Utilisateur:Lucrèse
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Lucrèse Alesi
- Nom : Alesi
- Prénom : Lucrèse
- Surnoms : Celde, Lu
- Âge : Dix-huit ans
- Date de naissance : 1er juillet 497
- Carrure : Svelte et fine
- Taille : Un mètre 57
- Poids : 46 kilos
- Origines : Caroggia
- Métier : Artisan du bois
- Aptitudes: Alphabétisation ~ Calcul ~ Escalade
- Religion : Monachiste
- Trahie par : :
•La lueur de son expression ;
- •Ses yeux céladon ;
- •La cicatrice pourfendant son sourcil droit, une seconde au-dessus de son arcade gauche ;
- •Un grain de beauté chatouillant le bas de son oeil gauche ;
- •Ses innombrables tâches de rousseur ;
- •Et ses sourires, dans lesquels valsent si promptement les émotions.
Portrait
Pupilles charbon ; yeux céladon. Ce sont eux qui frappent au premier regard. Ce sont eux qui tranchent, eux qui jaugent et lacèrent de cette lueur si expressive, si singulière. Leur éclat est prononcé, gorgé de méfiance. Cependant, lorsque leur drapé ombrageux s’échoue, un havre coloré s’immisce en leur creux. Il est vif, pétillant et protecteur. Il est Lucrèse par-delà sa façade. Il est la gaieté dont elle se pare pour oublier, le temps d’une coulée sablée, le noir profond qui l’entoure. La couleur occulte qui s’insinue avec la dextérité du cauchemar. Celle qui omet qu’une luciole scintille quelque part.
Son visage est une peinture à l’auteur indécis. Les tracés sont parfois doux, ou au contraire cruels. Le plus délicat est sa bouche rosée, aussi vivante que son regard. Le plus saisissant est la balafre creusant une ligne sur son sourcil droit. Le temps, incapable de guérison, lui octroie une marque éternelle. On en distingue une seconde, au-dessus de l’arcade gauche. Son aspect enfantin, modéré par sa dureté, est appuyé par des taches de son qui parsèment ses joues et l’arête du nez - lui-même retroussé. Des mèches viennent quelquefois le chatouiller. Lucrèse réunit alors sa crinière mordorée en queue-de-cheval, peinant à la maîtriser. Indomptables, ses cheveux lisses n’ondulent qu’au gré de la pluie.
Son corps svelte lui accorde une certaine agilité dont elle aime user pour se faufiler dans d’étroits passages. La jeune fille n’est pas bien grande, mais considère sa taille comme un avantage. Avoisinant le mètre cinquante-huit, elle lève souvent le menton pour s’exprimer – et ne se cogne pas la tête dans une bosse trop basse. Inadvertance dont sont parfois victimes les perches, qualifie-t-elle.
Ebauche du caractère
Défauts (-)
- Influençable : Une unique personne est sujette à ce trait de caractère chez Lucrèse. Quelles que soient les situations, elle a toujours fait abstraction de ses pensées pour suivre le chemin qu’il lui indique. Ses idées ne répondent qu’aux siennes, et son jugement oscille selon ce qu’il lui transmet. D’un avis favorable à un mépris sans nom, il n’y a qu’un fil qu’il est si aisé d’annihiler.
- Sombre : Une toile ténébreuse ternit parfois le céladon de ses yeux. Elle trahit la profondeur de souvenirs, lorsque le cageot noir flotte à la surface du lagon clair.
- Lave mugissante : Fidèle à l’image de son modèle, Lucrèse est dotée -accablée- d’un fort tempérament. Qu’il s’agisse d’une parole excessive ou d’une volée, Lucrèse tâche de mesurer le degré de ses emportements -sauf exception où ses proches sont concernés. Dans lequel jamais une beigne ne sera pléthorique à ses yeux.
- Maladroite : La jeune fille en a conscience et tente d’y remédier -sans succès apparent. Jugée infortune, sa maladresse lui a depuis toujours, causé moult tracas. Porcelaine brisée, verre cassé, il ne faut pas s’étonner si un crissement retentit lorsqu’elle porte un objet fragile !
- Versatile : Patienter des heures sans remuer, se tenir sans faute, Lucrèse en frissonne. Ces termes affligent la jeune fille qui, éprise d’un désir constant de vadrouiller à tous horizons, n’est bientôt plus présente où on lui a sommé de demeurer. A l’instar du schéma de l’eau vagabondant entre les doigts, de l’air à jamais insaisissable.
- Superstitieuse : Un éclair déchirant une bâtisse, le pelage de jais d'un chat, absolument tout a une répercussion irrationnelle pour Lucrèse. Un destin avantageux cause une bénédiction, ou au contraire un chemin semé de malheur n'est que le fruit d'une malédiction.
Atouts (+)
- Droite : La jeune fille apprécie peu les bordures courbes et les lignes grossièrement tracées. Elle s’est infligé le devoir de tout cadrer, qu’il s’agisse de ce qui l’entoure ou de ses relations.
- Un charme : Quelque chose, quelque chose plane continuellement dans les traits de son visage -mais plus encore dans son sourire. La moindre émotion qu’elle y grave peut basculer l’effet qui s’en dégage. Aménité ou haine. Sentiment qui saurait aussi bien attirer que repousser. Un éclat d’admiration ... ou de frayeur.
- Joviale : Dans certaines circonstances, les doux éclats d’un rire, et la tendresse d’un sourire sont une partie de la jeune fille. Ils peuvent parfois embaumer la journée de ceux qui l’entourent.
- Créative : Son esprit déborde à tout instant d’une émotion, une étrange magie –se plait-elle à qualifier. Ce maelström d’idées trouve refuge sur les pages d’un carnet. Histoires, poèmes, contes ou simples bribes ; les mots ont pour elle un pouvoir infini. Attirant le sensoriel et les illusions, ils peuvent créer un monde -ou le détruire. Les manipuler avec précaution.
Possessions
Présent de Traya, l'hast a su s'approprier une place dans le coeur de la jeune fille. Le considérant à l'égal d'un joyau, la jeunette ne le juge plus comme une arme, mais comme un gage de confiance vis-à-vis de la guerrière -et un procédé de défense.
Baptisée Chimère, la lance symbolise le souhait le plus cher de Lucrèse.
Relations
Indéfectible
Angbor : "Un jour, on m'a demandé quelle était ma plus belle décision.J'ai répondu de m'être arrachée à mon carcan, pour sauter dans ce putain de bateau et cesser de rêver tes sourires pour les voir vraiment."
Teintes chatoyantes
Eradan Dior : Le calme d'une rivière qui jamais ne s'emporte, et un ouragan farouche. C'est possible ?
Tahnya Enemÿs : Tu es tout le portrait d'un verre qui ne sait se briser. Mais tes fêlures ne me trompent pas, moi. Ma soeur, tu ne tomberas plus.
Couleurs proches
Isadora Merilio : Ta crinière de feu hypnotise. Portes-tu toujours ton voile avec moi?
Rhan & Callie: Incapable de prendre en compte vos origines, c'est une relation étrange que j'ai avec vous deux. Je l'aime bien.
Pigments lointains
Atanasia : J'ai ta robe de mariée. J'en prendrai soin comme ton souvenir. Tu me manques, Sia. Ca me rassure quand je regarde les étoiles. J'ai l'impression de te revoir.
Valdteri : La vie arrachée par l'île, dit-on. Je suis passée chez toi. Jamais le noir ne m'avait autant étouffée. Je n'aurais pas cru que l'émotion me fasse vomir. Tu hanteras ma mémoire jusqu'à la mort.Tu fus un soulagement indescriptible.
Walae Keryah : Ma tante chérie, je ne te décevrai pas, je te le promets. J'aime à penser que maman était comme toi. Porter tes habits me donne la sensation que la distance qui te sépare de nous est franchissable. Le bracelet que tu m'as offert me porte bonheur. Ecris-nous, je t'en prie.
Cain Keryah Vuhori : Premier visage en ces terres maudites. Je ne te remercierai jamais assez pour m'avoir accueillie, mon oncle. Peu importe si les conneries t'ont condamné, tu t'en échapperas, je le sais.
Thylla : Je n'ai pas pu respecter ce que je t'ai juré. Ne m'en veux pas. Le regret de ne pas t'avoir connue plus me tiraille. Nous nous reverrons.
Kalie Keryah : Un petit morceau de lumière dans cette vie de merde. Eclaire ta mère tant que tu peux de ton énergie. Tu deviendras une grande dame, comme tu l'as promis.
Histoire
"Un souffle dans la nuit grise"
Un souffle dans la nuit grise, du ciel où les astres, étouffés par les nuages, gardent le silence. Il s’échappe de lèvres chaudes et rosées. Elles rient, rient de cet élan tendre et jovial, celui qui caractérise si bien la jeunesse d’une âme.
« J’ai bien cru que nous étions foutus ! » s’exclame une jeune fille. « Héhé, on s’en sort toujours, » la rassure une voix aux élans masculins. L’homme encercle les épaules de sa fille, protecteur. « Toujours, » murmure l’égayée.
Un brouillard cendré se tisse devant eux, ne laisse qu’à l’horizon des phares frétillants. La pluie, perfide, s’écrase avec la rapidité d’une tempête sur les arpentés. Père et fille accélèrent leur pas jusqu’à atteindre le rythme d’une course éreintée. Les lumières lointaines sont atteintes. L’eau ruisselle d’une pancarte grinçante, vétuste. « Le Renard Ligot é? » se questionne la jeune fille. « Aucune importance ! Ligoté ou pas, tant qu’il nous réchauffe !, » déclare son père. Un haussement d’épaules suffit à la convaincre.
Les battements de l’auberge conduisent à la miséricorde d’une population sale et odieusement malodorante. La boue traîne entre les bottes, décore le plancher d’une pâtée marronnée. Les ivrognes – déjà saouls, bien entendu – s’écrient de rire. Malgré l’état des clients, l’ambiance ne semble pas avoir été aussi festive qu’en cet instant. Cependant, chacun reste sur ses gardes, chacun sait qu’une discorde se matérialise si vite en échanges de poings. Cela, Tiego l’a vu. Il l’a parfaitement vu. L’homme guide sa fille jusqu’à une table reculée. Lucrèse semble avoir perçu le danger de la situation et s’en accommode. Elle maintient un certain silence, promène son regard avec discrétion sur l’assemblée. Et lorsque leurs yeux à tous deux se joignent, il n’y a pas besoin de mots. Il n’y a pas besoin de dialoguer, parce qu’ils se comprennent dans leur exactitude. L’un et l’autre se complètent – les liens du sang deviennent impénétrables tant ils se serrent lorsqu’intervient la mort d’un être cher. Alors, lorsque ce degré terrible et carabiné est touché, en effet, il n’y a plus besoin de mots. Une simple œillade les remplace.
Les plats sont commandés, parvenus jusqu’à eux. Tiego déguste sa bière, Lucrèse préfère ne pas en choisir – sans en refuser quelques gouttes toutefois. Depuis quelques minutes maintenant, elle fixe de ses yeux acérés un homme aux allures de mercenaire qui ne viendrait certainement pas de là, au vu de sa peau basanée. Elle a deviné –avant son père- qu’il focalisait son attention sur eux. Et plus particulièrement sur lui. Elle est incapable de lire dans les pensées, mais elle a bien conscience que son visage ne montre pas d’innocentes moqueries : une malice plus vilaine. Plus tordue. Il s’approche. Un peu. Pas assez pour être débusqué; pas autant que nécessaire pour leur être impassible. Un milieu où converge le noir d’un désir mauvais. Celui qui emporte les hommes depuis la nuit des temps. Celui qu’a deviné Lucrèse. Tiego réfléchit. Il s’efforce de trouver un moyen de fuir cela, pour ne pas que sa fille en souffre. Oh, s’il savait. Sa fille a perdu sa lumière juvénile. A présent, elle ne brille que de traque. Oui, de cette traque lente et sans bruit, pourtant inoffensive si on ne montre pas les crocs. Lucrèse perd de vue l’étranger ; il passe la porte. Toutefois, elle ne sent pas de délivrance. Son sentiment d’inquiétude ne fait que s’accroître.
Son père paie. Il emporte sa fille à l’extérieur, hors de question de loger dans un tel « trou à rats », selon lui. Il n’avait pas vu une ombre, rôdant près des escaliers de l’auberge. Il n’avait pas ressenti son regard oppressant. Il ne le devine que lorsqu’il vocifère : « Hé, l’enculé ! » avec un ton relatif à ceux qui n’émettent aucune différence entre l’eau et les breuvages forts. Lucrèse est agacée ; quelque chose la titille.
« Hoho, enculé, tu m’entends là ? Ta mère t’a enfoncé un clou dans les oreilles mon con ! » hausse la voix, à nouveau. Tiego a conscience que ces cas désespérés jonchent la rue, comme de la boue. Il en a toujours fait fi, et plus encore auprès de Lucrèse. Mais sa fille ne sait pas encore pourquoi elle doit à son tour les ignorer. De ce fait, elle se met doucement en colère au fur et à mesure qu’il progresse : « ENCULE ! ». Erreur ou réponse juste ; la jeune fille rétorque, semblant cracher des flammes tant sa voix est mauvaise : « Je te conseille de fermer ta grande gueule ». Ce à quoi le désigné répond : « Elle a quoi, la putain ! ». Lucrèse mord ses lèvres. Elle ne les mord pas comme d’habitude, comme son tic. Elle les mord pour ne pas céder, et ça lui fait mal. Tiego l’en éloigne. Et lui-même, par l’occasion. Ils ont un tempérament similaire : des volcans dont la lave ne hurle que jusqu’à être poussée par une éruption. Seulement, l’étranger vorace ne sent pas de satisfaction. Il faut que le bouchon émette un son digne du tonnerre ! « Un enculé et une putain ! Belle paire de conneries !, » dit-il à nouveau, plus doucement cette fois-ci. Le coup doit, selon lui, avoir l’effet d’un poignard. Lucrèse fait immédiatement volte-face. Gorgée d’une énergie enivrante, elle oublie que son père tente de la retenir, et croit lui asséner un coup de coude par pur aveuglement. Pas d’insultes, pas de phrases. Rien, hormis l’adrénaline qui englobe chaque parcelle de son corps, et lui octroie une course déchaînée vers le saoulard. Un poing contre le nez, un genou contre l’entre-jambe. En sentant ses phalanges épouser les joues de l’homme, elle reconnait assurément son teint mat, et pourra jurer qu’il est celui qui les guettait alors. L’homme s’affaisse. Elle n’est certes qu’une toute jeune fille, mais elle a l’esprit et la force juste quand le coup est lancé – ou certainement n’est-ce qu’une chance à cet instant.
L’ivrogne a les mouvements lents, peu sûrs, sa vue est brouillée par le sang et l’alcool. Mais son geste possède la capacité de petit-à-petit frapper Lucrèse par la réalité : il claque comme si sa vie en dépendait une bouteille de vin contre la façade du mur. Les morceaux de verre tombent. La moitié du récipient est brisée ; y glisser un doigt assure de lourdes coupures. L’étranger lâche un cri de guerre et propulse sa nouvelle arme contre son visage. La jeune fille reprend ses esprits – trop tard. Et recule.
Un hurlement. Il l’a eu, le bouchon au son égalant le tonnerre.
A l’inversement, c’est Tiego qui est incontrôlable. Il va massacrer la figure et le corps de l’homme, saoul ou non, cela n’a plus d’importance. Une fois l’étranger inconscient, le père le délaisse pour récupérer sa fille. Il court, il court de toute son énergie.
"Sang de rat?"
C’est la grisaille. La poiscaille luit sur les comptoirs, son vendeur hurle avec acharnement qu’il faut l’acheter ; que ses prix bas dépassent tout entendement. Il oublie d’ajouter qu’il doit nourrir les siens et que son petit, le plus en bas âge, va bientôt mourir de malnutrition. En lorgnant sur le côté, l’œil est attiré par un amas hétéroclite de camelotes, brillant plus que de raison. Leur propriétaire repère dans la foule tonitruante quelques demoiselles à qui les proposer. Il connait l’innocence et l’idiotie de la jeunesse. Il s’en sert pour se débarrasser de ces babioles qui n’auront jamais un usage supérieur à quelques jours, et s’en réjouit. Evidemment, il préfère oublier que si les produits de son étal ne sont pas tous pris, alors il pourra se questionner sur sa probabilité de manger. Il dérobera, certainement, et son manque de discrétion le condamnera à … une main tranchée ? Un pied ? Quoiqu’il en soit, il perdra la vie. Les tissages sont identiques chez tous les vendeurs. « Achetez, achetez ». Juste pour vivre, juste pour survivre.
C’est bien morne, ici, se murmure Lucrèse. La jeune fille sent des épaules de toutes formes, tailles et couleurs bousculer les siennes. Elle est sur ses gardes ; aux aguets avec l’aisance d’un félin. L’horreur peut se vêtir d’un masque rieur. Alors, elle se protège d’une expression froide, glacée. N’y-a-t-il que de cette manière qu’elle peut échapper au mal ? Ses pensées l’approuvent, le fredonnent. La jeune fille avance, trace un sillage inconnu, et bien entendu, se perd dans l’afflux. Elle ne veut plus croiser le visage de ces commerçants. Elle veut oublier la pomme qu’elle a promis d’acheter à Octave, parce que le préambule d’une intense détresse ne cesse de la frapper à chaque regard avec eux. Les coulisses du théâtre de la vie, elle les connait. Elle les parcourt tous les jours.
Lucrèse se maudit encore d’avoir emprunté cette ruelle interdite, au petit matin. Elle se maudit d’avoir entendu les cris d’une femme et les ricanements de ses agresseurs. Elle se maudit de s’être empêtrée dans cette caisse aux senteurs morbides. D’avoir plaqué ses paumes contre ses oreilles, d’avoir attendu. Et, lorsqu’elle l’a quittée, d’avoir vu cette coulée cramoisie. Sang de rat ? Sang de rat ? Cela la torture. Sang de rat ? Cette petite question se ressasse dans le moindre de ses cauchemars.
"Portée par un rire d'enfant, elle rejoint les bras de son père"
La clarté de la lune crépite faiblement sur la mer, si calme qu’on la croirait endormie. L’obscurité est à son comble. On repère dans le havre de l’océan un navire. Sur son pont se dissimulent quelques lueurs. La bougie vacillante d’un chandelier annonce une ombre féminine. Adossée contre un mur, elle trace de longs traits contre un parchemin maintenu grâce à un support de bois. Ses yeux pétillent.
« A Toi,
Je crois que cette lettre ne te parviendra pas tout de suite. J’ai hâte, si hâte du jour où je pourrai te la remettre de mes propres mains. Si hâte du jour où ton visage ne sera pas qu’un sourire dans mes souvenirs, mais une figure bien réelle. Tu me manques. Oui, tu me manques à un point que je ne saurai définir. Et c’est pour cela que je sens les effluves marins caresser mes joues. C’est pour cela que le chant de l’eau bat mes tempes. Tu aimerais le calme qui émane ici. J’ai gagné le bateau il y a de cela hier. Je n’en pouvais plus, je n’étais simplement plus capable de patienter plus longtemps. N’ayant reçu de réponses de ta part, j’ignore si tu as reçu ma précédente lettre – celle où je t’annonce que je viens. Je n’ai pas égaré les biens précieux que tu m’as donnés, en attendant que je te gagne. Ils ont servi de monnaie à mon passage.
Je crois enfin comprendre quelle a été ta douleur lorsque tu as quitté les terres. Le visage d’Emeraude, de Lucien et du petit Octave me hante encore. Je ne les remercierai jamais assez pour le foyer qu’ils m’ont offert. Combien de fois m’ont-ils dit à quel point je te ressemble ! Et vu la mélancolie traîner dans mes yeux. Je me rappelle de leur expression. Un matin – le précédent, en l’occurrence – j’ai paru avec … avec rien. Tes joyaux, un parchemin, c’est tout. « Je pars », c’est ce que j’ai dit. Leurs gros yeux ! Tu aurais ri. Ils ne m’ont pas bien crue. Enfin, ils ont dû se résigner à ma décision. Je te rejoins.
Je crois aux fils cousus au doigt de chacun de nous. J’ai la conviction la plus totale que le nôtre est inéluctable. Cette ligne qui déchire mon sourcil ne peut être une preuve plus éloquente. Tu ne crois pas ? Tu ne m’as pas assez décrit les rues de ta cité. Sont-elles si différentes que les miennes ? Où te réfugies-tu, parfois le soir, lorsqu’aucune tâche ne t’incombe ? Quel est ton petit arbre de paix ? Tellement de questions me tordent. Il me tarde que tu m’y répondes. Ta main ne me caresse plus le soir, lors de mes cauchemars. Elle ne me touche plus la tête, comme autrefois. Elle ne me serre pas dans ses bras quand le courage me quitte. Je suis un peu trop grande, pas assez petite, je le sais. Pourtant, la même émotion me vient. A chaque fois. Il faut un certain âge pour apprécier l’apaisement, à ton avis ? Je n’en suis pas très convaincue.
Je ne pourrai jamais rien dire d’autre que « je t’aime » pour défendre ce choix. Rien d’autre que ça.
Ta fille, ta fille qui pense toujours à toi. »
Et dans les flammes des ténèbres, l’ombre baisse le voile de ses paupières. Elle s’immerge, flotte, succombe à ses souvenirs. Ceux où, portée par un rire d’enfant, elle rejoint les bras de son père.
Esperia
- Arrivée le 20 juin 515.
- Tensions diverses, naissance de liens.
- A subi la crise de l'épidémie, courant août.
- S'en extrait indemne.
- Choisit d'abandonner le travail du bois pour les bienfaits de la cuisine, début septembre.