva les yeux, réalisant soudain quelque chose. Sur son visage, un calme étrange semblait se répandre. « Oh par le divin, tu ne peux pas, n’est-ce pas? » « Je vous assure que je suis parfaitement capable », a déclaré Balthazar. « Mais ce n’est pas le cas! » s’écria Gaspard. « Vous n’avez pas la permission. Vos familles ne me laisseront pas mourir! » Il essaya de se pencher en avant, mais Balthazar siffla, la lame fine tirant une moindre quantité de sang. « Je peux vous y rapprocher. »

Le garde poussa son arme dans le dos de Balthazar, poussant le chat vers le sol. Le sourire de Gaspard s’élargit encore plus. « Oh, c’est merveilleux. Vous ne pouvez pas me tuer, mais je n’ai certainement pas les mêmes scrupules avec vous. » penché sur le côté, il déclara en hochant la tête vers sa garde. « Tuez-le, s’il vous plaît. »

Le garde n’a pas répondu. Au lieu de cela, ses yeux semblaient se concentrer sur le mur. Puis le sol. Puis rien de particulier. Avant que Gaspard ne l’accoste, le garde du lapin tomba la tête la première sur le beau tapis neuf, le sang coulant d’un boulon de métal dans son dos. En tombant, sire Gaspard pouvait voir une hermine vêtue de noir se tenir dans la porte, arbalète déjà rechargée et dirigée directement vers lui.


Cordelia s’est penchée sur le côté, essayant de bien voir son ami. « Balthazar ? Où en sommes-nous? » « Fffff — » « Balthazar ? » « Très bien. Nous allons bien. » Le chat planta une patte sur le sol et s’est mis à genoux. Il inclina un peu la tête vers l’arrière pour mieux entendre son ami sans se détourner de sa carrière. « Vous savez quel est votre problème? » A-t-elle demandée. « Ce n’est vraiment pas le moment. » Balthazar hocha la tête vers le noble. « Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais je suis un peu dans une position délicate en ce moment. »

Le lièvre a ri. « Quoi, tu as vraiment l’intention de me tuer ? Vous êtes deux voleurs de gouttières ! Vos clans ne vous laisseraient jamais tuer un aristocrate du Territoire des lapins. Vous seriez comme mort sans leur... « Permission? » Cordelia brandit un paquet de parchemins. Neuf d’entre eux, tous signés par procuration par Joris. Un geste risqué, mais les enjeux étaient trop élevés et le temps trop court pour autre chose. Cordelia jeta un regard sarcastique sur Balthazar. « J’allais dire que votre problème est que vous ne me faites pas confiance alors que vous devriez clairement le faire. » Puis, elle a souri. « Il est tout à vous. »

Chapitre final

Une pleine lune brillait cette nuit-là, sa pâleur argentée un curieux réconfort pour les créatures d’Ocrelieu qui avaient passé la majeure partie de la nuit à lutter contre les flammes à la Cour du Corbeau. Balthazar avait été conduit par Cordelia au quartier des mendiants d’Ocrelieu et laissée dans les pattes habiles des guérisseurs de la compagnie des chats pendant qu’elle allait faire le point sur les activités de la soirée. Là, dans l’arrière-salle d’un dispensaire, un soigneur aux références douteuses a offert à Balthazar un peu d’herbes exotiques pour sa douleur soutenue par le remplacement de sa dent manquante avec une dent en or – ou au moins aussi proche de l’or que le maigre sac de royaux de Cordelia pourrait se permettre.

Comme Balthazar marchait dans les rues sombres et humides d’Ocrelieu, il pouvait voir les derniers restes de la Cour du Corbeau couvant de toute la ville. Cordelia l’attendait, une expression plus triste sur son visage. « Quoi, pas de vin ? Pas de fête… rien ? » demanda Balthazar, essayant de ne pas trop tripoter sa nouvelle dent.

L’hermine secoua la tête. « En fait, Joris est un peu dans l’eau chaude à propos de la signature par procuration de l’arrêt de mort d’un éminent lapin, mais nous avons arrangé les choses avec lui. » Elle a alors détourné le regard, clairement porteuse de mauvaises nouvelles. « Mais on vous ordonne de faire profil bas pendant un moment – de quitter Ocrelieu. Les représailles du Territoire et tout le reste. » « Eh bien, c’est dommage. J’aimais plutôt Ocrelieu », dit Balthazar, les bras croisés, regardant avec tristesse la fumée qui montait au loin. « En fait, oublie ça. J’aimais la Cour du Corbeau. » « La Cour du Corbeau que tu as brûlée. » Cordelia se tenait à côté du rat, regardant la fumée en dérision de sa contemplation. « Il ne reste plus rien à aimer à Ocrelieu. »

Les deux se tenaient dans un silence relatif pendant un moment alors que Balthazar se remettait des soins. « C’est là que vous viviez, » dit l’hermine, enfin. « Tout ce que vous possédiez. Disparu. » « Oui. » Les épaules de Balthazar sont tombées. « Toute la collection a brûlé. » « À un croquant, pourrait-on dire. » Cordelia soupira. « Il y avait une autre chose que Joris voulait que je mentionne avant de partir. » « Expliquez. » « Si vous souhaitez poursuivre le cours que nous imaginons tous que vous suivrez… concernant le roi… les Familles apporteront officiellement leur soutien. » Balthazar sourit. « Eh bien, c’était rapide. » « Le roi est en déclin depuis des mois, dit Cordelia. Cela ne devrait pas vous surprendre que votre nom ait été proposé pour l’inévitable… tâche à venir. »

La fumée de la Cour du Corbeau a couvert les étoiles, et a jeté une odeur âcre dans toute la ville. Même à leur place dans le lointain quartier des mendiants, la puanteur était écrasante. Balthazar prit une profonde inspiration, savourant l’amertume de sa vie perdue. « Question. » Comme toujours, une déclaration. « Oui? » demanda Cordelia. « Lorsque mon nom a été présenté à cette assemblée comme celui d’usurpateur du roi au nom de la compagnie des chats, la salle était-elle sécurisée? » Cordelia haussa les épaules. « Aussi sûr qu’un rassemblement parmi les familles de la Compagnie. » « Donc, pas du tout. » Balthazar secoua la tête dans un désespoir moqueur. « Je suppose que nous savons maintenant pourquoi le roi s’est intéressé à moi. » « Personnellement, dit l’hermine, je pense que vous seriez un roi terrible. » Balthazar rit. « Voyez, si j’étais roi, ce genre de discours serait hérétique. » Un moment passa, puis le chat sembla céder à la curiosité. « Pourquoi? » Cordelia regarda les braises fumantes de la Cour du Corbeau. L’hermine tint une patte à la destruction. « Vous n’êtes pas doué pour construire des choses, dit-elle. Vous détruisez des choses. Vous détruisez des choses de façon professionnelle. Tu es dangereux, Lame grinçante, c’est pourquoi les familles t’aiment. Mais… » « Mais? » « Peu importe si une lame grince ou non. La blessure saigne encore. Et je suis à peu près certain que si vous êtes roi, le royaume ne durera pas trop longtemps avant qu’il ne commence à saigner. » Cordelia a tourné vers une rue latérale, de retour au quartier du marché. « Oubliez le trône. Vous le détesteriez. » « Est-ce que je le faisais ? » Balthazar s’est penché en arrière. « Je pense que j’y siégerais très bien. »

Cordélia agita une patte. « On ferait des édits, on descendrait beaucoup de vin, puis on brulerait probablement tout le château. » Elle hocha la tête en direction de la Cour du corbeau. « Affaire close ». Puis, « Prends soin de toi, Balthazar ». « De même, Cordelia. » Balthazar la regarda partir, inclinant la tête d’avant en arrière, songeant à ses paroles d’adieu longtemps après qu’elle eut glissé dans l’ombre. Je ne sais tout simplement pas. » Il se l’est dit. « Quand j’y pense, être roi semble plutôt amusant. »

Et ainsi, la Lame grinçante, le chat le plus puissant du royaume, se tenait parmi un quart de mendiants, sa fortune pas mieux que la leur ce soir-là. Il n’avait pas de royal à son nom, chaque possession brûlait, sa maison un tas de braises et de cendres. Balthazar soupira, allongé dans le caniveau sale, la pierre humide trempant sa fourrure jusqu’à l’os. Il haussa les épaules.

Il se sera refait sous quinzaine.

SeparateurFIOenvers.png
Hors RolePlay :

Traduit et réécrit de "The Grinning Blade" de Alex Kain.