Carnet de passage : Pon du Bourbier
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Cet écrit a été rédigé par Eliza Marleau, et se trouve sur la nouvelle Esperia.
Introduction Carnet de Passage
Permette la présentation des Esperiens ainsi qu’une trace de leur passage dans la Cité. Oeuvre destinée à la postérité pour que l’avenir sache à qui il succède. Le tout dans un format succinct.
Pon du Bourbier Edition Juillet 525
La première fois que je posai le pied sur Esperia, en 523, mes poignets et chevilles étaient entravés par de lourdes chaînes dont les bracelets m’entaillaient la peau. Doule m’avait soumise à une bien rude épreuve que je me devais de réussir. Une troupe de Chahuteurs, composée de Nandor, Morgane, Di, Da, Margot et Krumi eut manifestement pitié de moi, car ils m’achetèrent à Marlon l’esclavagiste malgré mon pied bot, ma voix disparue et mon incompétence générale. A l’époque, je ne savais gagner ma vie qu’en attrapant quelques crabes sur le rivage. L’ergastule dans laquelle nous logions était minuscule, comparée à l’immense bâtisse toute en longueur de Ranier, à la Capitale. Tommi et moi nous étions trouvé un coin à l’écart de tous, tout au fond du bâtiment. Nous avions fait la connaissance de deux autres esclaves : Drappier et Vinicio, l’un capitalin et l’autre lig, comme moi. Je me faisais alors passer pour muette afin que tous ignorent cet aspect de ma personne - il était assez désagréable d’être un petit esclave maigrichon et inutile, nul besoin de rajouter les aprioris que chacun se fait sur ceux des îles. Un soir, Askoli la nordique nous avait proposé une amusante activité : elle avait peint sur nos visages, à Vinicio et moi, un maquillage effrayant qui me donnait un air plus dur que je ne l’étais - et j’avais aimé cela. Drappier avait explosé, en nous voyant. Je n’avais alors pas compris pourquoi, mais à présent je le sais : nous étions marqués comme des sauvages, comme ceux qui ignorent Arbitrio et sont persuadés de l’égalité entre les Hommes et les bêtes. Le capitalin m’avait même frappé d’une arme de bois, déboitant douloureusement mon épaule.
Les Chahuteurs à qui j’appartenais m’avaient demandé de leur rapporter de l’argent. Je savais bien que ce ne serait pas avec la vente de crustacés que je pourrais rembourser la dette qui me valait les chaînes ; alors j’avais volé - je ne me souviens pas à qui. J’avais demandé à Tommi de m’aider à déplacer la caisse, et le lâche Bartimée nous avait entendu, et dénoncés. Les Chahuteurs m’avaient alors refourgué à Shahab, un qadjaride, peu désireux de posséder un esclave voleur ; mais moi, je ne souhaitais qu’être avec les miens, et je parvins à négocier avec mon nouveau maître pour qu’il me revendit à la karigai Zhâleh Hakara. Bien mal m’en a pris, car jamais elle ne s’est occupée de moi. Tommi et moi avions décidé de nous venger. L’esclave Bartimée qui nous avait dénoncés finit avec un couteau de cuisine dans le ventre, dans les tréfonds de l’ergastule, et c’était bien fait pour lui. Il survécut mais resta blessé un long moment. Peu après, et malgré cet écart, le maître de l’ergastule Lonan me libéra suite à l’absence prolongée de ma maîtresse.
Libre enfin, je m’associais rapidement à la toute nouvelle Klika, constituée du beau Morten, de Ston le fou, d’Yves le simple et de Vinicio. L’une de nos premières actions fut de prendre le Bourbier à Rosso, qui nous le laissa vide de pièces - plus de quatre cent sous dérobés par cette merde de caroggian ! Morten devint le visage du Bourbier ; celui qui négociait, celui qui dirigeait - l’intendant. Moi, j’étais son adjointe, et je m’occupais des affaires courantes - les impôts, les saisies, les travaux. J’avais eu la chance d’être formée à l’architecture par le maître Gaston de Galdyr, et bien que pas très douée, je m’en sortais suffisamment pour refaire quelques bâtiments. Ston et Yves faisaient partie de la Faction, entité qui, à l’époque, était une sorte de garde du Bourbier. Ils occupaient généralement le Passage Ston et Yves - la porte séparant notre quartier de l'Écarlate - pour y réclamer un sou par passage. Vinicio s’était éloigné de nous suite à une altercation avec les autres. Je me souviens d’un soir durant lequel Yves avait une mission : envoyer, depuis le pont surplombant le campement vaahva, une bouteille pleine de toutes les immondices corporelles que Ston avait trouvé à mettre dedans. Malheureusement, notre grand simple d’esprit avait peu conscience de sa force, et serrant le récipient entre ses doigts, celui-ci lui avait éclaté dans la main. Il était revenu, penaud et puant. C’est un épisode aussi hilarant que triste.
Un mardi, nous avions acheté une esclave du nom de Loupe à l’esclavagiste Marlon, et le soir suivant, lors du procès de Jonäas, nous avions acheté une part de tarte et la lui avons fait lancer sur l’accusé. Cela aussi, c’est un souvenir qui me fait sourire. Ce même soir, nous nous étions éclipsés - Koura, Ston, Yves et moi - pour nous rendre dans le grand manoir de Jonäas, où nous espérions trouver quelques trésors à rapporter ; malheureusement, Romaric et Nicolas nous étaient tombés dessus alors que nous étions dans le sous-sol. La petite Koura avait été bien utile, car elle avait forcé, forcé, et avait fini par se chier dessus, dégoûtant assez les dirigeants pour nous faire sortir sans entrave.
Les problèmes engendrés dans la communauté iconodoule par l’absence prolongée de la karigai Zhâleh Hakara me poussèrent à une décision particulière : là où, d’ordinaire, devenir artisan iconodoule est un long parcours auprès d’un maître attentif, je décidais de me présenter, au cours d’un rite, devant les magenetas et les différents ocolidiens et manarades de l’île. Nous nous étions réunis à la Cale, et à l’aide d’un mélange de rhum et de rêve rouge propres à ouvrir nos sens aux magenetas, nous les avons interrogées : elles m’acceptèrent et à ce moment je devins karigai à mon tour.
Peu après, je me fiançais à la manarade Ernestine : j’avais demandé en mariage à peu près la moitié de l’île, mais elle était la seule à avoir accepté - sauf que trois jours après, elle trahit la Klika et je rompis notre engagement. Le lendemain seulement, je la voyais fricoter avec la qadjaride Azadeh : ivre de rage, je leur interdis mon quartier… Mais un jour plus tard, la qadjaride s’aventura sous mes yeux dans le Bourbier. Je lui tirais dans le pied un carreau de mon arbalète. Azadeh étant garde, mon imprudence risquait de nous valoir des représailles ; aussi Ston et Morten parvinrent heureusement à étouffer l’affaire.
Une fois, guidé par Crège, le grand Yves tenta de voler les réserves du Gouvernement. Hippolite, alors intendant de l'Écarlate, arriva non loin, et mon ami s’occupa de le distraire tandis que je reprenais sa besogne. Mais l’intendant n’avait pas dit son dernier mot, et alors que je forçais la dernière porte nous séparant du trésor, il m’attrapa par le cou et me secoua sans même écouter mes propositions de partage. Vinicio, qui, quoi qu’éloigné de la Klika, restait mon ami, arriva - attiré par les cris - et me libéra à coups de sabre, au prix de son visage, car le seigneur Romaric le punit en enfonçant sa tête dans le présentoir du livre de lois qui éclata sous l’impact. Fichu Hippolite. Heureusement, Clorinde La Valette, personnification de Listère et allié de la Klika, reprit bientôt l’intendance écarlate, et son règne fut l’âge d’or du quartier. Une fois, il annonça par affiche ses fiançailles avec Katia Panenko avant de lui demander son avis, et le pauvre se fit soigneusement rejeter…
En novembre, je fus cloué au lit par une maladie et, lorsqu’enfin je m’en sortis, ce ne fut que pour constater l’atrocité de la situation : durant ma convalescence, mon beau Morten avait ourdit un complot contre Romaric et sa famille, la Cohorte. Ceux-ci nous menaçaient régulièrement et il était de notoriété publique qu’ils souhaitaient nous voir tomber ; aussi, mon ami et intendant avait pris les devants. La Klika, composée de Morten, Ston, Yves, Lefer et Gauthier, avait attrapé Karmen, la femme de Romaric, afin de l’attirer et lui soutirer la promesse de ne pas s’en prendre à nous. Nicolas Veretti, ce chien de caroggian, condamna lui-même ses “amis” : il ordonna à un prae de tirer sur Ston, qui s’éteignit. En représailles, Romaric et Karmen furent tués à leur tour, mais la Klika finit par se faire capturer par les troupes de Veretti. Sorti de ma maladie, je trouvais la fidèle Loupe et l’horripilante Milika et, à nous trois, nous fîmes passer des armes à nos amis prisonniers et négociâmes avec la compagnie de la Ronce Rouge afin qu’ils nous soutiennent à la fin de leur contrat pour Veretti. Ils acceptèrent, mais le procès de la Klika se tenait le dimanche… Alors que toute la ville avait été fouillée et désarmée pour assister à cette parodie de justice, les prisonniers, eux, étaient aussi armés que les mercenaires - mais malheureusement pas aussi armurés. Il y eut un moment où l’espoir me poussa à croire que la bonne foi de Morten et sa volonté de protéger les siens convaincrait tout le monde, mais à ce moment, le grand Yves se jeta sur Rosso pour le défigurer et, sans m’étendre, je dirai simplement que tous nos amis furent tués sous nos yeux - à Loupe, Koura et moi. La petite fuit la ville et j’eu bien du mal à la retrouver à la Capitale, alors que Loupe restait sur l'île pour régler quelques affaires avant de nous rejoindre. Pas un jour ne passait sans que je ne maudisse Rosso Dagarella et Nicolas Veretti.
La seconde fois que j’arrivais sur Esperia, j’étais de nouveau enchaînée. Je ne me souvenais pas bien pourquoi, car j’avais beaucoup bu ; en tout cas, j’étais avec Loupe, et Koura était resté chez mon grand ami Manu Menu, à Guois. Nous fûmes achetés par la Clique de Fardan, un groupuscule essentiellement manarade dirigé par Fardan et Fléau, les jumeaux - l’un beau et raffiné, l’autre belle et brutale. Jeen, et les larak’u Kahina et Zahir étaient des leurs.
À notre grand déplaisir, Rosso était encore présent. Nicolas Veretti, lui, avait été chassé par les vaahvas quelques mois plus tôt - et bien fait pour lui. En croisant Dagarella, Loupe et moi, enchaînées, lui avions sauté dessus et n’avions gagné qu’une nuit dans les geôles glacées du Fort de la Garde - dirigée d’ailleurs, une fois de plus, par Jonäas. Le caroggian profita de notre enfermement pour fuir vers le Continent, lâche jusqu’au bout…
En tant que Karigai, ma première grande action à mon retour fut d’offrir à feu Romaric une inhumation digne de ce nom : Loupe et moi nous rendîmes au navrat phalangiste pour l’y déterrer et brûler son corps à l’ocolidienne. Je pris toute la responsabilité sur moi, et fus la seule à avoir quelques problèmes avec les rouges, mais il me suffit de leur offrir un joli vitrail pour que leur ire retombe. Après quelques semaines de bons et loyaux services auprès de la Clique, Loupe et moi fûmes libérées et intégrâmes la Clique. Peu après, nous eûmes la surprise de voir la petite Koura à la vente aux esclaves, et Fardan l’acheta pour nous. J’étais ravie que Maikala ait envoyé la petite vers nous plutôt que de la perdre sur le Continent - un bien heureux hasard. Ce temps de réunion ne dura malheureusement pas, car Loupe, ruminant sa peine depuis trop longtemps, s’en fût sur le Continent dans l’espoir d’y retrouver Veretti pour assouvir son besoin de venger la Klika.
À côté de cela, l’intendance du Bourbier avait été prise par Aegur et Ethonnette - l’ami et la sœur de la consule Amalisse - qui n’en faisaient rien. J’en étais très peinée. Ils me nommèrent adjointe, mais je n’eu jamais l’honneur de recevoir les clefs et, même lors de leur départ, ils ne laissèrent aucun document à jour. De mon côté, j’avais prévu de gros travaux pour donner un renouveau au quartier, et à cela s’ajoutèrent mes tâches d’intendante. Je nommais adjointe la petite Koura afin qu’elle apprît la gestion et les fonctions qui seraient, peut-être, un jour les siennes. Plus récemment, l’un de mes fidèles compagnons rat mourut - il avait refusé de s’alimenter trop longtemps - et le second commença de l'imiter. Je me retirais pour une période de deuil, et à mon retour, il me fallut reprendre mes fonctions rapidement afin de mettre en marche les dernières étapes de la reconstruction du Bourbier.
Voici, à ce jour, où j’en suis, et j’envisage, une fois le Bourbier rénové, une fois les documents à jour, de céder les rênes à Koura ou à Börr et de m’en aller retrouver Loupe sur le Continent.