Le gardien du cimetière

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Cet écrit a été rédigé par Megara et se trouve sur la nouvelle Esperia.

Le gardien du cimetière

Vous me demandez, Messire le juge, pourquoi suis-je devenu le gardien du cimetière Allistère, sur Esperia, au sein de l’Archipel des Espervies… ? Seigneur… La réponse, la voici : La misère.

Imaginez vous un homme, habillé d’un ensemble de thermidor. Il a traversé l’Océan du Ponant, de la Capitale jusqu’à une ville du nom d’Esperia. Cette dernière destination est celle où on lui a refusé tout travail et tout secours, et pourtant, c’était son dernier espoir. Imaginez vous, Messire le juge, être cet homme, nourris de carottes glacées, sentant le purin de l’engrais, sentant les fruits oubliés sur l’herbe d’un verger désert, dont l’odeur est aigre et dure. Imaginez-le trempé par une pluie de brumaire, plié par les rafales froides du vent du nord. Imaginez, et alors, vous alors devant vous l’homme que j'étais lors de mon arrivée, foulant les pavés de votre sinistre ville…

J’entrais dans la première maison, qui est une auberge à l’enseigne de “La Rousette”, ou le patron, un homme charitable, me réconforte de thé chaud et de pain. Suite au récit de ma détresse, ce brave aubergiste m’apprit qu’un des trois gardiens du cimetière d’Allistère venait de partir et que la ville cherchait un remplaçant.

Pourquoi aurais-je peur des morts ? Ce sont les vivantes, qui m’ont tant fait souffrir. Les morts peuvent-ils être plus méchants que ces derniers… ?

Alors j’ai été voir les deux gardiens du cimetière sur le champs. Aurais-je dû m'inquiéter de ces deux hommes, qui semblaient régner en seigneur, au plein pouvoir, sur ce cimetière ? Non, car d’eux, j'ai reçu tout de suite de chauds vêtements et un repas. Un repas… Mais quel repas ! Nous parlons ici de larges tranches de viande rouge, des pâtés ruisselant de jus, des fritures aussi copieuses que dorées…

Quelques mots, maintenant, sur le cimetière d’Allistère : Il s’agit d’une vaste terre de repos, où l'on enterre plus depuis quelques années. Elle se trouve nichée au-dessus d’une falaise, battue par le vent… La falaise voit à ses pieds, le lit d’un fleuve qui traverse la ville de part en part. Les tombales y sont effritées et leur épitaphe est mangée par les lichens et les pluies. Les statues et monuments funéraires y sont en ruine. Une sorte de brousse hâve a envahi les allées.

Le gouvernement d’Esperia, qui était pauvre suite à un dirigeant peu scrupuleux, et qui envoie maintenant ses morts dormir dans l’immense nouveau cimetière du nord, avait caressé l’espoir de convertir le cimetière d’Allistère en terrain agricole.

Mais, les paysans de l’île n’en voulut point, aussi superstitieux sans doute que les Caroggians avec les mauvais présages. Les paysans, le soir venu, autour de leur petits feux de campagne, racontent en entendant le vent se plaindre depuis l’orée de la forêt noire, d'horribles histoires de revenants.

Il y a deux ans, la face des choses changea.

Peu de temps avant sa mort, la richissime Noble Dame Von Sydan valevski, de nationalité Hura ou Adaarionne, proposa à la ville d’acheter le cimetière désaffecté pour une somme fantastique, à la condition qu’elle pût y avoir sa tombe et qu’elle fût la dernière à y être inhumée. Elle ajouta que le cimetière serait gardé nuit et jour par trois gardiens, aux frais desquels un legs pourvoyait. Deux de ses anciens serviteurs étaient désignés, un troisième était requis. Je le répète, Esperia était pauvre, avec d'immenses travaux à faire. Elle accepta d’emblée.

Aussitôt, une foule d’ouvriers s’occupa d’ériger, dans le coin le plus reculé du cimetière, un vaste mausolée des dimensions d’un petit manoir. Le mur d’enceinte fut triplé de hauteur et hérissé de hallebardes de fer.

Le mausolée fut à peine terminé qu'il reçut la dépouille fraîche de la noble dame. Horaire parfait. La ville n’a vu dans tout cela qu’une pointe d’excentricité : La riche noble dame s'étant faite enterrer avec des joyaux d’une immense rareté et valeur, voulant mettre sa dernière demeure à l’abri des détrousseurs de tombes.


Mais voici mon histoire :

Les deux gardiens m’ont fait un excellent accueil. Les deux hommes, des colosses à la mine canine. Pourtant, ils doivent êtres de braves gens car j’ai vu leur joie et leur énorme satisfaction devant mon bel appétit. Il n’y a que les braves cœurs qui sourient à l’appétit des misérables.

En entrant en fonction, j’ai dû me soumettre à de rigoureuse observation du règlement : Ne pas quitter le cimetière pendant la durée de mon engagement, soit une année. N’avoir aucun rapport avec l’extérieur, ni chercher à en avoir. Ensuite, ne jamais approcher le mausolée de la noble dame.

Messier, qui est strictement affecté à la surveillance de ce coin du cimetière, m’a apprit que sa consigne était de tirer sur n’importe qui oserait s’approcher de la tombe. En disant ses mots, il charge son arbalète, visant négligemment une lointaine ramure de peuplier ou sautillait une ombre minuscule. Le carreau parti et un geai au plumage piqueté d’azur dégringola.

Messier était un tireur remarquable. Il tenait cela de sa patrie natale.

Il le prouvait tous les jours car le cimetière fourmillait de lapins sauvages, de gros ramiers au duvet opalin et même de faisans, qui fuyait parfois, rapides, dans l'ombre des fourrés.

Tauroch, le second gardien, le seul qui sortait du cimetière pour aller aux provisions, nous préparait d’exquis petits plats de gibier. Oh ! Je me rappelle une étonnante galantine de volaille, figée dans un jus doré et qui fondait dans la bouche, onctueuse comme une crème de viandes tendres, de truffes, de pistaches, de piments et de graisses fines.

Mes journées se passent à manger et à me promener dans le mélancolique parc qu’est devenu le cimetière.

J’ai emprunté une arbalète à Messier mais je suis un piètre tireur, je ne parviens qu’à éveiller par-ci, par-là, un écho, qui passe alors pendant quelques secondes, comme une pauvre plainte entre les tombes oubliées.

Le soir, dans notre petite salle commune, nous nous réunissons autour du poêle calorifère dont l'œil de mica rougeoie malicieusement.

Au dehors, il n'y a que le vent et les ténèbres. Tauroch et Messier parlent peu.

Leur visage est tourné de trois quarts vers la haute fenêtre badigeonnée de nuit, ils semblent toujours aux écoutes, et ces grosses figures de chiens de garde semblent refléter l’angoisse.

Mais pourquoi ?

Je souris à la superstition de leur âme fruste et, en ces moments, de me sens supérieur à eux. Oui, pourquoi l’effroi ? Au-dehors, il n’y a que l’obscurité des nuits de nivôse, que la plainte aigre du vent.

Parfois haut dans le ciel, des rapaces nocturnes crient à la mort et lorsque la lune se tient, petites et brillantes, dans le coin de la plus haute vitre, j’entends les pierres se fendre sous l’effet du gel.

Vers minuit, Tauroch nous prépare une boisson chaude qu’il appelle “Chur” ou “Skur”.

C’est un brevage presque noir, sentant bon les plantes étranges. J’en bois avec un plaisir extrême. A peine la dernière gorgée est-elle avalée qu’une exquise chaleur me pénètre… J’éprouve un sentiment de bien-être inouï, je voudrais rire et parler, rien que pour en demander une seconde tasse. Mais je ne le peux pas, une roue multicolore se met à tourner devant mes yeux et je n’ai que le temps de me jeter sur mon lit de camp pour m’endormir profondément.

Non, je ne crains pas la nuit dans le cimetière. Ce que j’appréhende, c’est l’ennui, et c’est ce qui m’a conduit à tenir mon journal, ou plutôt à noter mes impressions car ce n’est pas, à proprement parler, un journal, puisqu’il ne porte ni jour, ni date.

C’est de ce cahier que j’extrais tous les passages relatifs à mon effrayante aventure, Messire le juge. Je n'ai pas voulu vous astreindre à lire les poétiques descriptions de tombes encapuchonnées de neige, ni mes idées sur les compositeurs Capitalins, ni mes préférences littéraires, ni mes élucubrations philosophiques sur la peur et la solitude.

Tauroch et Messier me gâtent ! Que d’admirables menus !

Dire que l’autre jour, comme je n’avais pas montré le même appétit qu’aux autres repas, ils marquèrent une inquiétude presque ridicule. Messier a reproché à son compagnon de ne pas avoir soigné le repas comme toujours, dans des termes d’une violence exagérée.

Depuis, Tauroch ne fait que me consulter sur mes goûts et mes préférences. Ah, les braves gens ! A ce régime, je devrais grossir comme une caille. Pourtant, il n’en est rien. Je me trouve même une mine extrêmement souffreteuse.

Hier, j’ai eu une première impression de peur. Pourtant, je dois avouer qu’il n’y avait matière qu’à un sursaut désagréable.

Entre chien et loup, comme je sortais d’une petite allée transversale, un cri affreux a déchiré le silence. Il me semble avoir vu Messier de la maison de garde et s’enfoncer en courant dans les taillis.

Lorsque je suis arrivé dans notre salle commune, j’ai vu Tauroch surveiller attentivement les fourrés assombris, comme je lui ai demandé ce qu’était cet appel, il m’a répondu qu’il s’agissait d’un courlis. Le lendemain, Messier en rapporta un qu’il avait tué.

Drôle de petite bête à l’immense bec, long comme une dague, et quelle vilaine clameur pour un oiseau pourtant gracieux.

J’ai ri en palpant son duvet cendré, mais mon rire a sonné faux et mon impression d'angoisse ne s’est pas dissipée complètement, comme je l’aurais voulu.

Décidement, ma santé n’est pas aussi brillante qu’elle devrait l’être. Pourtant, je mange comme un loup et Tauroch se surpasse. Mais, le matin, une bizarre torpeur me tient encore au lit, alors que le soleil joue sur le carreau et que j’entends le tintamarre des casseroles de Tauroch.

Une sourde douleur me tenaille la peau derrière la nuque. Elle n’était pas facile à voir, il m’a fallu deux miroirs. En regardant de plus prêt, je découvre une légère rougeur autour d’une minuscule boursouflure de chair vive. C’est une petite plaie de rien du tout, mais elle me fait bien mal…

Aujourd’hui, comme je battais les taillis, à l'affût de quelque ramier ou d’une bécasse, quelque chose à bougé dans les branches proches : J’ai vu un splendide coq-faisant poussant sa fine tête entre deux brindilles. L’occasion était trop belle, je tirais. La bête blessée s’enfuit devant moi, une aile perforée de mon carreau.

Bravement, je m’élançai, et une poursuite assez longue commença. Soudain je m’arrêtai, abandonnant ma proie. Je venais d’entendre une voix. Elle était rauque et plaintive. Des mots, lamentables et presque suppliants, sonnaient dans une langue que je ne connaissais pas.

Je regardai autour de moi. Derrière une lourde haie de cyprès et de sapins se profilait une masse sombre : le tombeau de la noble dame.

J'étais en terrain défendu.

Me rappelant l’avertissement de Messier, je battis en retraite, juste à temps pour voir ce dernier sortir du bosquet de conifères, nu-tête et pâle comme un mort.

Le soir, comme je l’observais, je vis une longue strie livide sur la chair de sa joue droite. Il me sembla qu’il faisait des efforts pour la cacher à mes regards.

Il n’est pas loin de minuit ; mes deux compagnons jouent aux dés, le sept capitalin. Tout à coup, mon cœur s’arrête, glacé de frayeur, près de la maison, tout près, le courlis a crié.

Oh ! L’affreuse clameur !

On dirait que tout le cimetière d’Allistère crie son horreur.

Messier est resté immobile comme une statue, le cornet de cuir des dés aux doigts. Tauroch, avec un cri sourd, s’est rué vers le réchaud où le « chur » chauffait. Il m’a vraiment poussé la tasse dans les doigts, et j’ai vu que sa main tremblait…

Oh ! comme j’ai mal ! La boursouflure rose derrière ma nuque s'est agrandie. Au centre, la petite plaie, plus profonde, saigne.

Oh ! j’ai mal !... J’ai mal !... J’ai mal !...

Hier, je me suis promené le long de la muraille de clôture, côté est. C’est un endroit sinistre où je ne m’étais jamais aventuré. Une haute haie de houx attira mes regards ; elle allait de la muraille est à la muraille nord, clôturant ainsi un lopin de terre triangulaire qui échappait à ma vue.

Quelle étrange appréhension me fit souhaiter de voir l’espace isolé de la sorte ? Cela me fut très difficile, car la haie était épaisse et chaque feuille de houx était une petite main griffue qui me lacérait la peau.

Il n’y avait rien dans l’enclos, si ce n’est deux tombes dont la vétusté allait pour ainsi dire en gradation régulière ; ainsi, la première était pourrie et lavée par les pluies, la deuxième semblait toute fraîche…

C’étaient comme des tombes nouvelles…

Cette nuit-là, j’eus un sommeil hanté de cauchemars ; j’eus l’impression d’un poids énorme écrasant ma poitrine et, dans ma torpeur, ma plaie me faisait atrocement souffrir.

Oh ! j’ai peur…

Quelque chose se passe. Comment ne l’ai-je pas remarqué auparavant ? Ni Tauroch ni Messier ne boivent le “chur”. Ce matin, ils ont oublié les trois tasses sur la table ; seule la mienne contenait des restes de breuvage, les leurs étaient nettes !

Je DOIS dormir !

Ce soir, je veux rester éveillé, je veux voir ; j’ai bu le « chur » ; je suis couché sur le lit de camp, je ne veux pas dormir, je ne veux pas, de toutes les forces de mon cerveau. Oh ! la terrible lutte contre ce sommeil de plomb et de fer !

Tauroch et Messier me regardent. Ils croient que je dors. Je résisterai encore une minute, une seconde peut-être…

Horreur ! Le courlis a crié près de la fenêtre.

Oh ! Quelque chose d’atroce, d’épouvantable s’est passé... Là... contre la vitre, un visage d’enfer s’est collé. De terribles yeux vitreux, des yeux de cadavre, des cheveux d’un bleu givré, hérissés comme des lances, et une bouche immense ricanant sur des dents noires, une bouche rouge, rouge comme du feu, ou comme du beau sang qui coule. Puis la roue de feu a tourné dans ma tête et le sommeil est venu, et les cauchemars.

Je bois le “chur”, je le bois tous les soirs. Ils me gardent comme des tigres et je sens que, toutes les nuits, quelque chose d’atroce se passe.

Quoi ? Je ne sais, je ne peux plus penser, je ne peux que souffrir... Quelle force mystérieuse m’a poussé de nouveau vers l’enclos de deux tombes ?

Comme je m’apprêtais à partir, mes yeux se sont attachés à un bout de bois dépassant de terre à côté de la deuxième pierre tombale. Machinalement, je l’ai tiré : c’était une planche portant quelques mots écrits difficilement.

L’inscription avait beaucoup souffert, mais j’ai pu lire quand même :

« Ami, si tu ne peux pas fuir, ceci sera la place de ta tombe. Ils en ont un. Je serai le second, car je n’ai plus de force. Je ne sais ce qui se passe ici. C’est un horrible mystère. Fuis ! « Ermano »

Ermano ! Je me rappelle : c’est le nom de mon prédécesseur. Les deux tombes indiquent les tombes des gardiens adjoints qui se sont succédé depuis deux ans.

J’ai tâché de fuir : j’escaladai le mur nord à un endroit où j’avais découvert quelques aspérités.

Déjà les hallebardes du faîte se rapprochaient de moi, lorsque soudain, à deux pouces de ma main, une pierre percutée par un pointe de métal, puis une autre, puis une autre. Au bas du mur, Messier froidement m’ajustait de son arbalète, et ses yeux avaient l’éclair glacé du métal, celui dont on fond les cloches qui sonnent le glas des morts.

Je suis retourné à l’enclos des deux tombes. A côté de celle d’Ermano s’ouvre une fosse fraichement creusée. C’est la mienne. Ma tombe prochaine.

Oh ! Fuir ! Souffrir la faim et le froid le long des routes hostiles, mais non mourir dans ce mystère et dans cette horreur.

Mais ils me gardent et leurs regards rivent mes pas comme des chaînes.

J’ai fait une découverte. C’est peut-être le salut. Tauroch verse dans le “chur” le contenu d’une fiole sombre. Où peut-il la cacher ?

J’ai trouvé la fiole ! J’en ai examiné le contenu, un liquide incolore d’une odeur douce… J’agirais ce soir…

C’est fait, j’ai versé le narcotique dans leur thé… Le verront-ils ? Mon coeur, mon pauvre coeur, comme il bat !

Ils boivent, ils boivent ! J’ai espoir…

Tauroch s’est endormi le premier. Messier m’a regardé avec un étonnement immense, puis une lueur féroce est passée dans ses yeux et sa main a cherché son couteau de chasse. Mais il n’a pas pu achever le geste prévu. Il est tombé, lui aussi, endormi sur la table.

J’ai pris les clés de Tauroch, mais, alors que j’ouvrais la lourde porte du cimetière, l’idée m’est venu que ma tâche n’était pas finie, qu’il y avait derrière moi une énigme à résoudre et deux morts à venger, que, les gardiens vivants, je serais peut être en butte à d’infernale persécutions.

Je suis retourné, j’ai pris le couteau de chasse de Messier, j’ai appliqué la pointe de la lame sur leur gorge… Et j’ai tranché.

Ils n’ont pas bougé. Seul Tauroch a eu un grand frisson. Et seul, face aux cadavres, j’attends le mystère de minuit.

Sur la table, j’ai disposé les trois tasses, comme tous les soirs. J’ai mis aux gardiens leurs écharpes noires de nivôse, pour cacher la plaie rouge de leur gorge. De la fenêtre, on dirait qu’ils dorment.

L’attente commence. Oh ! Comme les aiguilles de l’horloge glissent lentement vers minuit, l’ancienne heure terrible du “chur” !

Le sang des morts tombe, goutte à goutte sur le carrelage froid, à petit bruit doux, comme celui des feuilles dont s'égoutte une ondée de printemps.

Et le courlis a crié…

Je me suis couché sur mon lit de camp et j’ai feint de dormir.

Le courlis a crié plus près.

Quelque chose à frôlé les vitres.

Silence…

Quelqu’un ou quelque chose est entré dans la salle. Quelle atroce odeur cadavéreuse !

Des pas glissent vers ma couche… Et tout à coup un poids formidable m’écrase . Des dents aiguës mordent ma plaie douloureuse et d’atroces lèvres glacées sucent goulûment mon sang.

Avec un hurlement, je me redresse. Et un hurlement plus hideux que le mien y répond.

Ah ! L'épouvantable vision, et comme il m’a fallu toute ma force pour ne pas défaillir devant elle !

A deux pas de ma figure, le visage de cauchemar qui jadis apparu à la fenêtre, me fixe avec des yeux de flamme et de la bouche, affreusement rouge, un filet de sang suinte. Mon sang.

J’ai compris. La noble dame Von Sydan valevski, issue des pays mystérieux où l’on n’a pu nier l’existence des monstres nés de la bestialité, a prolongé sa chienne de vie en buvant le sang jeune des deux malheureux gardiens !

Sa stupeur ne dura qu’une seconde. D’un bond, elle fut sur moi. Ses mains griffues fouillaient mon cou.

Rapidement mon couteau pénétra sa chair putride à plusieurs reprises et avec un grand hoquet qui éclaboussa les murs de sang, la créature humanoïde, le monstre de bestialité, s’écroula sur le sol.

Et voilà, Messire le juge, pourquoi à côté des cadavres de Messier et Tauroch, vous trouverez celui de la noble dame Von Sydan valevski, décédée il y a deux ans et inhumée au cimetière d’Allistère à Esperia.


Hors RolePlay :

Librement repris - transformé et adapté pour Esperia - de “Le gardien de cimetière” de Jean Ray - 1919 Cette oeuvre appartient au domaine du public, trouvable sur ce lien : https://fr.wikisource.org/wiki/Le_Gardien_du_cimeti%C3%A8re