Utilisateur:Brascion : Différence entre versions
(absent) |
|||
Ligne 16 : | Ligne 16 : | ||
|Pseudo= | |Pseudo= | ||
|Nom_IRL= Vassili | |Nom_IRL= Vassili | ||
+ | |Personnage_Absent= Oui | ||
|Age_IRL= 14 ans}} | |Age_IRL= 14 ans}} | ||
Version du 24 août 2013 à 08:21
Vous consultez la fiche d'un personnage absent d'Esperia.
Sommaire
Description physique
Brascion est une jeune homme d'une vingtaine d'année, d'apparence frêle et de taille moyenne. De faible corpulence à la base, il s'est considérablement émacié lors de sa captivité, et son visage s'est creusé du fait des privations. Il ne se défait jamais de sa longue veste rouge, qui a elle aussi souffert du voyage, et de ses lunettes d'ingénieur aux verres escamotables, troquées il y a quelques années avec un clan des entrepôts d'Indubal. Ses traits sont fins, et il est difficilement discernable, tant ses yeux semblent déformés par les verres grossissants de ses lunettes, que ceux-ci sont d'un vert profond. Il possède en outre un petit menton pointu. Le seul charme de Brascion réside dans sa façon de se tenir et de s'exprimer, à la fois souple et mesurée, tout en gestes contenus et en propos pesés.
Description psychologique
Brascion, malgré sa sociabilité et son apparente sympathie envers tout le monde, a toujours été un être ambitieux, calculateur, un opportuniste et un manipulateur. Il se fait toujours un devoir de paraître sûr de lui, afin de gagner rapidement la confiance des autres, et de sceller au plus profond de lui même ses doutes et ses appréhensions. La seule personne qui fut, jusqu'ici, capable de voir à travers cette personnalité de façade et de l'apprécier ainsi était Matillia, la fillette des entrepôts, celle qu'il considérait comme sa sœur et qui fut tuée sous ses yeux avant sa capture. Elle était la seule personne capable de susciter son affection, son amour, et de le tirer vers l'humanité. Depuis sa mort, il n'a pas proféré un seul mot, et c'est dans un état mental désastreux qu'il s’apprête à faire son arrivée en temps qu'esclave à Esperia.
Compétences
Alphabétisation et calcul: Son éducation, financée par son père, lui a permis d'avoir un très bon niveau d'écriture et des bases solides en calcul mathématique.
Minutie: Lors de sa vie dans les entrepôts, Brascion se chargeait de préparer les vols de ses camarades de clan et les négociations avec les autres clans de la ville. Il est donc apte à peaufiner un plan dans ses moindres détails.
Créativité: Afin de prévoir toute éventualité lors du déroulement d'un vol, il est toujours utile d'avoir un plan de rechange ou une issue de secours originale. Cette problématique récurrente a contribué à développer la créativité de Brascion lors de sa vie dans les entrepôts.
Dessin: Lors de ses temps libres, Brascion aime illustrer ses projets avec de beaux dessins. Si son trait n'est pas digne d'un artiste ou d'un architecte, il est suffisant pour illustrer des plans de manière précise.
Talents
Excellent orateur, Brascion sait faire de ses propos des armes de persuasion, et rallier des personnes à sa cause. Son éducation lui a aussi enseigné comment se tenir de façon convenable, même selon les normes en vigueur dans la haute société. Durant sa vie dans les entrepôts d'Indubal, il a en outre appris à nager correctement dans les eaux du port.
Défauts
L'alcoolémie de sa mère n'étant pas héréditaire, et n'y ayant pas été accoutumé durant les années passées à l'internat, Brascion a une fâcheuse tendance à ne pas supporter l'alcool, de quelque forme qu'il soit. Il possède des notions de bien et de mal assez abstraites, vestiges du contraste entre sa vie de voleur et son éducation de noble, et reste une personne ambitieuse, calculatrice et manipulatrice.
Intérêts culturels et goûts
Histoire
Enfance
Mon père? Je ne l'ai jamais connu. J'étais son bâtard, voyez-vous, le triste résultat d'une aventure d'un soir lors de l'un de ses nombreux voyages. C'était un noble, un marchand prospère de la haute société, un type qui se souciait trop de sa notoriété pour se reconnaître ouvertement un fils illégitime. Je n'ai jamais cherché à le rencontrer, et de toute manière je ne vois pas comment j'aurais pu m'y prendre. Lorsque ma mère m'en parlait, les rares fois où elle acceptait de le faire et ne maudissait pas son nom à sa simple évocation, elle le disait beau, svelte, athlétique... je n'en crois pas un mot. C'est triste à dire, mais l'éclat de la richesse a toujours rendu les gens plus attrayant, et ma mère y était très sensible. C'est sans doute ce qui l'a perdue, cette pauvre femme; comme un papillon se brûle à la flamme d'une bougie, elle est morte de la main de celui dont elle croyait qu'il allait faire son bonheur. Un autre bourge de la ville, qu'elle avait choisi pour combler ses nuits blanches et le vide de son porte-monnaie. Sauf que lui, à l'inverse de mon père, n'a pas pris le risque de laisser naître un bâtard de son sang dans les bas-quartiers: une réputation, ça s'entretient, et ça se préserve. Je ne lui en veut pas vraiment. A sa place, j'aurais sans doute fait la même chose. Un soir, alors que j'avais huit ans, Maman a quitté la maison, comme tout les jours, et au matin elle n’était pas revenue. On l'a retrouvée le lendemain, égorgée dans une ruelle entre deux entrepôts, et l'affaire a très vite été oubliée: une prostituée qui meurt en laissant un gosse derrière elle, c'est pas banal, mais ça arrive.
À ce stade, si vous croyez que j'ai été pris en charge par mon père, c'est que vous n'avez rien suivi. La mort de ma mère a été un tournant important de ma vie, et ce, pour deux raisons: j'ai été envoyé au pensionnat du quartier, un vieux bâtiment datant de l'époque où Indubal n'était guère plus qu'un avant-poste impérial battu par les vents marins, et j'ai découvert que ma mère, qui depuis des années me traitait comme un chien en me dispensant de toute éducation, recevait chaque mois de la part de mon père des sommes importantes pour, je cite, « M'habiller et me nourrir correctement ». Pour soulager sa conscience ou en réponse à une demande de ma mère, je n'ai jamais su quelle était la véritable raison qui le poussait à agir ainsi, mais j'en ai conclu qu'il achetait de cette manière le silence de ma mère quant à mon existence. Chaque somme était accompagnée d'une courte lettre à laquelle elle ne répondait apparemment pas, puisqu'il a continué par la suite à les envoyer à l'adresse du pensionnat. D'ailleurs, je ne suis pas sûr qu'elle savait lire, et encore moins écrire...
Le pensionnat
N'allez pas croire, je vous prie, que la mort brutale de ma mère ne m'a pas affecté. En réalité, à huit ans, le choc que m'a causé sa disparition m'a ébranlé, et si la découverte des sommes considérables qu'elle me cachait depuis si longtemps entachait ma tristesse d'une pointe d'amertume, le contraste entre la vie au pensionnat et celle à laquelle j'avais droit auprès de ma mère me sautait désormais aux yeux. Certes, elle était inattentive, généralement absente et se souciait par ailleurs assez peu de moi, mais elle faisait preuve à certains moments, et notamment lorsque je la débarrassais de quelque tâche à effectuer à la maison, d'une certaine humanité. Humanité, qui était difficilement discernable chez les responsables du pensionnat aux masques rigides de fonctionnaires (ou de militaires, je n'ai jamais su trancher). Même les pensionnaires faisaient preuve à mon égard d'une terrible froideur, voire d'une certaine agressivité. Nous étions pourtant du même milieu, entre fils et filles de mendiants, enfants de la rue mis au banc de la société... mais, maintenant que les sommes envoyées par mon père ne servaient plus à rembourser les dettes de ma défunte mère, et comme elles suffisaient largement à m'habiller et à me nourrir, il fallait leur trouver un usage. C'est d'une décision avisée du directeur de mon pensionnat que je dût alors l'éducation que l'on me prodigua, durant les longues années que je passai là-bas. Six jours par semaine, tôt le matin, un professeur particulier venait au pensionnat, et, dans l'ambiance sombre d'une des salles désaffectées du bâtiment, il m'apprenait les lettres, les chiffres, l'histoire et la vie en société. Certes, l'enseignement que je tirai de ces leçons m'était bénéfique, et me l'est encore aujourd'hui (bien que j'en aie oublié beaucoup), mais le double statut que me valait ce privilège ne faisait qu'empirer ma vie au pensionnat. D'orphelin et fils de prostituée, je devenais le fils du riche marchand de Caroggia, celui qui, au lieu d'effectuer ses corvées le matin, prenait des cours dans la salle de l'aile Est. Et, pour cela, les autres enfants me détestaient. Ma vie de tout les jours devenait un véritable enfer: je retrouvai mes vêtements déchirés, ou la serrure de mon coffre cassée, tous me méprisaient et me jouaient des tours. De faible carrure, je n'osais pas leur résister, et il m’arrivais parfois de me faire rouer de coups dans un couloir, ou ouvertement insulter lors des repas. Seuls quelques réprimés comme moi me tenaient lieu d'amis, et c'est avec eux, plus tard, que j'organisai mon évasion.
Les entrepôts
Sept années après la mort de ma mère, les sommes versées par mon père s’arrêtèrent subitement d'arriver. Alors dans ma quinzième année, et en aucun cas désireux de connaître mon riche paternel, je n'appris jamais pour quelle raison il cessa de les envoyer. Peut-être avait-il appris la décès de ma mère, ou bien était-il tombé en disgrâce, criblé de dettes ou mort. En tout cas, l'argent pour payer mon vieux professeur vint à manquer, et mes leçons s’arrêtèrent du jour au lendemain, me renvoyant au même niveau que mes camarades d'infortune, qui eux ne cessaient de me mépriser. Ce fut alors l’événement déclencheur, l'étincelle grâce à laquelle je me rendis compte à quel point ma situation était peu enviable. En peu de temps, une certitude s'empara de moi: mieux valait être à la rue, anonyme, qu'ici et considéré en paria. Je fomentais alors, avec l'aide de mes deux amis, un plan d'évasion. Une nuit de non-lune, alors qu'une chape de brume s'abattait sur la ville, nous nous glissâmes hors de nos lits, et, emportant avec nous nos quelques possessions et le peu d'argent auquel nous avions droit, nous quittâmes la vieille bâtisse où nous avions passé tant d'années. L'air glacé de la nuit emplissait nos poumons, et je me sentais libre, enfin.
Notre incroyable plan consistait en tout et pour tout à nous rendre aux quais de la ville, à nous fournir une embarcation et à nous rendre à la Capitale où, nous l’espérions, nous réussirions à trouver un travail facilement. C'est un peu avant les quais, au niveau des entrepôts, que nous avons jugé bon de remettre le départ au matin: seuls, de nuit et sans aucune compétences en navigation, il était peu probable que nous arrivions à guider notre embarcation à bon port. De jour aussi, sans doute, mais nous étions jeunes et pleins d'enthousiasme, nous ne pouvions que réussir...
C'est ainsi que, en cherchant un lieu ou nous abriter pour la nuit, nous sommes tombés sur Matillia. La fillette se tenait au centre d'un entrepôt vide, où nous venions de pénétrer, nous tournant le dos. Deux jeunes hommes, d'à peu près notre âge, lui faisaient face en brandissant des couteaux élimés, visiblement agressifs. Elle se tourna brièvement vers nous, et repris la conversation que nous avions sans doute interrompue.
-Calmez-vous, maintenant. Mes potes savent où je suis, et si ces trois là ne reviennent pas non plus, ils viendront se venger.
Le plus petit des deux fulmina:
-Tu avais promis que tu les aurais aujourd'hui, sale truie! Si on ne les apporte pas à Artielle dès demain, elle va nous trouer la peau, et ça ne se produira sûrement pas avant que j'aie troué la tienne!
La jeune fille restait de marbre face à la nervosité de ces interlocuteurs. Elle ne devait pas avoir plus de onze ans, mais elle paraissait pourtant dominer la situation, sa voix à peine tremblante couvrant les protestations des deux adolescents.
-Il serait temps que vous appreniez à voler ce dont vous avez besoin vous-même. En attendant, il faut que je rejoigne les autres.
Elle se tourna vers nous, qui n'osions pas bouger, et s'adressa à nous comme si nous nous connaissions de longue date:
-Ne les tuez pas, s'il vous plaît. Ils s’apprêtent à partir.
Elle nous lança un regard suppliant, et nul ne songea à démentir ses propos. Nous étions ses alliés, et probablement ceux qui venaient par hasard de lui sauver la mise.
Les deux jeunes hommes se dirigèrent vers la porte de l'entrepôt, nous jaugeant au passage du regard, puis sortirent dans la nuit glacée.
La fillette s'écroula alors au sol, secouée de sanglots douloureux. Par un réflexe que je ne pensais pas avoir, je me dirigeais vers elle et la prenais dans mes bras. Elle était terrorisée, son corps faible et gracile reposant dans mes bras, ses longs cheveux roux tombant en cascade sur mes épaules. Ses larmes brûlantes coulaient dans ma nuque, tandis que je lui chuchotais que tout irait bien, qu'elle n'avait plus rien à craindre.
Le clan
Comme je le crût tout d'abord, Matillia n'était pas une simple fillette à la rue, mais faisait bel et bien partie d'un groupe de voleurs des entrepôts, comme il en existe dans les grandes villes. Ce « clan », comme elle aimait à l’appeler, était composé d'une quinzaine de personnes, dont l'âge variait entre dix et vingt ans, et qui survivaient en chapardant des vivres et des objets dans les cargaisons du port, les troquant par la suite à d'autre clans ou les vendant dans la ville à des prix bradés. Peu organisés, ils tenaient leurs quartiers dans une masure abandonnée du port, qu'ils avaient investie et vaguement aménagée. Très vite, je décidais de rester avec eux: un esprit de franche camaraderie, de solidarité telle que je n'en avais jamais connue unissait tout ces jeunes miséreux, et m'attirait irrésistiblement. Mes deux camarades de pensionnats, eux, choisirent de s'en tenir au plan que nous avions élaboré ensemble, et nous nous quittâmes au matin. Aujourd'hui, je ne saurais citer leurs noms, et j'ignore ce qu'il advint d'eux.
Ma vie au clan des entrepôts commença, comme je m'y attendais, par un serment creux que je prononçais néanmoins avec ferveur, et par un rituel d'initiation. Tous n'étaient pas favorable à ma venue: ma force physique laissait à désirer, et ma discrétion était déplorable, et si ma capacité à compter et à écrire pouvait s'avérer, de mon avis, utile, beaucoup parmi le groupe auraient préféré me voir partir avec mes deux compagnons. Matillia prenait toujours ma défense vis-à-vis des autres, me trouvant toujours une utilité au sein du groupe, me chaperonnant comme si c'était elle l’aînée. Au bout de quelques semaines, je me liais d'une profonde amitié avec la fillette, et j'étais parfaitement intégré: je me chargeais de fixer les prix des objets que nous volions, de négocier le troc avec les autres clans (tâche dont s'acquittait Matillia avant qu'elle ne se fasse menacer, le soir de mon arrivée) et d’échafauder les plans des vols afin que les autres membres du groupe ne soient pas inquiétés par les gardiens des entrepôts. J'étais le cerveau du groupe, pas vraiment le chef, mais celui qu'on consultait en premier avant de prendre une décision. J'avais, me semblait-il, trouvé ma place, et ce pour un bon moment.
La chute
J’époussette rapidement la manche de ma longue veste rouge, et réajuste les verres escamotables de mes lunettes d’ingénieur. A défaut de posséder un peigne, je tire mes cheveux en arrière d'un geste approximatif. Impossible de le vérifier – nous ne possédons aucun miroir -, mais je pense que je suis présentable: de toute manière, ceux que je vais rencontrer aujourd'hui ne le seront guère plus. Si j'en avais eu le loisir, j'aurais sûrement délégué la tâche à quelqu'un d'autre, mais le clan d'Artielle nous a toujours causé des ennuis, et je ne souhaite pas gâcher une si belle occasion de parvenir à un accord en envoyant quelqu'un de moins expérimenté que moi. J'enfile mes bottes de cuir rigide et je me tourne vers Matillia, qui du haut de ses seize ans m'observe d'un œil critique.
-Tu fais encore plus guindé qu'un réel diplomate... tu es sûr que tu ne veux pas enlever ces lunettes?
Je souris en coin, amusé.
-Ces « lunettes », mademoiselle la prétentieuse, sont une merveille d'ingénierie qui m'a coûté un bras en centre-ville. Quant à mon air guindé, il ne me sera que favorable pour converser avec ces forbans!
Elle éclate de rire, comme chaque fois que je parle de la sorte, mais je peux sentir sa tension. Un tic nerveux agite sa paupière gauche, et ses épaules sont crispées. Je me défait de mon sourire et je tente, sans succès, d'avoir l'air grave.
-Tu n'es pas obligée de m'accompagner, tu sais. Je pourrai bien me débrouiller tout seul...
Elle coupe court à mes arguments d'un large geste de la main, agacée.
-Et qui s'occuperait de couvrir tes arrières, génie? Tu n'es même pas fichu de manier une dague! Je n'ai plus peur de ces abrutis, je te défends de le croire.
Elle ment, je le sait, mais je n'ose pas lui interdire. De toute manière, elle a raison, je ne peux pas y aller seul. Je soupire.
-Bien, je crois qu'il est temps d'y aller, alors. Déjà que nous ne sommes pas dans les meilleures disposition à leur égard, autant ne pas arriver en retard.
Le soleil semble se fondre dans la mer lorsque nous arrivons à l'entrepôt indiqué. La porte est grande ouverte, comme prévu, mais nous effectuons tout de même un tour de reconnaissance autour du bâtiment. Aucun signe de présence humaine, et aucune issue pour observer à l’intérieur. Ces salauds ont bien choisi leur endroit. A mes cotés, Matillia semble de plus en plus nerveuse: ses doigts sont crispés autour de son poignard, à en faire blanchir ses phalanges. J’espère de tout cœur qu'elle saura garder son calme, et plus encore que les deux jeunes hommes qui l'avait menacée, il y a quelques années, ne seront pas présents. Celle que je considère comme ma sœur est une fille impulsive, imprévisible: qui sait ce qu'elle pourrait leur faire, maintenant qu'elle sait se servir d'une lame?
Nous poussons la porte.
L’intérieur est sombre, si bien qu'un instant je crois qu'il n'y a personne. Puis je les vois. A travers le filtre rouge de ma lunette, trois silhouettes imposantes, sûrement pas des membres du clan d'Artielle. Trois gardes, postés en embuscade, qui se dirigent vers nous sans que Matillia puisse les voir. Je n'ai pas le temps d'ouvrir la bouche: déjà une lame la transperce de part en part. La jeune fille pleine de vie, qui un instant plus tôt se rongeait les sangs à mes cotés, retombe brutalement, comme une marionnette dont on a coupé les fils. Je tombe en arrière, la lame qui me visait sifflant à mon oreille, je hurle, je ne sens plus rien. Je la vois, tomber, retomber sans cesse, ce n'est pas vrai, ça ne peux pas être vrai!
Le nom du monde est souffrance.
Un garde s'approche d'elle, la retourne du pied. Je vois l'affreuse entaille, la plaie monstrueuse par laquelle s'écoule sa vie en un flot gargouillant. Je vois ses yeux vides.
Celle qui était mon amie, ma sœur, n'est plus qu'un corps meurtri sur le pavé, ses longs cheveux roux formant comme une auréole autour de sa tête. Je tremble, et tandis que la lame du second garde s'appuie contre ma gorge je ne pense déjà plus.
Le nom du monde est souffrance.
Les gardes se figent, évaluent la scène.
-Bordel, ce sont des gosses!
-Celle là oui. Du moins, c'était. L'autre a bien la vingtaine.
-Elle est morte?
-Oui. Ce n'est pas du tout ce qui était prévu...
-Et le gars?
-Non, je crois qu'il s'est assommé en tombant. Bon sang, quand je pense que j'étais à deux doigts de le zigouiller lui aussi! Qu'est ce qui s'est passé?
-On a agit trop vite. On aurait dû attendre, on aurait bien vu que...
Un silence horrifié s'installe entre les trois fonctionnaires.
-Attendez... La gamine avait un couteau, et il faisaient sûrement partie de ces groupes de pouilleux qui vivent dans les entrepôts. On pourrait faire croire qu'ils nous ont attaqués, et qu'on a dû tuer la fillette.
-On peut pas faire ça!
-Tu vois une autre alternative? On a fait une grosse erreur, les gars, mais si on se mets d'accord sur les circonstances dès maintenant, on peut s'en sortir. Ce sera sa parole contre la notre.
-Il faudrait pas l'achever, tant qu'à faire?
-Non, non, pas la peine. Je pense que si on s'arrange bien, on ne le reverra pas de sitôt...