Utilisateur:Ganelon

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Thème du personnage: https://www.youtube.com/watch?v=dqqbufhse3w
Work In Progress


Ganelon Rosenthal.


Vous consultez la fiche d'un personnage décédé.

     Ganelon Rosenthal.
Informations RP
Genre
Homme
Année de naissance
Rang


Famille


Quartier




Métier
Métier
Compléments








Origines
Ville d'origine
Région d'origine
Nation d'origine
Informations HRP
Login Minecraft
Falcown_Pawnch
Prénom IRL
François.





Ganelon.jpg


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  • Nom: Rosenthal.
  • Surnom: Aucun connu.
  • Prénom: Ganelon.
  • Occupation/Métier: Autrefois moine combattant dans l’abbaye d’Hohenwald.
  • Croyances/Religion: Originaire de la grande Huratelon, et plus précisément d’Hohenwald dans le Gyllendal, Ganelon est le dernier fils d’une modeste famille dévouée corps et âme au culte phalangiste, de ce fait lui-même est devenu très pieu envers Arbitrio. C’est à dix-sept ans que Ganelon a commencé son apprentissage dans l’abbaye locale d’Hohenwald. Particulièrement dévoué et travailleur, il a peu à peu prouvé sa valeur pour acquérir sa place de moine.
  • Âge: Trente-huit années.
  • Lieu de naissance: Dans une modeste ferme à Hohenwald.
  • Nation d’origine: Grande Huratelon.
  • Père: Gauderic Rosenthal, agriculteur réputé pour la qualité de ses laitues. Décédé.
  • Mère: Edwige Rosenthal, femme au foyer. Décédée.
  • Frères et soeurs: Une soeur, mort-née.
  • Taille: Dans les alentours du mètre 90.
  • Poids: 90kg.
  • Carrure: Trapu, robuste.
  • Yeux: Jadis gris argent.
  • Signes distinctifs:
•Aveugle.
•Dégage généralement une odeur déplaisante de sueur et de tabac.
•Favorise parfois le grognement à la parole et mâche souvent ses mots.
•Un peu plus de la moitié de son oreille gauche semble avoir été arraché.
•Possède une barbe de belle taille à laquelle il n’a jamais apporté grand soin.
•Touffe de cheveux impossible à arranger.
•Nez légèrement tordu, probablement suite à une coup.


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Portrait.


Physique.

Mis à part son épaisse chevelure d'un noir de jais qui le caractérise si bien et dont les mèches n'ont de cesse de retomber sur son visage, Ganelon n’a franchement pas grand chose pour lui. Avec sa barbe mal rasée, ses longs cheveux foncés, son nez busqué enfermé dans son visage pointu et ovale et son air constamment renfrogné, il n’est pas de ceux qui parviennent à séduire les femmes aisément. D’ailleurs, au premier abord, ce fils de paysan parviendrait presque à effrayer quidam avec son irritante et désagréable manière de dévisager les gens et, souvent, dans cet exercice il plisse les yeux et fronce les sourcils, comme s’il semblait dubitatif, ce qui n’arrange en rien la situation. Travaillant dans les champs dans son enfance puis contraint de suivre une difficile et éreintante formation au combat dans l’abbaye d’Hohenwald, le moine s’est forgé une certaine musculature et, du haut de son mètre nonante, on peut dire qu’il est assez imposant. Toutefois s’entraîner jour après jour à manier correctement sa lame ne lui a pas apporté que sa stature actuelle. Visage parsemé ça et là de cicatrices en tout genre, cors sur les mains, douleurs aux dos et autres cadeaux d’une vie de besogne le suivent comme quelque fardeau. Fardeau qui, au fil du temps, l’a rendu rustre et dur. Il est bon également de préciser que Ganelon se plaît, parfois, à “tirer” un peu sur la bouteille, ce dont peuvent témoigner les légères taches carmins qui ornent ses joues et qu’il s’évertue à cacher en laissant pendre les longues mèches de sa chevelure où, déjà, des taches grises naissent. Dépendant au tabac, il n’est pas rare de voir Ganelon pipe en bouche, mâchonnant inlassablement l’embout en maintenant fermement la tête entre son pouce et index. De ce fait il arbore une dentition jaunâtre, parle d’une voix grasse, est souvent victime de longues toux ignobles qui se terminent généralement par l’expulsion d’un crachat à la couleur et l’aspect plus que douteux. Ayant développé une forte addiction au produit, le moine est sujet à des tremblements incontrôlables quand il ressent l’irrésistible besoin de fumer, aussi il comble parfois son manque par le biais de quelque brindille ou herbe ou tout autre chose qui, à ses yeux, s’apparente d’une certaine façon à une pipe. Ganelon, suite à une tragique faute, s'est fait ôter les yeux ce qui le rend dépendant des autres, à ses dépends. Généralement, il couvre ses orbites creuses par quelque bandeau cependant il lui arrive aussi de les dévoiler, selon ses envies et son humeur. Pour palier à sa cécité et au gênant handicap qu'elle provoque dans son quotidien, il s'aide souvent d'une canne pour faciliter ses déplacements et éviter de chuter ou de percuter quelque obstacle.


Psychologique.

Ganelon2.jpg

Dévoué complètement à Arbitrio, Ganelon essaye toujours de se comporter honorablement et de façon à faire la fierté de ses frères et ses supérieurs. Aussi il n’ira jamais à l’encontre de son enseignement et des valeurs qu’on s’est forcé de lui inculquer et ce en toutes situations. Même s’il paraît solitaire et renfermé sur lui-même, le moine est pourtant parfaitement capable de s’intégrer en société car, derrière ses grognements perturbants, il n’en est pas moins quelqu’un qui sait se comporter, quand la situation l’y contraint tout du moins. En effet, Ganelon n’a jamais été un grand bavard, cela s’est remarqué très tôt, mais quand il parle ce n’est jamais pour débiter une quelconque idiotie car, pour lui, quand on ne sait pas, on se tait. Il est ferme, sévère et exigeant cependant il l’est autant avec lui-même qu’avec les autres. Malgré cela, si quidam parvient à gagner son respect de quelque façon et se lie d’amitié avec lui, il restera loyal envers ce dernier et saura le soutenir corps et âme. La discipline est, pour lui, un principe fondamental. Il y accorde une très grande importance et, en conséquence, a développé une forme assez aigüe de minutie, presque maladive d’ailleurs. Le moine aime que tout soit à sa place et que tout soit réglé comme du papier à musique. Se confortant dans son honneur, Ganelon essayera, autant que faire se peut, de ne jamais avoir recours à la violence lors d’une altercation, même si les moines de la modeste abbaye d’Hohenwald l’ont initié humblement à l’art du combat. Donc si vous décider de vous opposer à lui, vous écoperez de son plus sombre et froid regard mais ne vous y méprenez pas! Le paisible moine peut s’avérer être un redoutable adversaire si besoin est. Ganelon est également un homme qui, tout jeune, semble avoir été sensibilisé à la beauté des choses et, dans son cas, plus particulièrement de la nature. Etant fils d’agriculteur, ce grand gaillard a la majeur partie de sa vie au grand air, a appris à aimer la terre et, maintenant, saurait difficilement se passer de cette dernière. Il n’est pas de ceux qui se sentent en sécurité au milieu d’un amas de bâtisses dissimulé derrière de grands murs. Non, lui est mal à l’aise et se sent oppressé dans pareil endroit. Il n’aime guère la ville, c’est comme ça, c’est dans sa nature. Mis à part s’émerveiller de la création d’Arbitrio, Ganelon a également appris à apprécier l’art sous toute ses formes, que ce soit la littérature, la peinture ou encore la musique. Concernant l’ordre Phalangiste auquel il est entièrement dévoué, le religieux est de courant éxécutionniste et porte un immense respect au concordat de Roskilde et agit en fonction de ce dernier, ainsi il ne peut tolérer que quidam ne fasse pas pareil. C’est un homme très pieu qui voue un profond respect à Arbitrio, c’est dans ses prières qu’il puise la force et le courage de continuer à avancer chaque jour. Se confortant dans sa solitude, il arrive à Ganelon de s’isoler pour se perdre dans la contemplation du lointain. Lors de ses instants privilégiés avec lui-même, le trentenaire fume plus que normalement et réfléchit énormément, s’attardant sur chaque sujet qui l’inspire d’une façon ou d’une autre et, plus rarement, posant toutes ses mystérieuses réflexions sur papier. Néanmoins, depuis son arrivé en Esperia, certains points ont changés chez Ganelon. Certainement dû à l'influence de certains personnes auxquelles il s'est affilié, il a recommencé à trancher ses mots comme le faisait son père et, désirant s'essayer à de nouvelles expériences, s'est mis en tête de rejoindre la garde. L'ordre Phalangiste occupe encore une place dans son coeur, cela ne fait aucun doute, toutefois il n'oriente plus vraiment ses décisions en fonction de cela. Ayant perdu totalement la vue suite à quelque sombre événement, Ganelon n'est plus apte à combattre et à servir quelque corps militaire, aussi son côté poétique et philosophe, à sa propre surprise, s'est plus amplement développé; il s'adresse à ses semblables plus facilement et avec une aisance déroutante et peut passer de longues heures à vous exposer son point de vue sur les sujets qui éveillent en lui un véritable intérêt. Qui plus est, il a toujours un avis à donner sur absolument tout et se plaît à offrir un conseil quelconque dés que l'occasion le lui permet. Lors de ses longues heures de solitude, il médite et se questionne sans cesse, retournant son esprit en tout sens. Il vit son horrible accident comme une opportunité, une nouvelle manière d'aborder l'existence. Il a perdu la vue, certes, mais son odorat est devenu plus fin au même titre que son ouïe aussi le trentenaire s'aide des odeurs pour prendre ses repères.


Qualités


  • Loyal envers ceux qui parviennent à gagner son respect.
  • Intelligent.
  • Très pieu.
  • Respectueux.
  • Bon orateur quand il se décide à engager la conversation.
  • Travailleur.
  • Généreux.

Défauts


  • Pas très causant et parfois longuement silencieux.
  • A une légère dépendance à l’alcool.
  • Fume énormément.
  • A la mauvaise habitude de dévisager longuement ses interlocuteurs.
  • Têtu et bien campé sur ses idées.
  • A l’air froid et dur.
  • Inflexible.
  • Parfois moqueur.
  • Souffre d'un léger vertige.
  • Est atteint de cécité..

Intérêts culturels et goûts.


  • Grille Bière (Verre).png L'alcool:Dépendant à la boisson depuis que son père le récompensait, tout jeune, par une bonne bière pour la journée de besogne accomplie, Ganelon ne refuse jamais une pinte à la taverne du coin et, assez rôdé désormais, peut se l'enfiler d'une traite tant il supporte bien l'alcool.
  • Grille Marteau en Bois.png Le tabac:Ganelon a toujours aimé beaucoup fumer. Il aime sentir le goût du tabac brûlé dans sa gorge, assis dans quelque confortable endroit qui se prête à l'exercice. Parfois, de grand matin, il peut partir dans de longues tousses grasses et incontrôlables mais ce n'est pas pareille contrainte qui l'empêchera de continuer.


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Aptitudes.

  • Grille Livre et Plume.pngAlphabétisation: C’est à l’âge de dix-sept ans que Ganelon a rejoint l’abbaye locale de la ville d’Hohenwald. Tout jeune déjà il avait aspiré à cette vie dans l’ordre phalangiste, c’est grâce au talent d’agriculteur de son père que les frères se sont intéressés au garçon. Toutefois ce dernier, une fois admis dans les murs de l’institution, a émit le souhait de se tourner vers un enseignement plus théorique, sans pour autant renier l’enseignement militaire. On l’a donc formé durant quelques années à la théologie mais aussi à la littérature, à l’écriture ainsi qu’au calcul, pour son plus grand bonheur. Il a toujours mieux excellé dans les lettres, n'étant guère bon en calcul.


Notes et faits:

  • Le personnage n'est plus apte au combat, ayant brutalement sa capacité à manier quelque arme et s'en servir suite à la perte de la vue.


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Relations.

Proches.

Eija: C'est lors de sa période d'esclavage que Ganelon a rencontré Eija. Il s'est pris de sympathie pour la jeune femme frêle. Protecteur à son égard, il veille constamment à ce qu'aucun mal ne lui soit fait.


Connaissances.

Elyo: Ganelon avait oublié à quel point cela était agréable de s'amuser en compagnie de quelqu'un d'autre. Elyo a su lui démontrer que cela était possible et assez plaisant.


Arild Alvinson: Le guerrier lui a permis de s'entraîner avec lui, sans que Ganelon en sache la raison, après quoi il lui a offert des vêtements propres et en bon état afin de permettre à Ganelon de se déplacer plus rapidement et avec une meilleure aisance. Celui-ci, appréciant le geste, n'est pas près de l'oublier.


Henrry: Il ne sait pas vraiment quoi penser de cet homme, tantôt amical, tantôt colérique. Son comportement le rend dubitatif et l'agace, d'une certaine façon.


Othovo: Un garde aux grandes ambitions qu'il apprécie pour son sens pointu du devoir et sa loyauté, il voit en lui le guerrier qu'il aurait aimé être si le destin en avait décidé autrement.


Alan Selin: Un vieillard à la calvitie naissante qui fût son maître. Moine expérimenté et respectable, Ganelon apprécie sa façon de faire et reconnaît en l'homme les qualités de l'Ordre Phalangiste.


Joris Tenkor: En sa qualité d'Abbus, il a su s'attirer le respect du Gyllendalier qui essaye, en sa présence, d'adopter un comportement des plus correct.


Ennemis.



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Histoire.

RolePlay :



Dans un rond de fumée.


Le tabac émit un bruit agréable dans sa combustion. D’aussi loin qu’il s’en souvienne, il avait toujours apprécié ce bruit, pourtant banal pour d’autres. Après suivait la première bouffée. La meilleure, sans nul doute. Gauderic Rosenthal, accoudé au montant de sa porte, écarta légèrement les lèvres afin de recracher un halo de fumée bleue. Il faisait particulièrement beau ce jour là, l’astre solaire était au plus haut et sa lumière éclairait la falaise où, autrefois, avait été construite la petite cité d’Hohenwald. Comme son père, avant lui, il était né et avait grandi au pied de cette falaise, dans la ferme familiale de la famille Rosenthal. Gauderic en sa qualité de modeste agriculteur local n’avait jamais voyagé, n’avait jamais vu d’autres terres que celle où il habitait; d’autres rivières que l’Hoffanne dans laquelle il avait parfois nagé et pêché; d’autres champs que ceux dans lesquels il travaillait gamin déjà. En fait il s’était toujours employé à ne jamais aller au-delà des limites du vallon, par-delà la colline et le grand arbre qui bordaient la plus éloignée de ses deux terres. L’aventure le rebutait et il n’avait jamais été de ceux qui prenaient la route sans se soucier de rien, pas même de la destination. Lui, véritable casanier, appréciait son pays et, en conséquence, ne voyait pas grand intérêt à le quitter. De ce qu’il y avait après l’horizon, il n’en savait presque rien. Ses connaissances du vaste monde étaient minces mais, restant bien campé sur sa position, il n’avait jamais émit le souhait d’en apprendre d’avantage. C’était très bien ainsi. Dernier des trois fils Rosenthal, Gauderic avait repris la ferme à la mort de son père et avait contribué, grâce à son amour de la perfection, au prestige du patrimoine familial dans la région en étant présent à chaque édition du marché aux poireaux, c’était là que ses concitoyens avaient pu apprécier la qualité de ses salades. Agréablement surpris par la réaction qu’avait provoqué ses produits, il avait redoublé d’efforts afin de s’améliorer. Pendant que lui faisait marcher les affaires de son paternel, ses frères vagabondaient ça et là dans la Grande Huratelon mais il ne leur en avait jamais porté rigueur. L’aîné, Guerric, désirait mener une vie trépidante et, en secret, nourrissait la folle ambition de devenir le champion de quelque grand Seigneur, il était donc parti voilà quelques années sur un petit poney avec sa part de l’héritage. Gauderic, âgé d’à peine dix ans, caché derrière les jambes de son père l’avait regardé s’éloigner dans le lointain. Ce fut la dernière fois qu’on le vit en Hohenwald. Son deuxième frère, quant à lui, avait causé bien trop de son soucis à leur vieux père… Pilier de taverne accompli, fainéant et bagarreur, Hamelin ne pouvait être en mesure de travailler dans les champs et surtout pas de gérer un quelconque commerce. Mouton noir de la lignée, il avait été rejeté, barré du testament, privé d’un héritage qu’il attendait avec une impatience dont il ne s’était pas vraiment caché. Fou de rage, Hamelin avait dés lors fait le choix d’une existence de paria, enfin barde selon lui. Il était resté dans le Gyllendal, ayant trouvé une place de ménestrel dans une petite taverne de Laggenau, pour le peu qu’en savait Gauderic c’était un travail honnête. Il divertissait la clientèle du patron et, en contre-partie, ce dernier le logeait et le nourrissait. Oh bien sûr il ne touchait pas énormément d’or pour ses “prestations” mais, au moins, le bougre avait un lit et mangeait à chaque repas. Il était revenu à quelques rares occasions après la mort de père, plus vieux et peut-être plus sage et réfléchi qu’à son départ. Gauderic lui avait offert repas et lit en respectant à la lettre les devoirs du bon hôte. Il avait généreusement partagé son meilleur tabac et, pour le plus grand plaisir d’Hamelin, s’était débrouillé pour lui proposer une bouteille appréciable. Un bon vin de la région. Après l’avoir remercié pour son accueil chaleureux, son frère s’en était ensuite retourné pour ne revenir que quelques années plus tard. Ses visites avaient toujours été plus ou moins assez espacés dans le temps sans pour autant être régulière mais ça n’avait jamais surpris Gauderic car c’était parfaitement le genre du personnage. Il s’en était accommodé, reprenant son petit train de vie, certes banal et guère épique mais, à ses yeux, très convenable. Le rond de fumée s’échappa doucement d’entre ses lèvres et prit son envol dans la légère brise de l’après midi. Il l’observa, paisible. Gauderic, en cette belle journée de thermidor, se sentait en parfaite harmonie avec le monde qui l’entourait. Toujours un peu perdu dans ses pensées, il tourna lentement sa tête pour regarder, ou plutôt contempler, la jeune femme assise sur le petite banc de bois collé à la facade de sa demeure. Elle était jolie avec sa peau d’un blanc pâle presque fantomatique et ses longues et épaisses boucles noires qui s’entortillaient jusqu’à ses reins. Son maigre visage solennel, au milieu duquel se tenait un nez camus, trahissait sa chétivité. Les mains sur les hanches, elle jaugeait en silence la longue étendue de terre verdoyante qui lui faisait face, son regard bleu fixé sur un point invisible. Quand l’avait-il rencontré pour la première fois? Il n’en avait pas souvenir néanmoins dés lors il l’avait longuement désiré. C’était la fille d’un petit menuisier notoire d’Hohenwald, un type honnête et sans histoire qui ne se mêlait pas des affaires de quidam et qui préférait se faire discret. Une fille du pays, quoi. Gauderic avait de suite apprécié la famille, ce qui avait été réciproque car ils partageaient les mêmes valeurs et, à quelques différences près, étaient tous éduqués comme lui. La réputation de fier travailleur dont il avait hérité avait joué en sa faveur et, ainsi, le père de la rouquine, Edwige de son nom, n’opposa aucune réticence à leur union. Ce dernier fût simple, selon leur désir. Très rapidement, Gauderic pu compter sur sa femme pour lui rendre la vie plus facile, du point de vue ménager en tout cas. Le soir, quand lui rentrait d’une dure journée de labeur, le souper l’attendait et il n’avait qu’à mettre les pieds sous la table sans se soucier de rien. Malgré son aspect frêle, la rousse s’était très vite avéré être brave et courageuse. Fidèle et dévouée à son époux. A l’époque elle arborait quotidiennement un sourire enjoué, once de chaleur dans l’existence franchement difficile d’un simple paysan. Aussi longtemps que ce brave petit bout de femme resterait là, le foyer ne pouvait que se porter magnifiquement bien. Après quelques temps, Edwige mis au monde leur premier enfant. Un petit garçon, un peu plus gros que tout ceux qu’avait pu voir son père. Là aussi, Gauderic ne s’y connaissait pas vraiment, il n’avait jamais vu une naissance. Debout aux côtés de son épouse, il avait tenté tant bien que mal de la détendre entre de longs hurlements déchirants. Le pauvre avait eu franchement du mal à ne pas défaillir à la vue du sang qui barbouillait la vieille table branlante de sa cuisine, sans parler de l’horrible vision des traits, déformés par la douleur, d’Edwige. Epouvantable. Ce jour là, il avait remercié plusieurs fois Arbitrio de l’avoir destiné à devenir agriculteur et non soignant. Enfin ce désagréable moment n’avait pas été inutile car, à sa plus grande joie, sa descendance était assuré. Un garçon. Gauderic fût sacrément content, depuis longtemps déjà il savait comment le nommer; ce qui n’était pas le cas si l’enfant s’était avérée être une fille. Ganelon. En hommage à un de ses aïeuls, garde dévoué selon les dires de son père, qui tomba face à une compagnie de pilleurs venus commettre quelque larcin dans leur cité; néanmoins notons que la véracité de ces faits n’a jamais pu être prouvée et qu’à chaque fois que Gauderic s’efforçait de récolter des informations sur les sources obscures de son père, il écopait d’une belle engueulade. Enfin l’enfant devait connaître une toute autre destiné, judicieusement étudiée par ses parents et quelque peu bousculé par des évènements inattendus. Tel que le voulait la tradition, le gamin appris à travailler aux champs dés que son tuteur le jugea assez apte pour supporter pareille tâche. C’est donc, couvert du regard bienveillant mais sévère de son paternel, que le gosse, aux cheveux aussi foncés que ceux de sa mère, découvrit toute la difficulté de la vie paysanne, un beau matin chaud et agréable de Thermidor. Parfois il arrivait encore à Gauderic, lors de ses longs moments de contemplation, de laisser échapper un sourire au souvenir de cette première journée de labeur. Il voyait encore son gamin tempêter et jurer à tout va en tentant d’ôter, à coup répété de bêche, une racine certainement centenaire d’un des arbres qui bordaient leur terrain. Toujours volontaire et vaillant, son gamin avait su le combler à tel point qu’il l’envoyait parfois s’occuper des terres, seul, alors que jadis l’idée de déléguer l’aurait rebuté. Et puis il était bon aussi de préciser que, même s’il n’en laissait rien paraître, Gauderic commençait à se faire vieux et que son corps, victime de longues et éprouvantes années d’activité, lui causait nombre de souffrances. Ainsi chaque jour que l’Arbitrio faisait, le malheureux redoutait de se lever le lendemain et de sortir de son lit dans une symphonie glauque de craquements d’origine douteuse. Bordel! Qu’il maudissait ces saloperies de réveil quand, à peine sortit de son sommeil, il sentait déjà son corps endolori de ça et là. Instinctivement, Gauderic posa sa main libre dans le bas de son dos et s’étira vers l’arrière, doucement et discrètement, en surveillant son épouse du coin de l’oeil. Elle, demeurait imperturbable et ne prêta aucune attention au manège de son compagnon. Visiblement obnubilée par quelque point perdu dans le lointain ce qui éveilla la curiosité du vieil agriculteur. D’un coup d’oeil perplexe, il tenta de découvrir ce qui semblait tant fascinant. Evidemment, comme il s’y attendait un peu, ses yeux ne virent rien d’autres que le banal paysage qui lui tenait lieu de compagnie depuis son jeune âge. A la fois dépité et contrarié, il laissa ses doigts s’égarer dans l’épaisse forêt de poils presque gris qui composaient sa barbe. Aspirant une nouvelle bouffée de tabac brûlé, Gauderic entreprit d’enrouler une touffe de poils avec son index en se replongeant dans ses pensées. Quand il y réfléchissait, l’attitude de sa femme ne l’étonnait plus vraiment, tout du moins pas autant qu’avant car, désormais, cela lui arrivait presque quotidiennement. Cela remontait déjà à plusieurs années et était dû à de profondes blessures qui les avaient affectés tout deux. Sauf qu’il était parvenu à vivre avec ces souvenirs amers. Le départ de leur unique fils, Ganelon, était à l’origine de la souffrance qui étouffait et rongeait leur couple. Leur maison, si médiocre soit-elle, respectait depuis toujours l’Ordre phalangiste et Gauderic, ne dérogeant aucunement à la règle, revoyait ses prix à la baisse pour les membres de cette noble et respectée institution ce qui, assurément, lui octroyait leur sympathie. Tout du moins, c’est ce que leurs beaux sourires lui faisaient penser. Pourtant jamais au grand jamais, l’idée que ces individus s’intéressent, d’une façon ou d’une autre, aux siens lui aurait ne fût-ce que traverser l’esprit tant ça paraissait insensé. Mais l’Arbitrio réservait bien des surprises et quand, un jour de marché aussi banal étaient-ils, on vint à lui pour le questionner sur son gamin, âgé alors d’un peu plus de seize-ans, Gauderic ne parvint pas à comprendre ce que ce dernier pouvait bien représenter d’aussi important. En fait, les frères le mirent bien vite au parfum. Les produits de qualité que l’agriculteur proposait jouissaient d’une bonne réputation dans Hohenwald, ce qui ne lui était pas inconnu, et l’Abbaye locale souhaitait trouver quelque soutient pour leur deux pauvres moines-champêtres, légèrement débordés. Aussi Ganelon, déjà bien bâti et loin d’être sot, correspondait à leurs attentes. Gauderic, profondément troublé mais agréablement ravi, avait acquiescé à s’en décrocher la tête, hébété par une offre si surprenante. Ainsi, quelques temps plus tard, son fils lui avait fait ses adieux et s’en était retourné vers une nouvelle existence, plus belle et riche de bonnes choses. Même si, tout sourire, ses parents lui avait souhaité bon vent, son départ fût une épreuve tristement difficile et cela endommagea fortement le bonheur de leur foyer. Le temps passa en estompant péniblement la brûlure. Toutefois un autre mal, plus terrible, frappa de plein fouet la maison Rosenthal, à peine reconstruite. Edwige attendait alors leur second enfant qui arrivait comme un nouveau souffle dans cette période de leur vie. Le vieux couple épuisé ne pouvait que se satisfaire de pareil évènement et pourtant… L’espoir qu’ils avaient placés dans cette naissance s’écroula aussi brutalement que leur existence, par un soir de Brumaire. L’enfant vint au monde, certes, mais sans vie. Une petite fille mort-née. La faute au destin pouvait-on entendre dans les rues de la petite cité, à peine quelques jours après que la nouvelle se soit répandu dans la ville comme un coup de vent glacial. Les mauvaises langues s’en donnèrent à coeur joie, répandant toutes sortes de crasse à l’encontre des Rosenthal, et les plus folles rumeurs traversèrent la ville de long en large mais, par contre, tous évitait soigneusement d’aborder le sujet quand, pour quelque histoire personnelle, Gauderic sortait de sa demeure. Edwige, quant à elle, ne se montra pendant un bout de temps. Même s’ils le niaient, on dit que les infortunés n’arrivèrent pas à s’en remettre et à reprendre leur existence d’antan. Bien vite, les gens oublièrent l’affaire et se lassèrent d’en débattre car celle-ci n’était plus très fraîche et on peinait à encore lui trouver quelque chose de croustillant. Néanmoins certains, plus curieux que d’autres et dénués de bon sens, tentèrent d’en apprendre plus par le biais de Ganelon. Ceux-là étaient bien bêtes car le gaillard ne leur dit rien et, passablement énervé par ces vilains, les chassa de son plus sombre regard. Oh oui! Le décès de sa soeur l’affectait énormément et lui brisait le coeur mais il n’en retira pas sa carapace pour autant. D’ailleurs il ne dit mot sur cette affaire sauf à ses plus proches, lesquels se comptaient sur les doigts d’une main. Le robuste homme se rendit souvent à son ancien logis, à cette époque, afin d’apporter un peu de chaleur et de réconfort à ceux qu’il aimait. Cela fait, ses visites s’écartèrent dans le temps pour s’arrêter, progressivement. Gauderic prit une profonde et bruyante inspiration en s’approchant du banc sur lequel était assise sa douce et tendre, encore perdue dans ses pensées. Il prit place à ses côtés, non sans une certaine peine, avant d’enfermer sa main dans la sienne, glissant ses gros doigts parsemés de cicatrices entre les siens. L’observant du coin de l’oeil, il remarqua avec joie qu’un pâle sourire se dessinait doucement sur lèvres. L’instant le combla de bonheur et ses pensées cessèrent de le torturer. Il les laissaient dériver sans y accorder la moindre importance, se contentant de savourer ce qu’il vivait à présent. De son autre main, Gauderic saisit sa pipe et l’ôta de sa bouche afin d’en déverser le contenu sur le gravier qui gisait au sol et recouvrait les pieds du banc. Le bout de sa botte écrasa le tas de tabac encore chaud tandis que la tête d’Edwige se posait délicatement sur son épaule.



Quand vient le froid.


Les flocons ne cessaient de tomber, venant s’écraser sur les dalles grises et froides. D’un pas lourd, le visage menton caché par une épaisse écharpe en fourrure taupe, Ganelon se déplaçait le long de la cour sans vraiment prêter attention à ce qui se passait autour de lui. Il crevait de froid, littéralement. Bordel qu’il détestait la Nivôse, qu’il détestait cette foutue couche blanche qui craquait sous ses pieds et qu’il détestait ce maudit vent glacé qui ne cessait de le tourmenter et qui semblait se glisser sous ses vêtements pour lui croquer chaque centimètre de peau. C’était, à l’entendre, la pire des saisons qu’il existait et dés les premiers signes de son arrivé, Ganelon devenait d’humeur maussade et marmonnait toutes sortes de propos incompréhensibles dans son coin. De nature, le bougre n’était déjà pas vraiment sympathique alors à cette période ses frères préféraient éviter de le déranger inutilement et les novices évitait soigneusement d’avoir à faire à lui pour quelque affaire. Mais aujourd’hui, ils n’avaient pas vraiment le choix. Minutieusement disposés à divers endroits du terrain d’entraînement, armés d’épées de bois et vêtus de fer, les apprentis se livraient bataille tout en surveillant du coin de l’oeil leur moine formateur. Cependant Ganelon, emmitouflé dans toute ses couches et tremblant de la tête au pied, ne leur prêtait pas vraiment attention et les laissaient, depuis bientôt une bonne heure, s’essayer aux coups fraîchement appris lors de la dernière séance. De temps à autre, quand l’un ou l’autre parvenait à déstabiliser son adversaire et à l’envoyer rouler tête la première dans la neige, le grand moine consentait à s’arrêter pour s’efforcer de s’intéresser au duel mais il ne dupait personne tant il semblait las et fatigué. Si bien que ses élèves, chuchotant entre eux dés que l’occasion le leur permettait, se questionnait sur son état de santé. En réalité cela faisait plusieurs mois que leur instructeur ruminait de sombres choses car, la météo aidant, son moral était au plus bas depuis le décès de son père, mort dans son lit quelques années après sa compagne, mais il préférait garder sa peine enfouie dans son for intérieur. Comme il l’avait toujours fait pour sa vie personnelle. A vrai dire, d’aucun ne connaissait vraiment son histoire et on n’osait pas l’interroger. Ses camarades et amis s’en gardaient bien et, assurément, cela valait mieux. Pas complètement absorbé dans ses noires pensées, Ganelon tendit l’oreille et perçut un conversation qui se voulait discrète. Aussitôt, sourcils froncés, il fit volte-face en pivotant sur ses talons sèchement, décrivant un demi-cercle dans la neige humide. Là, penchés l’un sur l’autre, deux de ses élèves s’entretenaient, confortablement appuyés sur leurs lames de bois. Visiblement en grand débat, ni l’un ni l’autre ne se souciaient du moine formateur qui, maintenant, les toisaient d’un regard aussi noir que l’épaisse crinière qui poussait sur son crâne. Un troisième profita de l’absence de son partenaire, parti uriner un peu plus loin, pour se pencher vers ses compères et écouter. Apparemment celui qui était de dos lança une plaisanterie car tout trois se mirent à rigoler bruyamment sous le regard outré des autres. Le dernier eut un éclair de lucidité et se recula en lançant un bref regard à son adversaire, occupé à remballer sa vessie, puis tourna le regard vers Ganelon, instinctivement. Celui-ci laissa échapper un sourire en coin sous son écharpe en voyant la visage de l’autre se décomposer brutalement et devenir aussi blanc que la neige qui ne cessait de tomber. Sans se faire prier, alors que celui qui lui faisait face prenait position, il reprit le combat, l’air de rien. Le voyant faire, le trentenaire hocha la tête pour lui-même avant de se tourner vers les deux autres crétins qui continuaient leur conversation. Ganelon mit un instant afin de bien choisir ses mots et, cela fait, abaissa légèrement son écharpe afin de se découvrir la bouche. “-Qui m’a affligé de pareils idiots?! Tous au sol et rapidement, je ne me répéterai pas!” Le groupe se retourna soudainement, non sans lancer un regard assassin au binôme auteur de leur supplice. Il s’approcha, avec une lenteur calculée, de ses élèves qui, connaissant bien ses méthodes, attendaient déjà à plat ventre sur le sol puis marqua l’arrêt au niveau des deux perturbateurs et, de sa voix grave, leur dit: “-Non pas vous. Debout! Vous compterez.” La mine basse, ils s’exécutèrent dans le silence le plus total et vinrent vivement se poster face à leurs compagnons, lesquels les observaient avec haine et dédain. Sachant quoi faire et comment le faire, les jeunes se tournèrent d’un même mouvement vers la droite et, sans que Ganelon n’ait à l’ordonner, commencèrent à ramper aussi vite qu’ils le pouvaient, en poussant sur leurs bras et leurs jambes. L’exercice était bête et simple, on devait ramper d’une extrémité de la cour à l’autre le plus rapidement possible et, à chaque passage, ceux qui étaient à l’origine de la punition comptaient à voix haute tandis que les autres le remerciaient d’une même voix. Selon leur professeur, lui aussi formé de la sorte, cela a pour effet de renforcer l’esprit de cohésion et de les unir. “-Plus d’entrain, bon sang! Je n’ai nullement besoin d’enfants mais bien d’hommes!” Envoyant un sérieux coup dans la fierté de chacun de ces gamins, Ganelon observa un moment de silence, perplexe, guettant leur réaction. Deux ou trois d’entre eux se dandinèrent plus vite, prenant ainsi la tête de ce semblant de course ridicule, et s’arrêtèrent au bout d’un mètre, faisant mine d’être épuisé par tant d’efforts. De plus en plus irrité par le manque de combativité flagrant que ces mollusques dégageaient, le moine serra les poings tout en secouant la tête avec colère, chassant les flocons qui couvraient son épaisse chevelure. Il n’avait jamais aspiré à ce poste pas plus qu’à former les nouveaux membres de l’Abbaye, ce n’était pas de gaieté de coeur qu’il enseignait les parades, coups et autres mouvements. Les fonctions à responsabilités, le pouvoir ne se comptaient certainement pas dans ses centres d’intérêts. Ca le rebutait. Sans tenir compte de son avis, l’Abbus l’avait contraint à occuper ce rôle. Et ainsi, bien malgré lui, Ganelon s’était retrouvé là, entouré de trois frères plus âge de plusieurs années, à former quelques dizaines de guerriers avec cette discipline de fer qui caractérisait si bien l’Ordre Phalangiste qu’il portait dans son coeur. Il s’était avéré être un maître exigeant, dur, sans pour autant être injuste et, le surveillant depuis ses débuts, l’Abbus en avait été particulièrement ravi. “Cela suffit, relevez-vous et reprenez, dans le silence!” En hâte, les garçons se mirent debout, la mine déconfite et le corps secoués de violents tremblements. Ganelon les considéra, impassible, et attendit patiemment que les combats reprennent. Le plus lent, et accessoirement le plus mal en point, envoya finalement un coup d’estoc, maladroit, en direction du petit rouquin qui lui servait de concurrent. Aussitôt, l’imposant enseignant repris sa promenade en se murant dans le plus lourd des silences et décrivit de longs sillons dans la neige sale. L’air se faisait plus froid à mesure que la soirée approchait, le vent déjà frais semblait devenir plus féroce et, ne cessant de tomber, les flocons entassés sur le sol formaient maintenant un bloc dans lequel on peinait à progresser. Le corps souillé et meurtri par la température, la mort dans l’âme, Ganelon n’aspirait qu’à terminer cette séance pour enfin s’envoyer une flasque de quelque alcool assez chaud et amer pour lui faire oublier cette journée horripilante. Puis ensuite une bonne flambée, un bon repas et bien le bonsoir! Il avait bien assez subi pour une seule foutue journée. Qui plus est, le corps pâle et sans vie de son père hantait son esprit et ça le rongeait. En se retenant de lancer un juron, il enfouit ses mains couvertes de laine noire sous la deuxième couche de vêtement dont il s’était affublé. Il ne remarqua pas de suite le quadragénaire au crâne ridé et dégarni qui venait à sa rencontre d’un pas vif. “-Mon frère! Je viens vous soulager. Rentrez et réchauffez-vous, cela vous fera le plus grand bien.” Ganelon haussa un sourcil tout en relevant les yeux afin de considérer le nouveau venu. Celui-ci le lorgnait de sous ses sourcils gris et broussailleux, ses lèvres étirées dans un rictus qui se voulait être un sourire sympathique. Le manque de chaleur ne paraissait l’affecter en rien car, pour sortir dans la cour, il s’était vêtu du strict minimum et ne s’en souciait guère. Miraculeusement tiré de sa corvée, Ganelon hocha la tête d’un mouvement sec, sans laisser rien voir de son bonheur. Son interlocuteur lui décocha un nouveau sourire, plus large, avant de se tourner vers les novices et de s’approcher. Le dernier Rosenthal, sans demander son reste, en profita pour s’éclipser non sans lancer un regard furtif au vieil ours dont le crâne, frappé par les pâles rayons du soleil, brillait d’une étrange lueur. Ganelon l’avait toujours trouvé affreusement laid avec sa démarche claudicante, sa longue barbe aux poils rêches et son nez camus cependant il se gardait bien de lui faire remarquer, surtout en ce moment. En pénétrant dans la salle qui donnait accès au terrain d’entraînement, la chaleur le pris à la gorge et l’étouffa. Surpris, il se pressa d’ôter ses nombreux vêtement et les entreposa sur un siège branlant, dans un coin, afin de les faire sécher. Poussant un soupir de délivrance, Ganelon pressa le pas et, bien décidé, quitta la pièce pour se diriger vers les caves. Particulièrement réjoui de savoir ce qu’il l’attendait, il se frotta les mains.



Au bout du chemin.


La bouteille éclata en une myriade de morceaux de verres qui se répandirent ça et là. Et Ganelon, les traits crispés par la rage, la considéra avec un étrange intérêt, le regard vide. Il était épuisé moralement et ne daignait même plus prêter attention aux perles salées qui dégoulinaient le long de ses joues sales de terre. Il s’en foutait, royalement. D’un geste sec mais mal assuré, il s’empara d’une seconde flasque qui traînait à portée de sa patte et porta le goulot à ses lèvres. Tout en coinçant le bouchon qui refermait le récipient, il s’accorda un instant pour considérer l’endroit. Debout, au milieu de divers débris, il décrivit un demi-cercle en laissant son regard pâle courir le long des murs gris et froids. La petite éthylerie de l’abbaye, pourtant si belle, était à présent totalement dévasté. Les pavés qui couvraient le sol étaient couverts de débris de verres, de ferrailles et de bois qui flottaient dans l’une des nombreuses flaques d’alcool censée être enfermé dans de gros fûts de chêne. Ces mêmes fûts gisaient à présent au sol, démolis, éventrés. Les étagères où, jadis, trônaient de gros ouvrages dont la reliure témoignait de l’ancienneté, celles-là avaient été lourdement renversés. L’auteur du désastre arracha le bouchon d’un coup sec et, le crachant, l’envoya rouler dans quelque soin sombre. Il ne paraissait guère se soucier de tout cela, préférant s’enfiler goulûment une bonne lampée de vin rouge, lequel lui arracha un hoquet. Ces temps-ci Ganelon, pourtant autrefois maître de lui-même, ne parvenait plus à calmer sa dépendance à la boisson. Certes, il avait toujours fait partie de ceux qui ne crachaient absolument pas sur un “petit remontant” mais ce n’était jamais qu’à certaines occasions assez espacés pour ne pas devenir dépendant. Tout du moins, c’était ce qu’il pensait car les dites occasions s’étaient très vite avérées être journalières, sans que lui, spectateur impuissant, puisse s’arrêter. C’en était devenu machinal. Le bougre avait beau chercher, rien ne justifiait son vice et ça le rendait malade. De toute sa vie, il n’avait jamais eu autant l’impression d’être sale… Lui qui avait toujours été très à cheval sur ses principes, qui s’était constamment efforcé d’adopter une conduite irréprochable. Il venait de tout détruire mais, trop ivre pour s’en soucier, cela ne l’empêcha pas d’envoyer un énorme coup de patte dans une rangée de flacons minutieusement alignés. Il posa un oeil torve et rougit par l’alcool sur l’une des flasques qui roulait par terre et jaugea longuement cette dernière, l’air concentré. Son regard s’illumina soudain comme s’il venait de saisir quelque chose d’important et ses lèvres s’étirèrent en un large sourire béat. Faisant craquer ses articulations déjà usées, il se pencha difficilement en s’aidant de sa main libre puis grogna, mécontent de se rendre compte qu’il ne saurait saisir cette bouteille de rhum qui lui faisait tant envie. Un long moment, il livra un combat acharné pour se décider. Finalement, sans autre forme de procès, il lâcha la bouteille qui contenait le vin rouge, à moitié entamée, laquelle roula sur le sol pavé en déversant lentement son contenu. Sans plus attendre, Ganelon s’empara fermement du rhum et tenta de se relever, en vain. Quelque peu irrité par sa gaucherie, il se laissa tomber lourdement sur le derrière dans un grognement sourd, écrasant de tout son poids les restes d’un fût. Agitant son nouveau trésor comme un gamin, il lorgna d’un air imbécile le liquide qui, glissant à chaque mouvement, le narguait puis se décida finalement à ôter, d’un geste brusque et un peu maladroit, le bouchon. “-Bon sang… Frère Ganelon?!” Karl, le moine éthyliste maître des lieux, se tenait à quelques pas de lui, debout à l’entrée, et fixait les vestiges de sa chère cave, catastrophé et outré. D’autres moines, poussés par la curiosité se tenaient sur la pointe de pieds afin de ne pas perdre une miette de la scène. Ganelon, encore sous l’effet de l’alcool, ne parvint pas à comprendre directement ce qui était en train de se passer, n’arrivant pas à saisir la tragédie dont il était seul acteur. Un bien bête acteur, assis au milieu de bouteilles vides, dont le regard bête se posait sur ses frères, stupéfiés. Soudain, il devint livide et, dans un bruit ignoble et écoeurant, dégueula ses entrailles sur ses genoux, souillant ainsi sa bure d’une large tâche jaune où nageaient de petits morceaux de différentes couleurs et formes, fossiles de son dernier repas. Karl, qu’on trouvait parfois efféminé, ne pu retenir un cri d’épouvante et, le teint aussi blanc que l’autre, fit volte-face et déversa toute sa colère sur un Ganelon complètement retourné et dont l’esprit semblait s’être détaché du corps. Se laissant choir sur le flanc dans un râle immonde comparable au cri d’une bête mourante, il tomba inconscient, ne sachant pas ce qu’il allait advenir de sa personne.

Cela faisait maintenant un peu moins de deux semaines. Deux semaines qu’il pourrissait, rejeté, puni, exclu dans le petit cachot disciplinaire où se côtoyait la crasse et l’obscurité, au plus profond des tréfonds de l’Abbaye. Là, seul avec sa culpabilité, il avait l’impression que ses erreurs lui pesaient un peu plus, chaque jour. Traité comme le vulgaire ivrogne malade indigne de son ordre qu’il s’était révélé être en démolissant l’éthylerie, Ganelon se sentait horriblement sale et, persuadé qu’on l’avait volontairement oublié, pensait devoir payer son crime de la sorte jusqu’à la fin de ses misérables jours. La fatigue, le froid et la faim n’était assurément rien en comparaison de ce qu’il s’infligeait lui-même en se remémorant sans cesse ce que sa stupidité avait engendré. La honte le submergeait et, en y réfléchissant, il ne comprenait pas pourquoi ses frères ne lui avaient déjà pas ordonné de quitter ces lieux afin de le renvoyer à une existence pitoyable. La porte de fer grinça en tournant sur les gonds rouillés par l’humidité et deux individus, vêtus de fer et armés d’acier, s’avancèrent d’un pas lourd et bruyant vers lui, le couvant du plus noir des regards. Ganelon, assis à même le sol et adossé contre le mur du fond, releva péniblement la tête. Dans le pénombre, et malgré ses efforts, il n’arriva pas à reconnaître les hommes qui, un instant plus tard, le saisirent sans ménagement pour le traîner hors de sa cellule. Epuisé plus que jamais, le prisonnier n’opposa aucune résistance et laissa ce qu’il pensait être ses bourreaux le trimballer dans de longs couloirs peu éclairé. Enfin, sans qu’il s’y attendre, ils s’arrêtèrent brusquement et le lâchèrent au sol. Appuyé sur ses rotules, Ganelon contemplait le sol de bois, honteux, sans prêter l’oreille aux discussions environnante quand, le glaçant jusqu’au sang, l’Abbus en personne s’adressa à lui, indigne moine. “-Ganelon. Nous ne savons quelle folie a pris possession de vous et je doute que le sachiez vous-même, n’est-ce pas?” Tout en se questionnant sur son sort, le concerné acquiesça faiblement, dépité et dans l’effroi le plus total. Immédiatement, l’autre poursuivit: “-Vous avez toujours fait preuve de grand respect envers notre Ordre en mettant en application ce que ce dernier vous avait appris. Ce qui est parfaitement normal, d’un côté, mais qui reste tout à votre honneur, toutefois. Droit, servile et juste; un moine exemplaire dont nous n’avons pas eu à nous plaindre une seule fois jusqu’à ce malheureux soir. Il ne fait aucun doute qu’un mal vous trouble et il est clair que vous seul être capable de vous soigner.” Il laissa, volontairement à coup sûr, un silence lourd s’abattre dans la pièce que Ganelon n’était pas encore parvenu à identifier. “-Aussi, après de longues et difficiles réflexions, j’ai pris ma décision à votre sujet. Pour agissements et attitude allant à l’encontre de nos valeurs, je vous bannis de cette Abbaye et vous retire tout titre en celle-ci. Cependant, vous n’êtes pas exclu de l’Ordre Phalangiste et devrez exécuter une mission afin de retrouver votre dignité. Voyagez où bon vous semble, une missive vous sera donné. Réfléchissez, cherchez en votre for intérieur.” Ce fût comme si une lame lui traversa brutalement l’estomac. Il y avait donc un ultime espoir, une chance de racheter sa faute et de montrer qu’en dépit de sa faute, sa place était dans l’Ordre. Une flamme s’alluma en lui. Il ne savait pas où se rendre, dans quelle direction voyager mais peu importe, Arbitrio le guiderait. Il en était persuadé et cela le réconfortait.

Dés le lendemain, on l’équipa de quelques vivres et d’une flasque d’eau qu’un cheval, le moins beau et fort que l’Abbaye avait. L’Abbus lui délivra également la dite lettre qui devait lui permettre de trouver refuge dans d’autres institutions Phalangistes. Emmitouflé dans ses fourrures, Ganelon se mit en selle, fit ses adieux à ses anciens frères et amis qui se donnait un air dur et impassible puis se mit en route. Quitter Hohenwald fût certainement une épreuve et, ne pouvant y résister, il lança un ultime regard à la ferme qui l’avait vu naître et grandir. Les terres de son héritage avaient été données à l’Abbaye en guise de son pardon et, accessoirement, pour rembourser les dommages causés par son alcoolisme. Dés que la falaise orné du chateau fut loin derrière lui, l’exilé se mit à cogiter, songeant à sa première destination. N’ayant de tout manière pas d’autres choix, il prit la direction du sud et mit plusieurs jours à résoudre le problème. Finalement, Laggenau lui sembla être le bon endroit pour un premier arrêt et, déviant légèrement vers l’Est, il chevaucha vers elle. Sans trop de soucis et d’inconvénients, Ganelon arriva dans la ville, plus grande et impressionnante que son imagination l’avait imaginée, et prit ses quartiers à l’Abbaye locale en remettant la mystérieuse lettre. On lui réserva un bon acceuil. Un bon lit, un repas, chaque soir. Plus que le trentenaire n’en demandait. Ainsi pendant près de trois semaines, il partagea l’entraînement des autres moines le jour et méditait la majeur partie de ses nuits, étudiant les possibilités qui s’offraient à lui et surtout son trajet à travers la Grande Huratelon. Finalement, un matin, le gaillard remercia chaudement ses hôtes, lesquels le munirent d’une lame en fer de moyenne qualité, suffisante pour sa mission. Le but final de son épopée commençait déjà à germer dans son esprit à ce moment car, prêtant attention aux rumeurs, le nouveau monde et ses promesses étaient arrivées à ses oreilles. Cela l’avait intrigué au point que, lors d’un instant de contemplation à fumer, il s’imagina un projet complètement fou dans lequel lui-même ne croyait pas. Pourtant, n’ayant de toutes façons rien à perdre, le combattant s’était orienté vers cette direction. Quelques jours plus tard, il quitta sa région natale et, dés lors, se présenta à quidam de la sorte: Ganelon de l’Ordre Phalangiste, unique descendant de la maison Rosenthal et fils du Gyllendal. Le bougre avait étudié aussi sa présentation en apprenant que, bientôt, il se retrouverait en Greistal. Arrivé non loin d’Huratelon, laquelle se profilait à l’horizon, il décida de décrire une courbe afin d’éviter soigneusement d’avoir à rentrer ou même passer à proximité de la métropole. Trop de gens, de bâtiments et si peu d’espaces. Du moins c’est de la sorte qu’il se l’imaginait et, de fait, ça le rebutait. Se rendant compte quelques jours plus tard que sa réserve de tabac s’épuisait, Ganelon émit des regrets quant à son obstination pour éviter les grandes cités. Il se maudit un long moment. Marquant son deuxième long arrêt, le moine entra dans la ville de Kovajest, où il se présenta à la commanderie. Cette fois, n’aimant guère l’environnement, sa halte dura volontairement moins longtemps. Un peu plus d’une semaine, durant laquelle il continua à manier sa lame mais, fatigué par l’expédition, profita de ses nuits pour dormir, mettant son temps libre le jour à profil pour s’isoler et se concentrer sur sa mission. A son départ, Ganelon était plus déterminé et son projet prenait une forme concrète. Sachant où se rendre et comment s’y rendre, il prit l’initiative de déambuler dans les rues de Kovajest en quête d’une compagnie. Ce qu’il trouva, assez vite. Des bardes, trois précisément, et deux mercenaires qui projetaient tous de se rendre à la Capitale pour des affaires dont Ganelon ne prit pas connaissance. Aucun ne trouva quelque objection à ce que le Phalangiste se mêlent à leur groupe. Ainsi, la troupe se dirigea vers la côte lointaine, descendant vers le Steiertal afin de traverser ce dernier droit vers l’ouest. Bien malgré lui, Ganelon appris que les bardes étaient tout trois originaires d’Huratelon et, un peu idiots, imaginaient faire fortune en vendant leur service à la Capitale. Les deux mercenaires, eux, désiraient descendre plus bas, dans le Galdyr, sans révéler ce qu’ils comptaient fabriquer si loin. En fait, ce qui n’était pas pour déplaire à leur compagnon moine, eux parlaient beaucoup moins que les trois autres imbéciles qui débitaient un flot incroyable de sottises à la minute. Aussi, le Gyllendalier préféra chevaucher près d’eux et plus en avant. La bande arriva au sud de la Ciefersee, s’arrêtant pour la nuit non loin de cette dernière. C’était là que Ganelon annonça à ses camarades de route qu’il les quittait pour poursuivre son objectif personnel. Et dés l’aube, alors qu’eux dormaient encore d’un profond sommeil, il sortit de son couchage puis chargea sa monture en hâte, pressé d’atteindre la dernière étape de cette aventure. Pour cela, il lui fallait se rendre à l’extrême ouest du Steiertal. Ce qu’il fît.

A Lauderfelt, lieu à l’affligeante réputation, on ne voyait pas souvent, pour ne quasiment dire jamais, d’hommes de foi. C’était certainement du au fait que le dit endroit servait d’ergastule depuis que les esclavagistes en avaient pris le contrôle. En fait, à Lauderfelt, on ne voyait pas d’étrangers à part ceux qui, pour quelque raison, arrivaient enchaînés pour être par la suite revendus ça et là. Alors je vous laisse imaginer la surprise des sentinelles postées à la porte ce matin-là quand, perçant la ligne d’horizon, ils virent un Phalangiste se diriger droit sur eux. La stupéfaction les cloua sur place tandis que le fou, visiblement déterminé à rentrer, obligeait son cheval frêle à galoper à pleine vitesse. Pris de court, les deux gardes dégainèrent les pauvres épées de fer émoussées qui leur servaient d’armes puis reculèrent de quelques pas à mesure que le potentiel ennemi s’avançait dans leur direction. Enfin arrivé à leur hauteur, il les toisa de ses pupilles grises, lesquels se mariaient parfaitement avec sa longue chevelure noire comparable au plumage d’un corbeau. Leur lançant un signe de tête en guise de salut, il démonta et vint à leur rencontre et, enfin, dit: “-Messers, le bonjour, je viens pour m’entretenir avec l’un des esclavagistes. Auriez-vous l’amabilité de me conduire à lui?” Les pauvres bouseux, parvenant à comprendre à peu près ce que ce moine leur demandait, en restèrent bouche bée, de plus en plus décontenancé par les évènements. L’un deux répondit, du style le plus familier de la langue courante: “-Ben… C’dépend, vous lui v’lez quoi?” Agacé, Ganelon commençait à perdre patience et essaya de trouver une raison pour que ce crétin s’éxécute: “-J’ai à parler d’affaires et très rapidement.” Les deux hommes tiquèrent et s’empressèrent de ranger leurs armes dans leurs fourreaux. Visiblement, lorsqu’on abordait les choses sous cet angle, ils courbaient l’échine. Le voyageur en fut satisfait et leur emboîta le pas, les collant de près, dans les boyaux de la cité. Il se fit violence pour ne pas accorder trop d’importance à la puanteur que dégageaient les passants. Plus il avançait et plus les doutes l’envahissaient car, en voyant ce qui l’entourait de toute part, il fut intimidé et presque épouvanté. Depuis son départ de Laggenau, Ganelon pensait avoir trouvé la manière d’expier ses fautes et de redorer son blason. L’esclavage. Cela l’effrayait, certes, et plus d’un l’aurait trouvé excentrique et complètement dingue. Néanmoins, à ses yeux, se priver de sa propre liberté constituait la meilleur punition ainsi que l’opportunité de s’offrir une nouvelle chance, surtout dans ce nouveau monde. Les rumeurs dont il avait pris connaissance racontait toutes sortes de sujet à propos de cette terre sauvage et remplie de mystères. Jadis, voyager aussi loin n’aurait même pas été envisageable pour ce natif d’Hohenwald mais, sa dépendance à la boisson ayant démoli les bases de sa vie, plus rien ne lui semblait impossible à présent. Ils tournèrent à l’angle d’une grande rue, sous l’ombre oppressante de la prison démesuré qui s’élevait sur leur gauche, et pénétrèrent dans une ruelle qui se terminait en cul de sac. De haut bâtiments les entouraient, ils se dirigèrent vers le plus massif puis, se glissant dans une sorte d’artère qui grimpait sur le côté droit, gravirent un escalier aux marches raides et trop petites. Arrivé devant une porte de bois foncé orné d’une petite fenêtre couverte de barreaux noirs, l’un des guides s’arrêta, en s’adressant à Ganelon de sa voix rauque: “-Attendez ici. J’vais voir s’il veut bien v’voir.” Aussitôt, après avoir frappé à la porte avec une douceur démesuré, il entra dans la bâtisse, laissant Ganelon avec le second type qui le surveillait du coin de l’oeil en faisant mine d’admirer l’architecture de ce qui semblait être une demeure. Patientant depuis quelques minutes qui semblèrent durer une éternité, le Phalangiste fouilla dans sa bure, tâché de terre et usé par le trajet, et, déçu, se rendit compte que sa pipe et son tabac se trouvait dans l’un des deux sacs accrochés de part et d’autre de son cheval. Il s’insulta intérieurement quand la porte s’ouvrit. La sentinelle invita Ganelon à rentrer à l’intérieur tandis que lui-même sortait. La pièce n’était éclairé que parles rayons du soleil qui perçait par les fenêtres brunes de crasse, au centre se dressait une table ouvragée entourée de sièges divers. Assis dans le plus confortable, lui faisant face, un gros bonhomme tout tassé. Sa coiffure lui rappela étrangement la sienne par le peu de soin apporté, un moustache de belle taille poussait sous son nez aplati et ses yeux du même vert que l’herbe jaugeait Ganelon de haut en bas. “-Installez-vous, l’moine. Et parlez, j’aimerais savoir d’quoi vous voulez commercer avec moi.” L’esclavagiste était certainement plus instruit que les forbans qui veillaient à la porte, toutefois son attitude montrait qu’il restait assez rustre et peu fréquentable. Mal à l’aise, Ganelon posa son derrière sur une chaise, recouverte d’une épaisse couche de poussière, qui craqua sous son poids. Allant droit au but, il s’efforça de rien laisser transparaître de sa gêne. “-Je viens à votre rencontre pour vous vendre ma personne ainsi que ce qui m’appartient. Ce qui comprend mon cheval, ma lame ainsi que d’autres menues babioles. Il me faut me rendre sur ce nouveau monde.” Son interlocuteur émit un bruit étrange, comparable au cri d’un petit animal, franchement abasourdi par l’offre.Ne lâchant pas Ganelon des yeux, il se dandina un peu dans son siège, plongea son index boursouflé dans sa moustache et, enfin, le questionna: “-Bordel… V’savez pas vous y rendre par bateau. Vous êtes un drôle d’gars, vous, pour sûr.” Inspirant longuement, le “drôle de gars” examina la situation en se hâtant puis lâcha: “Disons que j’ai des comptes à rendre. Ce qui m’amène à agir de la sorte ne vous regarde en rien. J’en reviens donc à ma requête. Savez-vous m’amener sur ces terres?” L’esclavagiste se pencha plus amplement sur la table, les mains croisés, faisant grincer son vieux fauteuil. Un sourire carnassier se dessina sur ses lèvres, dévoilant une dentition quasi inexistante, il reprit directement: “-Moi non. Mais c’possible! J’connaîs bien quelqu’un qui fait le voyage.” Ganelon, ravi que la négociation aboutissa ainsi, frappa dans ses mains. “-Parfait!” Le gros secoua la tête, confondu. “-Z’êtes vraiment un drôle d’gars…”