RolePlay :
Thémis referma le Code, ayant achevé sa lecture. Il jeta un coup d’œil à côté de lui. Le mercenaire taillait toujours son cube en bois qui commençait à prendre une toute autre forme. Il se décida à engager la conversation.
- Vous savez bien combattre ?
Il haussa les épaules simplement, gardant le silence. De toute évidence il ne voulait pas parler. Un homme qui passait devant eux s'arrêta et s'adressa à Thémis.
- Vous tirerez rien de lui. Personne ne sait s'il est muet ou s'il veut juste pas parler mais aucun d'entre nous a entendu le son de sa voix ne serait-ce qu'une seule fois.
Il s'approcha et s'installa à côté.
- Alors c'est vous le Heaume d'Or hein ? Vous avez dû en voir des choses...
- On ne peut pas imaginer un monde aussi vaste et aussi petit dans le même temps.
- Vaste et petit dans le même temps... C'est exactement ça. Le destin est tout aussi imprévisible que prévisible.
Thémis fit une mine intéressée, payant plus d'attention à cet homme d'esprit qui l'avait surpris en interprétant ses propos. Il avait l'air un peu âgé, dans la quarantaine, encore bien en forme. Il avait l'aspect d'un Caroggian : peau mate, cheveux châtains, plutôt bel homme. Mais ce qui sortait de l'ordinaire était ses yeux bleu-turquoises presque captivants. Ils lui rappelaient quelque chose mais il n'arrivait pas à mettre la main dessus.
- Vous, vous avez dû vivre quelque chose pour en parler de la sorte.
- Ma vie n'a presque plus d'intérêt depuis, comme la plupart des marins en fait. On a tous quelque chose qui nous a conduit jusqu'ici. Seuls les passionnés sont vraiment heureux de vivre comme ça.
L'ancien chevalier rangea le Code lentement.
- Qui êtes-vous, Caroggian ?
Il sourit en réponse, remarquant le contournement de la banalité des questions.
- Ce sont nos actes qui déterminent qui nous sommes... J'admire votre originalité d'esprit, sire... ?
- Pas de sire. Ici je ne suis que le Heaume d'Or mais j'ai bien d'autres noms... Appelez-moi simplement Thémis, comme le font mes proches.
- Thémis alors... Je me nomme Myazad. J'étais fils d'une famille aisée de Caroggia, mais j'ai été déshérité. La cause remonte à il y a bien longtemps, un temps qui a marqué un tournant dans ma vie.
Il marqua une pause, et reprit le récit.
- C'était le moment de mes 15 ans et surtout le moment de m'envoyer à Golvendaar pour recevoir une éducation religieuse. J'étais bien fougue à cet âge-là et je courrais après les filles. Comme je ne faisais que me préoccuper des Adaarionnes les moines m'envoyèrent à Kraanvik, ville où je ne risquais pas de trouver quoi que ce soit pour me déconcentrer. Pourtant, un jour j'entendis parler d'une ville plus au Nord, véritablement dans les contrées nordiques. D'après le témoignage un paradis où coulait la bière et les jeunes femmes : Aelin. Je me suis tout de suite entêté à y aller par n'importe quel moyen. Quand une mission diplomatique la visant eut lieu, je me proposai avec hâte en volontaire. L'endroit était assez beau, chaque maison était construite différemment avec un bois propre à sa masure.
Lorsque le soir vint, je sortis pour aller faire un tour à la taverne. Les nordiques eurent vite fait de me renvoyer à mes occupations, détestant les étrangers et ne le cachant apparemment pas.
C'est sur le chemin du retour que je remarquai un feu sur une colline. En m'approchant, j'avais commencé à distinguer une tente en peaux qui était plantée à proximité. Une jeune fille était là, regardant les étoiles tout en se réchauffant à côté du feu. Elle était magnifique : des cheveux blonds très clairs et relativement longs et lisses. Elle avait les yeux bleu-vert. Elle fut un peu apeurée en me voyant arriver, et je dû la rassurer rapidement. Une fois un peu plus en confiance, elle fit la timide en hésitant à parler. Je l'encourageai alors de parler comme elle le voulait. Ses premiers mots furent : "Pourquoi as-tu la peau si foncée ?".
Myazad sourit à cette phrase, comme un doux souvenir qui lui manquait.
- Je lui ai raconté d'où je venais, pourquoi j'étais là. Elle ne savait rien ce qu'il y avait au Sud de Golvendaar. J'ai finis par lui demander son nom et elle me le donna avec un peu de timidité... "Elendyrh". Je m'en souviendrai toute ma vie. Je lui donnai le mien pour la rassurer un peu et lui demanda ce qu'elle faisait ici. Elle me raconta alors ses sortis quotidiennes le soir quand sa mère dormait. En remarquant mon regard interrogateur, elle poursuivit timidement en disant que c'était une vieille qui l'avait adoptée, l'obligeant à ne parler à personne et toujours rester avec elle. Nous passâmes plusieurs heures à discuter ainsi de nos vies respectives, si différentes. A un moment donné malheureusement la nuit commença à s'éclaircir et je dû repartir au monastère. Je lui fis un baiser sur la joue et me releva mais elle me retenu pour en faire un à son tour. Je lui déclarai alors mon retour à la prochaine nuit.
Il marqua une autre pause, l'air nostalgique.
- La journée qui suivit fut la plus longue et la plus ennuyeuse de ma vie. A peine le soir venu, je courais déjà vers la colline où elle m'attendait en robe bleue. Elle m'accueillit au coin du feu et nous reprirent une grande discussion ininterrompue. Elle n'était plus du tout retenue dans ses mots, et riait à gorge déployée à mes anecdotes, comme je riais aux siennes. La nuit fut plus froide, et nous nous serrâmes de plus en plus pour nous tenir chaud. Au bout de plusieurs heures, je lui annonçai tristement mon retour à Kraanvik, lui disant qu'il ne voulait plus suivre les moines mais rester avec elle. Elle me dit vouloir venir avec moi, ne pas rester ici avec sa mère, voir le Sud que je lui avait si bien décrit...
Je lui pris la main et l'emmena avec moi dans la forêt. Une fois cachés, nous commençâmes à nous embrasser, ce qui dura pendant des heures. Nous fîmes même... Hum... Vous voyez ce que je veux dire.
Il souriait, visiblement énonçant les meilleurs moments de sa vie.
- Le lendemain, on nous chercha. Et ils nous trouvèrent, nous emmenant de force chacun de notre côté. Je lui criai que je reviendrai un jour la chercher, que c'était une promesse. J'ai été renvoyé à Kraanvik, puis à Golvendaar après qu'un courrier ait été envoyé à ma famille. Enfin on m'emmena à Caroggia, où mes parents me disputèrent comme jamais pour ne pas avoir été digne. Je m'en foutais. Je fuguai le soir-même, profitant de mes études en académie militaire pour m'engager en tant que marin sur un navire qui partait vers le Capitale, désirant me rapprocher le plus possible du Nord. J'ai ensuite déniché un travail d'escorte d'une caravane qui me conduirait jusqu'à Golvendaar. Le voyage dura plusieurs mois, et celui qui m'amena jusqu'à Aelin presque un an. Bien sûr, la tente n'était plus sur la colline. Il s'ensuivit une recherche dans tous les villages voisins et personne ne savait où elle pouvait être partit avec sa mère.
Il ne souriait plus, visiblement ayant quelques difficultés à parler de la fin de son histoire.
- Mon dernier espoir reposa en une traversée du pays jusqu'à Uuroggia. Espoir qui fut vain. Là-bas, je m'engageai en tant que marin une nouvelle fois. Je n'étais pas surpris en apprenant mon dés-héritage, j'en dégageai même une plus grande volonté de la retrouver un jour dans un port quelconque.
Thémis était touché par le récit de l'homme qui après tout ce temps cherchait encore la femme qu'il avait aimée. Il se demanda si un jour lui-même saura faire un réel choix et déterminer qui était son âme sœur. Il n'avait jamais osé y réfléchir, ne sachant pas comment s'y prendre en décisions de grande importance. Le Code ne l'aiderait malheureusement pas, au contraire il compliquait les choses dans ce contexte-là.
- Vous êtes un homme exemplaire. Espérons que celui qui vous paye le soit autant.