Utilisateur:Nepharelle

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Informations RP
Genre
Femme
Année de naissance
Rang
Esclave de







Métier
Métier
Compléments








Origines
Ville d'origine
Région d'origine
Nation d'origine
Informations HRP
Login Minecraft
Belzarb
Pseudo
Elyrïa
Prénom IRL
Camille
Âge IRL
23





Nepharellecandid.jpg








Nepharelle

Nepharelle.jpg

Portrait




Avant-goût:
  • Nom : Neph'
  • Age : - de 20 ans
  • Taille : 1m62
  • Poids : Oscille entre 50 et 53 kg
  • Physionomie  : Petit gabarit
  • Cheveux : Rubigineux
  • Yeux : Houleux
  • Religion : Courant inconodoule
Compétences:

Grille Épée en Pierre.pngCombattante

Grille Corde.pngMarin

Grille Carte Vierge.pngArt loisir (dessin/tatouage)





























Séparateur.png



Portrait : C’est une petite personne aux contours modelés par les rivages reculés de l’Archipel : cinglés par le vent et tannés par le soleil. Sous l’écorce, le bois est vert, gorgé d’une sève juvénile. Les Continentaux qualifieront cette fille d’agreste, avanceront que sa tête en friche a germé sur quelques terres incultes. C’est qu’ils perçoivent les relents iodés d’Ocolide sur sa peau hâlée –là où d’autres gens relèveront seulement la sueur et le tabac brun boucané imbibant ses vêtements. Par delà l’allure abrupte de Nepharelle se trouve une nature assoiffée, entière, brodée dans l’ombre des nuées d’albatros. Elle a le regard qui scrute, de grands yeux impatients. Puis du tumulte, dans ses prunelles constellées d’ocre, qui charrient de la houle et des échardes de bois vert.

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Nepharelle est chanceuse ; son corps est sain et vigoureux. Elle n’a cependant pas grand-chose d’extravagant, ni de remarquable, mise à part la fougue primesautière suspendue à ses lèvres. A vrai dire, elle possède la carrure d’une donzelle ordinaire, portée par une démarche souvent volontaire et déliée. On peut aisément déceler une témérité du corps et de l’esprit chez cette Manarade, tempérée par une fraîche indolence.

Le corps de Nepharelle s’émaille d’encre et de cicatrices, en offrant le témoignage des aléas qui ont jalonné son existence. Des couleuvres nacrées, gravées en filigrane, rampent ainsi sous ses tatouages. Le fer, parfois l’acier, ont parlé et laissé dans sa chair son verbe incisif. Ainsi l’ourlet charnu de la bouche ombre une incision pâle, crânement arborée en travers du menton. L’arête du nez a rompu par le passé, mais qu’importe, Nepharelle arbore le même profil cabochard –qu’elle s’imagine volontiers altier.

Ses pommettes sont grêlées de taches de son et des boucles négligées viennent encadrer l’ovale du visage. Des billes de cuivre courent le long de l’oreille et rutilent à travers ses mèches désordonnées. Il s’agit là du seul témoignage de coquetterie arboré par la Manarade.






Tatouages : L’Archipel Ocolidien. C’est une mosaïque morcelée par les rivages havanes et les chapiteaux de verdure. De longs bras bleus échevelés d’écume enlacent les rubans de sable et de galets. Ici on respire la mer, l’air iodé et les nuées d’albatros. On retrouve dans les tatouages de Nepharelle le même vent qui ébouriffe les frondaisons. Les panachés de couleur sont fidèles à l’île et à son climat. Ainsi reconnaît-on le vert juvénile et persistant de la yeuse, le céladon délavé des vieux cèdres et celui plus austère des grands pinastres. Il y a le gris-bleu des orages, l’aigue-marine des eaux claires et limpides puis le cobalt enténébré oscillant au large de Mehilab. Des hibiscus fleurissent ça et là, écarlates, couronnant la tête d’une ancre noyée. De fins maillons de cuivre cerclent les poignets de la manarade. Puis, cohabitant avec l’invitation au voyage, il y a la mageneta Orant qui épouse le dos de la jeune fille. Le long de la cambrure, deux fauves aux mufles rugissants déploient la férocité de leur nature en une lutte acharnée. L’un figure un lion et l’autre une panthère uniformément noire, suggérant que leur dissemblance est l’objet de la dualité qu’ils partagent. Un crâne surplombe la scène, logé, souverain et lugubre, entre les omoplates. Comme toujours, l’issue du duel lui appartient.


Aptitudes



(Evolution) : Il convient d’admettre que l’éducation de Nepharelle souffre de nombreuses lacunes. Elle s’est instruite sur le tard, auprès d'un apothicaire débordé dont l’autorité a glissé sur la jeune fille comme l’eau sur les plumes d’un canard. Elle lit, griffonne parfois, mais d’une manière si laborieuse qu’elle s’en dispense la plupart du temps. De même, les calculs rudimentaires restent à sa portée là où les opérations plus complexes la rebutent.

A vrai dire, depuis son arrivée sur Esperia, la cabocharde a pris le contre-pied de ses enseignements sur Nehevand. Elle n’est plus celle qui recoud la chair et panse les plaies. Désormais, elle est celle qui apprend à les infliger.



-Combat : Forte de son expérience de petite frappe dans son bourg d’origine, Nepharelle a consolidé ses bases et travaillé ses allures martiales. Dès qu’un moment opportun se présente à elle, elle s’entraîne, se mesure, s’abîme, guidée par une soif inextinguible d’apprentissage. C’est ainsi qu’elle a pu acquérir de l’assurance dans le maniement du sabre –un maniement encore perfectible. Raison de plus pour l’outrageante manarade de dénuder le fer dès que l’occasion se présente. Car à la tempérance, Neph’ privilégie la persévérance. L’opiniâtreté. Il y a, dans son obstination, une fougue irréductible qui conditionne sa progression. Rien de tel que le besoin pressant de s'illustrer pour se surpasser dans un esprit aussi vert que le sien.

  • Sabre : Normal



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-Marin : La frêle felouque de son aïeul paraît bien loin sur son horizon à présent. Depuis qu’elle est arrivée sur Esperia, ses talents de navigation se sont aiguisés au contact du Capitaine Marot. Elle lui en est reconnaissante, elle qui désormais se mesure à d’autres marins chevronnés. Si elle n’est plus dépendante d’une tutelle pour manœuvrer un navire glissant au large, elle restera cependant attentive à l’expérience des plus éprouvés qu’elle en matière de navigation, car la donzelle a encore beaucoup à apprendre et elle le sait.

Le terrain de prédilection de la jeune manarade reste cependant la hune, le gréement et les vertiges des grands mâts. Son grand-père avait coutume de dire qu’elle finirait les pieds dans l’eau à force d’avoir le nez au vent. Force est de constater qu’elle fait montre d’une surprenante agilité. Une aisance qui s’affûte et s’illustre sur terre comme sur mer.

-Art loisir (dessin/tatouage) : Lors de ses escapades Nepharelle avait pour habitude d’emporter une gourde, un couteau, un carnet à reliure de cuir et un crayon fusain. Elle ébauche rarement des portraits, leur préférant les esquisses de paysage ou des scènes bien particulières. Du reste, son oisiveté lui a permis de trouver le temps d’apprendre à tatouer la peau à la façon manarade traditionnelle (et douloureuse) : à l’aide d’os affûtés en forme de peigne ou de poinçon.








                            Portrait au fusain de Khandro par Neph'              




Chronologie


Non exhaustive

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-An 497 : La naissance de Nepharelle vient grossir les rangs de la famille Alyon. Elle a déjà un frère, l’aîné, Khandro (11 ans) et trois sœurs : Griseldis (9 ans), Ankharet (7 ans) et Isemeine (5 ans). Le foyer familial se compose également du père, de la mère, des parents de cette dernière et de l’arrière-grand-père maternel.

A la naissance de sa troisième fille, le père de Nepharelle décide de quitter le village natal pour s’installer à Nehevand qu’il estime être un environnement plus sécurisant. Il s’inquiète également pour l’avenir de sa progéniture. La situation de la famille est précaire, le pécule de fermier peine à faire subsister tout ce petit monde. De fait le père est souvent absent, travaillant à la ferme du village, assisté de l’ainé et du grand-père. Ce dernier, initialement pêcheur et tindolier, aura un point d’honneur à apprendre à naviguer à chacun de ses petits-enfants.


-An 501 : Du jour au lendemain Khandro quitte le nid familial. Cela fait suite à une violente dispute avec son père. D’autres aspirations que celle de passer sa vie à labourer la terre le motivent. Il ne donnera jamais de nouvelles. Griseldis et Ankharet viennent donc prêter main forte à la ferme, le reste de la famille demeurant à Nehevand.

La même année Asselyna naît, prenant la place de Nepharelle comme petite dernière. Sa naissance tempère le chagrin de sa mère, éplorée par le départ de son aîné.


-An 503 : Griseldis tombe malade. L’évolution de son état est fulgurante. La petite vérole la consume. Mise en quarantaine dans une chambre de la ferme, elle décède quelques jours plus tard. De surcroît les soins prodigués ont suffit à ruiner la famille. Celle-ci déménage dans un bas-quartier de Nevehand. La misère guette.

La mère, ébranlée, aura assimilé l’insalubrité de leur environnement à la maladie. Elle développera une marotte inhabituelle pour l’hygiène de ses autres filles et vouera une ferveur inconditionnelle à la figure de Listère. L’hygiène des sœurs s’améliore par conséquent, autant que la précarité de leur situation le permet – elles deviendront néanmoins les plus propres du faubourg, l’une des ramifications les plus indigentes de Nevehand. Nepharelle se forge un caractère bien trempé, s’opposant déjà à l’autorité maternelle pour sa part, laissant soupçonner son tempérament subversif. Elle commence en outre à gribouiller des dessins au fusain. Ses doigts sont toujours noircis de charbon de bois.


-An 505 : A l’occasion du repas du solstice de Nivôse, Ankharet énonce pour la première fois sa volonté de quitter la ferme et de s’engager dans la milice de la ville. La vie trépidante à laquelle elle a toujours aspiré lui fait défaut. Son opiniâtreté téméraire est un modèle pour Nepharelle qui s’attriste de son départ.

Le grand-père commence à ployer sous le poids des années, la vieillesse le diminue de plus en plus. Isemeine prend donc la relève dans les champs aux côtés de son père. Nepharelle pour sa part continue de grandir dans le cocon familial. Elle est de plus en plus audacieuse et n’hésite pas à se mesurer au reste de la marmaille du quartier.


-An 506 : Naissance des jumelles Milisant et Yenia. Deux nouvelles sœurs venant grossir la fratrie. Nepharelle est censée aider sa mère à la maison mais elle se dérobe sans cesse, s’évaporant dans le quartier. Sa nature indépendante s’affirme.


-An 508 : Du fait d'une météo particulièrement rude les récoltes sont catastrophiques. Une période de disette sévit sur l’île. La grand-mère de Nepharelle est emportée par la famine mais le reste de la famille surmonte l’épreuve en dépit des nombreux troubles en ville.


-An 509 : Premiers tatouages de Nepharelle lors des festivités du Naufrage à Marata.


-An 510 : Nouvelle escapade dans le bourg portuaire de Marata. Nepharelle s’y rend en compagnie d’Isemeine. Elles recherchent un artisan iconodoule. Comme la plupart des jeunes âmes manarades, elles ont jeté leur dévolu sur l’effigie de Maikala. Mais l’équipée prendra une tournure inattendue et Nepharelle sera introduite pour la première fois auprès de la figure d’Orant qui deviendra sa mageneta personnelle.

De son côté Isemeine fait la rencontre d’un tabatier dont elle tombe amoureuse et inversement, cela en dépit de leur différence d’âge. Il s’agit du fils d’Harselm Geruoy, un apothicaire de Nevehand. Par l’intromission du fils Nepharelle fait la connaissance de la fille d’Harselm, Adewyn. Les jeunes filles ont toutes deux 13 ans et se lient d’amitié.


-An 511 : Adewyn s’est résolument entichée de Nepharelle. Elle convainc son père de prendre sa camarade en apprentissage en tant que mentor. Une opportunité inespérée pour une fille de si basse extraction ainsi que pour le reste de sa famille. Les soins et les remèdes semblent désormais à portée. Nepharelle accepte. Elle n’aura finalement pas à travailler à la ferme, même si cette dernière réclamera qu’elle s’y rende de temps à autre pour donner un coup de main.

Nepharelle s’installe donc chez Adewyn et son père dans un quartier nettement plus prospère. Son niveau de vie est revu à la hausse –de même que son niveau de langage.

En dépit de ses nouvelles obligations, l’élève s’octroie toujours du temps libre pour visiter sa famille, passer du temps avec ses sœurs, explorer l’île, naviguer et profiter de son insolente et irréductible jeunesse. Son comportement agace naturellement son mentor dont l’autorité ne s'affirmera jamais.

Elle tatouera également son premier dessin sur le bras d’Asselyna, sa cadette : une lame de fond frangée d’écume grise, au creux de laquelle est charriée une fleur d’hibiscus.


-An 512 : N’échappant pas aux traditions manarades Nepharelle continue à couvrir ses bras de tatouages.


-An 515 : Au cours d’une de ses escapades sur un versant sauvage de l’île, Nepharelle fait la rencontre improbable d’un peintre Caroggian : Alceo. Quelque chose le pousse à voyager, à se perdre dans l’exotisme de nouveaux horizons. Il prétend rechercher l’inspiration pour ses peintures et l’originalité pour sa galerie d’art à Caroggia. Mais il n’y retournera pas avant des années. Par ailleurs les érudits de Nehevand se félicitent de sa présence : Alceo voyage en effet avec beaucoup de livres du Continent qu’il partage volontiers.

La même année, Asselyna décède.

Les rencontres avec le Caroggian deviennent un refuge éloigné des aspérités effilées de l’existence. Alceo et Neph' s’égarent tous deux, étrangers l’un à l’autre et pourtant similaires dans leur fuite en avant. A son contact, Nepharelle apprend beaucoup. Les séances de dessin succèdent à celles de lecture. Ce dernier exercice rebute toujours autant la jeune fille mais elle se surprend à aimer écouter Alceo lire à voix haute. De manière surprenante, son élocution s’en retrouve sensiblement affectée.


-An 516 : Nepharelle quitte les rivages familiers de Mehilab. Elle a perdu sa liberté mais gagné un nom en langue manarade : « ਲੜਕੀ ਜੋ ਵੇਵ ਨਾਲ ਲੜਨ ਲਈ ਪਸੰਦ ਕੀਤਾ ». Gravé en elle comme une marque au fer rouge.

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Ile de Mehilab


De rouille et d'os



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La bruine faisait reluire les toits pentus de Nehevand. C'était un froid aigu, mouillé, qui s'insinuait sous les lainages et les cuirs bouillis. Les semelles des rares passants s’embourbaient avec une résignation silencieuse. A l’ombre d’une venelle, des éclats de voix retentissaient, assortis de silhouettes filiformes et nerveuses. Un groupe de quatre adolescents était en train d’acculer deux sœurs isolées. La plus petite des deux arma son poing d’une lame guillochée au manche riveté, suscitant à la fois la peur et l’excitation chez ses assaillants issus d’un quartier voisin.

- Mattez-moi c’t’enfant d’misère, l’nous m’nace ! brailla le plus chétif.

L’un de ses confrères extirpa un coutelas mal affûté de sa ceinture.

- Zieutons l’contenu d’ses tripes ‘vant qu’elle s’chie d’sus Humfred ! lança un autre, réjoui.

- Neph’… ! souffla Isemeine à l’intention de sa cadette, agrippant son bras.

La dénommée se dégagea de l’étreinte pour mieux faire face à ce qu’elle considérait comme l’engeance de l’indigence et du marasme de Nehevand. Elle-même n’était pas mieux lotie pourtant. Comme ces matous errants luttant pour leur territoire, la marmaille des quartiers populaires se mesurait et se confrontait sans cesse, remplissant leur existence déshéritée d’altercations et de querelles.

- Passez votr’ chemin ou j’fais plus que d’menacer. J’vous plante.

Le ton était froid, maîtrisé. Il contrastait avec les palpitations de la gorge découverte et humide. Le type au canif fit un mouvement pendant que le chétif et un troisième se jetaient sur la petite hargneuse. Isemeine poussa un cri. Nepharelle sentit l’extrémité du poignard qu’elle tenait s’enfoncer sans résistance, ses doigts éclaboussés par un liquide chaud. Puis un crochet du droit la cueillit sous le menton. Elle vacilla, comme le monde autour d'elle, tandis que la dague coulait de ses doigts hébétés. Un autre choc la plia en deux et lui fit venir la bile aux lèvres. Puis Nepharelle se sentit rudement saisie par les épaules. Son échine heurta la surface rugueuse d’un mur. Elle cracha par terre.

- L’chiure a planté Humfred ! R’gardez l’pisse l’sang !
- Oh P’TAIN !

La fautive n’eut pas l’occasion de vérifier par elle-même. Un poing vindicatif s’écrasa en plein milieu de sa figure. Le cartilage du nez rompit dans un craquement puis une onde de douleur irrigua son visage. Un geignement plaintif échappa aux lèvres carmines. Lorsqu’elle leva finalement le regard sur la scène, Isemeine était absente. Disparue. Le chétif lui gémissait au sol, se tortillant comme un têtard, ramassé sur son flanc ensanglanté. Elle se demanda fugitivement s'il allait mourir, puis la périphérie de son œil capta le reflet trempé d’un couteau.

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- Faut l’taill’der !

Le garçon qui n’était pas affairé à la tenir approcha pour lui lacérer le bras : le mauvais lainage se déchira à hauteur du biceps duquel suinta une incision rouge, aussitôt lavée par l’averse. Neph’ rugit, se débattit furieusement. L’un de ses pieds frappa son agresseur au bas-ventre puis s’enlisa. Le rouquin s’affaissa en grognant devant elle. Les deux autres raffermirent leur prise avec brutalité, extorquant une complainte à l’otage dont l’entaille du bras était fouillé par un doigt encrassé.

- L’chie-nne ! ... éructa Humfred comme il chancelait vers le groupe.

Sa pélerine laissait entrapercevoir une empreinte sombre et poisseuse. Il haletait, courbé comme un vieux. La captive reconnut sa propre lame dans la main sale entachée de boue.

- J’vô t’montrer - ! articula le larron blessé dans sa chair et son orgueil.
- Ca f’ra une Alyon d’moins à Nevehand, v'z-y !
- S’daj en chiera b’en une autr' ! L'tiens bien !

Le sang envahissait les narines et la bouche de Nepharelle. Elle inclina indolemment la tête couronnée de pluie, ployant sous sa régularité implacable.

Litanie monocorde et mesurée, le crachin continuait de s’abattre, molletonné et froid, traçant des sillons humides sur les visages congestionné de haine sans parvenir à en rincer la crasse. Comme la vision de la jeune fille pâtissait de l’engourdissement de son esprit, elle s’en remit silencieusement à sa mageneta. Si on lui permettait de passer la nuit, elle la tatouerait sur sa peau.


La cabocharde



La silhouette avachie surplombait les hauteurs sauvages d’une falaise. L’étendue céruléenne de l’océan se déployait à ses pieds, frangée d’écume, comme une femme du Continent l’est de dentelle. Nepharelle faisait courir la pulpe de son pouce contre le fil d’un poignard. Le manche, à plates semelles rivetées, présentait l’aspect veiné du palissandre, cet arbre d’ébénisterie prisé pour sa consistance et le flamboiement de ses nuances. Le dos de la lame arborait un léger guillochage aux courbes entrelacées. Le tranchant avait été aiguisé sur la meule à émoudre de sabotier appartenant à son arrière-grand-père. Le pauvre homme n’avait eu que des filles, et ses filles, des petites-filles. Nepharelle possédait pour sa part d’innombrables sœurs. Le seul frère dont elle avait eu connaissance, l’aîné, avait mis les voiles lorsqu’elle était encore mioche.

Un éboulement de calcaire lui fit brutalement redresser la tête. Par acquis de conscience, la manarade scruta les eaux claires de la calanque. Les côtes sud de Mehilab, sauvages et souvent inhabitées, se faisaient régulièrement accoster par les écumeurs. Ces derniers y trouvaient un havre discret et parfois une âme isolée qu’ils monnayaient ensuite sur des rivages exotiques. Mais aucune voile ne blanchissait l’horizon ce jour là.

- Sont-ce des hibiscus ?

Le timbre masculin ne possédait pas les intonations de l’archipel. Nepharelle se leva, glissant le poignard dans un étui à sa hanche. Lorsqu’elle se tourna vers l’homme, le vent éparpilla sa chevelure pourtant coupée court.

Il s’agissait d’un continental. Dans la vingtaine. Grand, à la barbe naissante, d’ordinaire mieux entretenue devina-t-elle. Sa chemise à jabots s’ouvrait négligemment sur la base du torse, moite de sueur. L’étranger possédait des bottes en cuir montantes enveloppant ses mollets et son pantalon de coton brun. Ses épaules étaient sanglées d’un sac à dos. Sous le bras, il portait un cadre de bois sur pieds.

- Les fleurs tatouées sur tes bras.

La jeune fille acquiesça sobrement. Fermée. Son tricot sans manches découvrait ses épaules. L’individu lui adressa un sourire satisfait puis tomba en pâmoison devant le panorama. Après avoir poussé une exclamation de continental enthousiaste, il entreprit d’installer son chevalet.

- Tu es en plein milieu de mes points de fuite, fit savoir l’étranger tandis qu’il retirait son sac à dos, l’ouvrant sur sa panoplie de pinceaux.
- T’es sur mon île.

Le peintre marqua un temps de pause, souriant encore. Il approcha de l’insulaire, décontracté.

- Ton petit air cabochard me rappelle ma sœur, commença-t-il. Je m’appelle Alceo Belluti. J’ai une galerie d’art à Caroggia. (Comme sa poignée de main demeurait non scellée, Alceo la laissa retomber. Il ne se démonta pas pour autant). Et toi ?
- T’risques d’lui manquer à ta soeur s’tu t’attardes trop longtemps ici, remarqua la manarade.

Alceo eut un sourire triste sans comprendre l’allusion aux écumeurs.

- Ma soeur a disparu. Depuis bientôt deux ans. (Il considéra le bouquet de plumes exotiques tatoué sur les épaules de son interlocutrice). Envolée comme un oiseau.

Le voyageur se détourna pour rejoindre sa toile. Il commença à peindre, mais son regard ne s’orientait pas vers le large. Il s’arrêtait sur Nepharelle.

Celle-ci le considérait d'une moue à mi-chemin entre l'hermétisme et le renfrognement. L'image de sa propre sœur, Asselyna, l'habitait et plantait des crocs féroces dans ses chairs. Asselyna était sa cadette. L’adolescente était restée sourde à la raison, pratiquant, la veille, une opération pour se faire avorter. Seule. Le geste, inconsidéré, principalement motivé par la culpabilité, avait connu une issue consternante. Elle était morte seule. Neph’ n’était pas parvenue à la convaincre de porter son fardeau. Asselyna aura finalement accouché d'un amour et d’un corps brisés. Envolés eux aussi.

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                         Portrait par Alceo Belluti intitulé La fille du vent.


Rugir tant qu’t’es pas canné



La lame qui perfora son ventre semblait chauffée à blanc tant la douleur vrillait ses viscères. Neph’ eut la sensation de tomber puis de trouer une surface glacée. La mer s’infiltra d’autorité dans ses narines, ses oreilles, sa bouche. La lumière du jour s’amenuisait comme elle sombrait, recroquevillée contre la déchirure de son ventre.

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La jeune fille se réveilla en sursaut, suffoquée. Elle comprima son estomac où crépitait encore l’élancement, diffus, pareil à un foyer de douleur. A sa grande surprise ses paumes ouvertes ne révélèrent rien d’autre que la sueur de son corps moite. Son regard, écarquillé, finit par s’accoutumer aux ténèbres de la chambre. A côté d’elle, la forme d’un corps alangui. La cabocharde s’assit au bord du lit, s’appliquant à reprendre ses esprits.

- T’as encore fait un cauchemar ?

Un désarroi concerné émanait de la voix féminine. La phrase s’assorti d’une main douce, effleurant son omoplate.

- Rien qu’tu n’puisses m’faire oublier, assura alors Nepharelle, se tournant vers sa camarade.

Elle portait les cheveux courts, d’un noir de jais, d’entre lesquels jaillissait son regard bleu, saisissant. Sa peau était plus pâle que la sienne, plus propre également. Il s’agissait de la fille de l’apothicaire. Ce dernier était le mentor de Nepharelle. Une chance inouïe pour la progéniture Alyon, si l’on considérait sa basse extraction. Aucune de ses sœurs n’avaient jamais fréquenté d’institutions.

Le père d’Adewyn, le bod Harselm Geruoy, avait consenti à prendre la jeune manarade en apprentissage –à contre cœur toutefois. Sa fille y était naturellement pour quelque chose, d’autant plus que Nepharelle s’avérait être une élève dissipée et indépendante. Seules la science des remèdes et les connaissances relatives à la pratique du métier de soignant retenaient partiellement son attention. Quant-au reste, l’apothicaire n’avait ni l’autorité ni la patience suffisantes pour le lui inculquer. De fait, la jeune fille possédait une écriture déplorable et peinait à déchiffrer les manuscrits. Son parler laissait également à désirer, bien qu’il se fût largement amélioré au contact du nouvel environnement. Du reste, Nepharelle préférait de loin arpenter l’île et ses rivages, participer aux compétitions de course et de javelot, jouer à la balle avec ses sœurs, fumer, se baigner, danser ou rire en compagnie d’Adewyn. Les échauffourées de rue constituaient également une bonne partie de son ordinaire. Force était de constater qu’elle était devenue la plus turbulente de la fratrie Alyon.

Adewyn la dévisageait. Elle possédait une bouche mince de jeune fille en fleur. Lorsqu’elle l’embrassait Neph’ fermait invariablement les yeux, se faisant réceptive à ce qu’elle devait, ou devrait ressentir. Elle avait un goût frais mais d’une façon qu’elle n’expliquait pas, la sensation était fade sur ses lèvres.

- Attends, petite dzuvel, glissa sa partenaire. T’veux prier Mone ? L’dat ne nous en voudra pas d’utiliser son autel. T’dormiras mieux ensuite.
- J’m’adresse pas à Mone.
- Montre-moi à qui vont tes prières, alors.

La fille Geruoy alluma le candélabre ornementé flanquant la tête de lit. Les bras en fer forgé s’enroulaient avec élégance, coiffés de dentelle de cire froide. Les chandelles jetèrent leur lueur vacillante dans la pièce, imprimant des ombres clandestines sur les murs.

- Montre-moi, Neph’.

Adewyn attendait, possédée par la vision de la manarade ; laquelle savait ce qu’elle espérait dans cet instant d'incertitude. Ce n’était pas la première fois.

- T’l’appelles comment déjà ?
- Orant. C’pas moi qui l’ai appelé mais l’vieil iconodoule.
- Ca veut dire quoi ?

Nepharelle acheva de délacer le tissu mince de sa robe de nuit. Elle s’en dépouilla dans un froissement, s’exposant au scandale de l’indécence. Le flamboiement timoré des bougies soulignèrent aussitôt les sinuosités de son corps. Sur la peau cuivrée serpentaient les lignes et les formes de dessins composites. Les couleurs pulsaient sous l’oscillation des flammes.

Adewyn se glissa dans le dos de l’amante, cueillant de son regard captivé le dessin de la mageneta le long de la cambrure. Il y avait deux grands fauves se mesurant l’un à l’autre. Leur corps souples se confrontaient tandis que les mufles plissés de rage découvraient des crocs sanguinaires. L’encre noire miroitait comme un lac obscur sur le derme ambré.

- Alors, ça signifie quoi ? Tu m’as jamais dit, susurra Adewyn dans l’intimité de l’instant.

Elle se retenait de toucher, d’arpenter les lignes occultes au creux des reins.

- C’est c’qui s’complète et s’oppose à l’fois. Autrement dit l’dualité. Entre les hommes par exemple ou comme l’joie et l’peine, t'vois ?

La circonspection qu’elle sentit chez sa compagne avait été la sienne le jour où l’artisan iconodoule s’était adressé à elle. Il lui avait exposé le sens de la mageneta oubliée en des termes extirpés d’un manuscrit qu’elle n’était pas sûre de comprendre intégralement.

Les deux fauves, sans être identiques, se confrontaient symétriquement. Ils formaient un tout, indissociable, l’un puisant sa raison d’être dans l’autre. Pourtant ils s’opposaient avec l’acharnement, la férocité dictés par leur nature. Orant incarnait ainsi la dualité brutale, des êtres, des émotions, des éléments, suggérant la recherche d’un équilibre, une lutte.
L’individu isolé, amputé de sa dualité, est un être perdu, errant. Il ne constitue pas une unité mais le débris dépareillé d’un tout vibrant et fort qui est l’expression de la dualité créatrice, de l’union dans la dissemblance, de l’ardente alliance de deux libertés dans le couple. Celui qui n’est pas complet n’est pas libre.

Il lui rappelait Tile et Tone par certains aspects, largement plus répandus dans leur paysage culturel.

- Et l’crâne au-dessus ?

Une tête osseuse, noire comme la suie, fixait Adewyn du fond de ses deux larges cavités. La figure macabre se logeait entre les omoplates de la manarade, surplombant la scène. Elle faisait partie intégrante de la mageneta.

- Quand t’pries Orant, c’pour surmonter l’instant présent. Pour te donner l’force et l’volonté, t’vois ? L’crâne, c’notre mortalité. C’conditionne tout. C’qu’est pas mortel a pas besoin de lutter. C’t’a la fois l’fatalité de notre condition et son opposé, l’liberté. Celle d’rugir tant qu’t’es pas canné.


Tangaroah Taha Haumaru


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Ce jour là les frondaisons bruissaient. On aurait dit les commérages de la ville mués en chuchotements vrombissants. Les cimes ballotaient leurs têtes endiamantées des premières gouttes dans les courants froids. L’océan roulait une écume grise sous un ciel de cendre.

Alceo remballait ses parchemins, pinceaux et autres crayons de bois. Aujourd’hui il avait fait part de quelques-unes de ses techniques à la manarade. Cette dernière dessinait par loisir. Les croquis au fusain se conciliaient bien avec ses moments de solitude. Elle avait commencé toute jeune, au charbon de bois, sur des feuilles d’écorce. Cette prédisposition combinée à ses notions en anatomie lui avait permis de tatouer sa première fleur d’hibiscus sur l’avant-bras.

A l'époque, Asselyna s’intéressait de près à la botanique. L’hibiscus était sa fleur préférée. Si Nepharelle ignorait la signification d’une telle fleur, elle savait qu’elle lui rappelait sa sœur, les embruns de l’île, le bourdonnement verdoyant de la nature les jours d’orage. Cela faisait des années que l’hibiscus n’avait pas fané sur son bras. Asselyna quant-à elle était morte depuis près d’un an désormais. Un jour la fleur se sera épanouie plus longtemps que sa cadette décédée. En principe du moins.

- La prochaine fois je te ferai la lecture des feux de Nivôse par Ingeborg Offersen et Gerard Nansen.

Un accord tacite existait entre eux. Nepharelle dévoilait les recoins les plus saisissants de l’île à Alceo et en échange ce dernier lui inculquait son savoir-faire. En matière de dessin, mais pas seulement : leurs rencontres étaient également ponctuées de séances de lecture. Contre toute attente la manarade s’était avérée être une auditrice tout à fait captivée par les récits de l’Autre Monde. Par chance le Caroggian voyageait en compagnie de livres en mesure de « nourrir son ouverture d’esprit ». La jeune fille ne comprenait pas tout mais la litanie des mots était douce à son oreille et désaltérait sa curiosité. Elle-même ne s’était jamais intéressée personnellement aux livres. La tête en friche.

- C’quoi ça ? s’enquit-elle, de l’herbe à fumer coincée entre les lèvres.

Le mélange librement prélevé dans le cabinet du bod Geruoy avait été roulé dans une feuille de figuier. L’agitation frénétique de ses doigts couplée à l’utilisation d’un briquet rudimentaire finit par l’allumer. L’air froid et mouillé engourdissait ses phalanges en plus de complexifier l’apparition d’une étincelle. Aussi n’était-elle pas mécontente de son petit exploit. Elle s’octroya une bouffée dans un frisson d’aise.

- C’est un ouvrage retraçant la période de conflit entre les deux courants monachiste adaarion et phalangiste hura, avant le Concordat de Roskilde. (Alceo jeta négligemment le sac sur son épaule). Cette lutte a saigné nos royaumes.
- C’a l’air chiant t’papelard.
- C’est une part importante de l’Histoire du Continent. Les têtes bien faites se doivent de la connaître. A fortiori celles qui n’ont jamais quitté leur île.
- J’prétends pas tout savoir mais j’sais qu’tu m’ressasses qu’j’suis mal formée encore une fois et j’te r’travaille l’portrait, mais pas au fusain. (Nepharelle expulsa un nuage fuligineux d’entre ses narines). Puis j’ai déjà quitté Melihab. Ch’uis allée sur Nilé, Gahabini. Même l’ville de Sohdes. Et pl’thore d’îles ocolidiennes.

" Pléthore " était un des mots qu’elle avait retenu des recueils partagés par le Caroggian. Celui-ci ne s’était visiblement pas formalisé de la saillie de son interlocutrice. Il fit mine de s’étonner, ce qui encouragea la jeune fille à se justifier.

- L’aïeul d’côté maternel était pêcheur et tindolier. Il nous a appris à n’viguer. J’ai bourlingué avec mes sœurs.

Comme l’averse forcissait la manarade rabattit le capuchon de sa pèlerine. L’embout cylindrique continuait de pulser en embrasant les ombres de son visage baigné de volutes nébuleuses. La première braise consumait toujours les autres.

- Tu n’es jamais restée que sur l’archipel, souligna le Caroggian avec l’indulgence complaisante dont il gratifiait souvent la jeune fille.

Il s’était mis en route, rejoignant le sentier du retour. Sa guide s’attarda. Un parchemin mouillé gisait à ses pieds. Une ébauche oubliée. Elle y reconnut les bordures de la calanque, les couleurs délavées du ciel et la silhouette brouillée d’un navire. Des figuiers sauvages saluèrent le passage de la manarade comme elle se mit à longer la lisière du boqueteau vers la falaise. Lorsqu’elle surgit des taillis la pluie battit ses joues.

20 mètres en contrebas l’anse formée par la crique accueillait la forme d’une embarcation dont la coque oscillait au rythme du roulement des vagues. La vision était fidèle au dessin. Nepharelle était certaine que la caravelle ne mouillait pas dans la baie à leur arrivée. Mais d’une façon ou d’une autre, elle avait été suffisamment négligente pour ne pas la remarquer ensuite. Elle pensait connaître le prix de cette négligence.

Nepharelle pinça le rouleau de tabac entre ses doigts mouillés. En le portant à sa bouche elle attisa les braises moribondes. Dans son dos, une voix vigoureuse, éraillée par le sel de la mer entonna une comptine :

« C’était d’Ocolide l’canaille l’plus cupide,
Un écumeur hâbleur fredonnant c’t’air marin :
Larguez l’z’amarres à nous l’océan apatride !
Hissez l’grand’voile et nous partirons clandestins
Envoyer les plus gros pavillons par le fond !
C’était d’Ocolide le lascar l’plus sournois,
L’main d’fer, l’œil d’verre, l’gosier abreuvé d’boisson,
Il beuglait c’chanson à plein poumon l’air narquois :
J’veux d’l’eau sous les pieds, d’feu dans les veines, pardi !
L’voyage sera long, l’aventure nous attend !
C’était d’Ocolide l’canaille l’plus hardie,
Les marins l’ont vu boire et chanter rugissant :
J’SUIS L’CANAILLE D’OCOLIDE ! »

La jeune manarade considérait les replis mouvants de la mer. Elle brassait, impétueuse, ses eaux agitées sans considérations pour les chevaux de bois foulant son sol indocile.

La comptine résonnait encore dans l’esprit vigilant de la cabocharde. Le refrain lui évoquait l’orbe blanc des voiles gonflées par le vent lorsque ses sœurs et elle tenaient la barre. A l’époque le grand-père accompagnait leurs sorties en mer sur sa frêle felouque. Puis la vieillesse l’y avait fait renoncer et depuis, ses petites-filles utilisaient l’embarcation comme moyen de transport et de loisir (comme la fois où ses aînées et elle-même s’étaient clandestinement rendues aux festivités du Naufrage de Jable, la ville défendue).

C’était lui qui leur avait appris les couplets. Toutefois ces derniers ne possédaient pas les mêmes échos que dans ses souvenirs. C’était comme fumer du mauvais tabac : on retrouve le geste, l’odeur, la couleur et la consistance mais pas le goût et dès lors seule la frustration demeure. Cette chanson là avait un goût amer. Pas comme sa roulée, sur laquelle elle tira dans un crépitement d’étincelles pour faire passer l’impression.

- R’garde-mô’ lô, somma l’écumeur.

Nepharelle se tourna vers l’individu. Bien bâti, de taille respectable, il devait atteindre la trentaine. Ou davantage. Ses traits avaient été brûlés par le soleil. Une barbe noire mangeait son visage buriné et un bandeau bleu barrait son front, retenant la masse négligée de sa tignasse en arrière. Des dessins à l’encre noire ceignaient ses bras. Comme il approcha de la manarade cette dernière croisa son regard d’eau saumâtre, surplombé de sourcils sévères.

L’homme leva la main, suscitant un frémissement chez Neph’. Il tira le capuchon de la pèlerine en arrière puis ravit la garot suspendue à ses lèvres. Il en soutira la dernière bouffée avant de la jeter dans les fougères.

- T’boucanes main’tnant ? Ca t’fait combien ?

Il entreprit de saisir le menton de Neph’ pour mieux l’inspecter. Celle-ci porta aussitôt la main à sa hanche, cherchant le contact de sa dague. Elle se savait véloce mais la crapule le fut davantage : elle sentit son poignet se tordre et la lame glisser de ses doigts. La contrariété brûla en elle.

- M’vait dit qu’t’étais fougueuse, grogna l’homme.

La colère faisait palpiter une veine à son cou de taureau. Il ramassa le poignard sous le regard fauve de la désarmée. A la façon dont il examina la lame appartenant au grand-père de Neph’, avec un trouble mêlé de réminiscence, la jeune fille fronça les sourcils. Frappée d’une étrange conviction.

- T’vô m’écouter jacter maint’nant, bougonna l’ocolidien en glissant soigneusement son butin sous le harnais de cuir qu’il portait en bandoulière.
- Tu m’veux quoi Khandro ?

Le dénommé la considéra avec surprise, sans rien démentir dans la façon dont elle l’avait appelé. Il s’agissait bel et bien de son frère aîné qui avait quitté le foyer 15 ans plus tôt. Elle ne le reconnaissait pas mais elle se souvenait de lui. Par bribes éparses, trop confuses pour lui inspirer la moindre tendresse.

- T’reconnais m’caboche ?
- Jacte tant qu’j’t’écoute.
- T’vas esgourder mais pas aimer.

Khandro lui expliqua qu’il n’était pas là par hasard. Un homme en ville, un certain Harselm Geruoy, avait loué les services de stipendiés pour se débarrasser de l’indigente qui gâtait le cœur de sa fille : une certaine Nepharelle Alyon. L’apothicaire s’était justifié. La figure protectrice de Mone lui avait conseillé d’agir ainsi. Durant des années il s’était efforcé d’éduquer la petite cabocharde, mais cette dernière s’était avérée hermétique à ses enseignements : elle était indisciplinée et turbulente, contrevenait à ses règles, transgressait les préceptes du métier, favorisait l’oisiveté à l’étude et par-dessus tout ne manifestait aucun signe de gratitude. Comment pouvait-il continuer à tolérer un tel exemple sous son toit auprès de sa progéniture ? Il fallait donc écarter Nepharelle, ou mieux : la faire disparaître de façon à ce qu’Adewyn, sa fille, n’en sache jamais rien. D’autant plus que son fils unique était déjà dans les filets d’une autre des sœurs Alyon, Iseimeine, une drôle de donzelle elle aussi. Non, décidément, il n’y avait pas d’autres issues que celle-là.

En reconnaissant le nom de ses sœurs Khandro s’était porté volontaire avec ses hommes. Mieux valait lui qu’un autre.

- L’ô fait s’voir qu’si tu traînais encore dans l’pattes d’sa p’tite donze, il l’f’rait l’même misère à t’sœur Iseim’ne, p’raît-il liée à s’fils comme n’moule sur son récif.

La jeune pousse manarade avait, dans son regard, l’impétuosité et le tumulte de la mer qu’ils entendaient s’écraser au pied de l’escarpement rocheux. Elle voulut contourner la carrure de son frère mais celui-ci la saisit rudement par les épaules, faisant éclater la révolte de la petite téméraire :

- Tu t’penses brave comme un lion d’mer mais t’as l’couilles d’un couard ! Rugit Nepharelle, poings fermés. Tu nous abandonnes puis tu r’viens comme un prince ? On n’a pas besoin d’toi alors remballe t’voilures sous tes jupons d’écumeur !

Elle sentit la prise se raffermir péniblement autour de ses épaules.

- Mmrrh. ‘écoute l’cabochonne. J’vais êtr’ r’sonnable. T’vas embarquer ‘vec mô. L’chef sera pas contr’ qu’tu r’joignes l’équipage s’tu fais bonne figure. T’pas obligée d’finir cannée alors beugle pas comme çô. J’fais que remplir l’contrat.

Pour toute réponse Khandro reçut un fulgurant crochet du droit en pleine mâchoire. Quelque chose craqua. Le marin tituba une seconde tandis que Népharelle étouffait un geignement de douleur, une phalange brisée sous la vigueur l’impact. Comme l’homme fit mine d’initier une offensive la petite forcenée se jeta de toutes ses forces contre lui, le fauchant au niveau de la taille.

- YARRR- !

Khandro n’aurait jamais basculé d’ordinaire. Son pied heurta une racine et, se sentant tomber en arrière, saisit à pleine mains le col de son assaillante. Des pierres calcaires s’effritèrent sous leurs pieds puis se dérobèrent dans un éboulement de gravats.

- BORDEL DE QUEUE NEPH’ !

Un gouffre vertigineux s’ouvrit sous eux. Leur corps lourds se précipitèrent dans le vide, attirés par le bouillonnement de l’écume en contrebas. Le vent hurlait et les embruns fouettaient leur visage. Khandro hurla quelque chose mais ses mots furent emportés.

Du navire, on aperçut les silhouettes s’écraser au pied de la falaise. Seule l’une d’elles évita les récifs et troua la surface de l’eau.

L’équipage repêcha le survivant. La survivante, miraculée. Telle fut interprétée la volonté de Tile et Tone, la mageneta à deux têtes. Par égard à ses mystérieux desseins, Nepharelle ne fut pas exécutée mais revendue à des franc-marins qui la remirent à leur tour à des esclavagistes de Fort-Lointain.

Entre temps, on l’avait surnommée Tangaroah Taha Haumaru, littéralement : « celle qui voulait se battre avec les flots ».

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Hors RolePlay :

Crédits.

Illustrations modifiées de Nepharelle issues de la galerie de Pheberoni sur Deviantart.