Utilisateur:Badrin

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Arsenius






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Aptitudes

• Combat T2+

Régulier épée droite/sabre droit

Mains nues amateur

• Navigation

• Connaissance

Cartographie

Description physique

Badrin est un homme d’âge mûr au physique entretenu par une dure vie de marin. Il est de bonne stature, manquant de peu d’atteindre le mètre soixante-dix et présentant des épaules assez solides. Particulièrement sec à force de privations et d’efforts, on peut deviner à son flanc quelques-unes de ses côtes, mais le plus souvent, il porte des vêtements larges qui ne facilitent pas ce genre d’observations. Plutôt à l’aise dans son environnement, le bonhomme n’hésite généralement pas à occuper l’espace qui l’entoure, mais il sait tout aussi bien se faire plus discret et respectueux lorsque les circonstances l’obligent. Badrin présente une musculature assez discrète quoique développée, fruit de son travail en mer et de ses diverses activités. Au premier coup d'œil, on retiendra surtout le sommet de son crâne, parfaitement dégarni, qui lui donne un air austère et sérieux, et ses yeux sombres desquels émane parfois une lueur un peu triste.

Badrin soigne les cheveux qui lui restent. Ils sont d’un blond qui tend vers le brun et sont le plus souvent coiffés en arrière, bien rangés derrière ses oreilles. Celles-ci sont assez petites, la gauche légèrement entaillée suite à une mésaventure avec un hauban à bord de son petit voilier. Sa mâchoire est assez carrée, il a une petite fossette au menton et une pilosité tout à fait normale, quoiqu’il s’acharne à demeurer rasé de près tant qu’il le peut. Le coin de ses lèvres semble inlassablement tirer vers le bas, et son nez en trompette dévie quelque peu de sa trajectoire initiale, déterminée par un front proéminent cerné de deux sourcils broussailleux le plus souvent fâchés. Il possède des traits fatigués par son existence misérable, de nombreux plis dans sa peau qui deviendront bien assez tôt des rides marquées. Son teint est tantôt rougi par le soleil tantôt parasité par une fine couche grasse, comme l’hygiène est rarement la première de ses préoccupations.

Tout son corps est parcouru de petites cicatrices le plus souvent discrètes et tout à fait banales. Deux surtout sont assez impressionnantes pour être notées : la première, de cinq centimètres de longueur et d’un demi centimètre de largeur dans le creux de sa paume droite, et l’autre, de presque dix centimètres, qui s’étend de son majeur gauche jusqu’au haut de son poignet en parcourant le dos de sa main. Ses autres cicatrices sont mineures, et sa peau n’est parasitée que de boutons et grains de beauté disgracieux.

Description morale

Anochyre est d’un naturel sociable mais solitaire. Il sait s’entourer avant tout par débrouillardise et pour mener à bien ses projets, mais le destin semble lui avoir prouvé qu’il était incapable de fonder une famille ou de s’insérer normalement dans la société capitaline. De ses échecs successifs, il entretient un esprit revanchard à l’égard des autorités, en particulier l’Ordonnance de Mont-aux-mouettes et la Flotte Royale de Fort-Bais. Anochyre n’a toujours pas digéré d’avoir été fait esclave plus jeune et il a vu nombre de ses camarades disparaître des suites des décisions de justice de fonctionnaires du royaume, ceux-là étant tout aussi corrompus que ceux qu’ils condamnaient à divers supplices et parfois même à la mort. Il est toujours en quête d’une réussite matérielle bien palpable, qui réussira à lui faire oublier toutes les fois où ses plans ont été réduits à néant par les aléas de la vie.

Par ailleurs, ses activités de contrebandier lui semblent couler de source, et comme il a toujours baigné dans un milieu franchement suspect il ne distingue pas tout à fait ce qui différencie le bien du mal dans les yeux des autres. De fait, son éducation est assez sommaire, et ses connaissances ne s’étendent que sur quelques sujets qu’il maîtrise solidement et qui le concernent toujours directement. Il serait bien incapable d’écrire dignement, aussi il a souvent recours, non sans honte, aux services de lettrés prêtant leur plume. Du reste il demeure capable de tenir ses comptes sans jamais verser dans la littérature. Des livres il ne perçoit que la valeur religieuse ou marchande, et sa capacité à lire les cartes repose d’abord sur ses connaissances géographiques et non pas sur son aptitude à déchiffrer les noms qui s’y trouvent inscrits. Comme il a honte de sa manière enfantine de lire, il s’isole soigneusement avant de se prêter à l’exercice.

Parfois fourbe, Anochyre n’en est pas pour autant mesquin et il essaie toujours d’emprunter la voie du moindre mal. Il n’hésite pas à mentir et le fait avec peu d’émoi, s’exprimer et se faire comprendre ne lui font généralement pas peur. La plupart du temps, on le trouve tout à fait calme et apaisé. Son agitation est en revanche assez extrême dans le cas où il se sent traqué, voire sur le point d’être découvert. Quelques mauvaises expériences l’ont en effet laissé profondément paranoïaque et l'anxiété quotidienne d’une vie de modeste paria a eu raison des derniers cheveux qui trônaient sur le haut de son crâne. Il lui arrive de se ronger les ongles ou de taper du pied à un rythme effréné lorsqu’il est attablé, et s’il sent que le vent ne tourne pas en sa faveur, on pourra même le dire colérique et nerveux sans vraiment se tromper.

Tolérant dans les affaires, il est habitué à être en contact avec des caboteurs d’origines variées, mais il n’en reste pas moins largement atteint de chauvinisme. Il lui apparaît que la gloire de l’Empire Central est intacte et il porte fièrement son prénom, directement inspiré d’une forteresse capitaline de Medeva. Son père lui a en effet transmis un amour profond de la région, et cet amour s’étend plus largement à l’institution royale et à tout le royaume. Anochyre est emprunt de nombreux préjugés qu’il garde plus ou moins pour lui, et son hostilité est plutôt réservée aux élites, qu’il méprise. Il est inquiet de l’influence grandissante des caroggians et il est très défavorable au garantier de commerce placé dans les Trombes par la République marchande. Lorsqu’il faut parler politique, le trombier sait surtout pester contre De Fauxvelles, ses maires, et sa récente conversion. Il est bien plus favorable à son successeur Adagan, surtout parce qu’il le croit moins autoritaire et dangereux pour la contrebande et, dans une moindre mesure, car il est originaire de l’Aon.

Rapport à la religion

Anochyre est un fidèle monachiste pieux et pratiquant. Son éducation religieuse est sommaire et pourtant c’est le seul savoir intellectuel qui lui a été transmis, principalement par le moine Lonbard du monastère délabré de Porempreur. Sa vie ayant été plutôt mouvementée, Anochyre a connu quelques monastères différents, notamment celui de Saillonne, mais il a aussi suivi l’office de plusieurs lainati, un phénomène répandu à La Moussue. L’essentiel de ses activités en faisant un hors-la-loi, le trombier pratique la rationalisation des fautes et leur rachat en donnant souvent une partie de ses gains à la foi locale. Il estime normal de recourir à la violence pour parvenir à ses fins, et il se pense même assez modéré, n’ayant ni pour habitude de mutiler ou de tuer, se contentant donc le plus souvent du reste.

Anochyre se souvient de son autel familial d’antan comme le témoignage d’un âge d’or révolu, celui de l’insouciance et du foyer chaleureux où il vivait avec ses parents et son grand frère Alysion. Par conséquent, le trombier a toujours tenu avec un zèle remarquable tous les différents autels auxquels il s’est attaché spirituellement. Il considère la religiosité comme un excellent critère pour juger de la valeur de quelqu’un, et il a peu de considération pour ceux qui s’opposent ouvertement à la morale monachiste. Lors de son séjour à Gastaphedes, Anochyre a été confronté au culte iconodoule propre aux îles ocolidiennes mais aussi à la mystérieuse confrérie de la moinerie pour qui il a fini par développer une sincère aversion. S’il est toujours resté très secret à ce sujet, il est profondément hostile au culte des images qu’il considère comme une dérive inexcusable. De fait, il n’est pas très sensible aux pratiques kaitusianistes et pas franchement enthousiaste auprès des personnalités mystiques.

Lorsqu’il prie, Anochyre a toujours quelques mots pour le Sovitelija, pour son roi Adagan puis pour sa mère et ses frères, et il n’oublie jamais de mentionner le moine Lonbard. Il porte régulièrement des réminiscences comme on lui a enseigné, et lorsqu’il le fait, c’est en général pour se racheter de ses principaux vices : la duperie, le mensonge et le vol. Quoiqu’inquiet pour le jugement de son âme par Arbitrio, le trombier pense avoir à peu près toujours agi comme lui dictait le bon sens. Pour ce qui est des phalangistes, Anochyre n’en a quasiment pas connu et les aborde avec curiosité.

Histoire

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(477-489, jusqu’à 12 ans)

Porempreur, Archipel des Trombes

Anochyre Badrin est un modeste caboteur, mercenaire et contrebandier originaire de Porempreur dans l’Archipel des Trombes. Il naît en 477 au sein d’une famille de pêcheurs très impliqués dans les activités louches qui lient les ports vaseux et discrets de ses îles natales aux points névralgiques du commerce souterrain de tout le continent. Son père dispose d’un honorable réseau au sein de la contrebande ocolidienne et a des contacts fréquents avec des équipages franc-marins des chartes gastaphédètes et fierannes. Sa mère, Sylmarilène, se montre particulièrement tolérante avec ces activités auxquelles elle ne participe pas mais dont elle profite sans vergogne. Anochyre a déjà un plus grand frère et la vie du foyer est déjà bien huilée, aussi il n’a à souffrir d’aucun événement malheureux dans sa tendre enfance. Le plus gros de son éducation religieuse est assurée par le moine Lonbard jusqu’en 484 : il lui apprend sommairement à lire et à écrire, chose qu’il fera toujours non sans de grandes difficultés. Anochyre s’intéresse davantage aux aspects pratiques et palpables de la vie ; il n’aura jamais vraiment l’occasion de découvrir ni le plaisir ni l’intérêt de la lecture. Enfant, il est d’un tempérament coriace et franchement bagarreur, un trait cultivé par ses parents qui voient dans sa débrouillardise et sa témérité sa seule chance d’ascension sociale. En 486, le jeune garçon dérape sur les rochers escarpés près des grands quais en pierre de Porempreur alors qu’il travaille sagement à collecter des crabes. Ne sachant pas encore très bien nager, il manque de se noyer avant d’être secouru par un badaud.

Les souvenirs qu’il conserve de cette période sont rares, et les images qui lui viennent en tête sont d’abord celles des histoires que son grand-frère n’a jamais cessé de lui raconter à chaque fois qu’ils se sont vus par la suite. Bien que ça ne corresponde à aucune forme de réalité, le trombier est persuadé qu’il s’agissait là pour la famille d’un âge d’or dont il ne verra plus jamais la couleur. En fait, à cette époque, les Badrin comptent encore pour beaucoup sur le fruit du travail de Sylmarilène, qui vend le fruit de sa pêche à Mont-aux-mouettes plusieurs fois par mois. Cependant, la maladie la ronge et Anochyre sera bientôt plutôt accoutumé à la voir rester enfermée dans la demeure familiale.

(489-495, de 12 à 18 ans)

Porempreur et Baie-aux-canards, Archipel des Trombes

Le cadet des Badrin est formé à la navigation dès son plus jeune âge. Il est initié par son propre paternel, Hugues Badrin, aux activités criminelles ayant cours au port de Baie-aux-canards. Pendant de longues années, le garçon distingue assez mal ce qui est légal de ce qui ne l’est pas : c’est une subtilité qu’il comprend plutôt à force d’observation, avec l’âge. Tutoré par son grand frère Alysion, de cinq ans son aîné, et à bord de l’embarcation familiale, il rallie régulièrement les îles de Linande, Grenate et Rabeline et assure la pérennité de son commerce en vendant principalement des épices ocolidiennes et du tabac manarade jusqu’à Issière, en profitant des liens du père qui s’étendent jusqu’à Fiera et Gastaphedes. Il lui arrive aussi de servir de guide pour les voyageurs locaux dès 492, alors qu’il a quatorze ans. Manoeuvrant une petite barque, il parcourt occasionnellement le réseau de son père, constitué de quelques gardiens de phares isolés qu’il ravitaille en provisions. On le trouve souvent en compagnie de Tissène, une humble pêcheuse de basse condition comme lui. Son grand frère Alysion ironise sur cette amourette et mène pour la première fois Anochyre à la maison close de Baie-aux-canards, ce qu’il accepte avant tout par défi.

Selon son paternel Hugues, les Badrin vivent à Porempreur depuis plus de cinq ou six générations ; leur aïeul aurait été un de ces naufragés ayant préféré rester là plutôt que de faire le chemin du retour jusque chez lui. Toujours selon Hugues, il aurait été un marin de Franc-Port employé dans la flotte de l’Empire central lors du retrait de la Zaraga. En dépit d’un chauvinisme revendiqué, la légende impériale marque peu le garçon à l’exception des vestiges de la forteresse d’Antagone, qu’il fait d’ailleurs visiter moyennant une certaine somme. Anochyre se montre très responsable, pourtant, il se fait dévaliser à plusieurs reprises par des caboteurs rivaux mieux organisés et plus nombreux, aussi, le père Badrin décide de le confier à la milice de Porempreur en guise de punition et pour qu’il s’endurcisse. En vérité, son espoir réside plutôt dans le fait d’écarter temporairement le jeune marin. Mieux encadré, il ne pourra plus causer autant de frayeurs à sa famille, sera formé aux armes, et pourra peut-être même faire profiter les autres Badrin de quelques amitiés avec les patrouilleurs des Trombes qu’il fréquente.

(495-501, de 18 à 24 ans)

Linande, Grenate et Rabeline, Archipel des Trombes

Anochyre participe rarement aux activités de contrebande de son frère et de son père, le plus souvent lors de ses permissions. La majorité de son temps s’organise autour d’une petite caserne munie d’un quai dans la périphérie de Porempreur. Il s’y entraîne auprès du seul véritable maître d’armes qu’il connaîtra jamais, Ojaäri, un vieil adaarion en retraite ayant servi dans la garde montagnarde du bourg fortifié de Suovi, plus au nord, qui lui apprend à manier l’arme traditionnelle des marins : le sabre. Cela dit, les altercations sont extrêmement rares, le travail consistant plutôt à patrouiller sur de maigres voiliers afin de guider les navires à travers les récifs des Trombes ou pour venir au secours des naufragés quand c’est possible. Anochyre peut ainsi avertir sa famille des activités de patrouille qui menacent parfois les échanges avec Baie-aux-canards. Ses camarades l’apprécient pour sa connaissance de la région et son aptitude à se repérer aisément le long des côtes.

Cette période paisible de sa vie s’interrompt brutalement à la mort de sa mère, déjà vieille, emportée par la maladie en 495. Le jeune homme a alors 18 ans. La procession part du monastère délabré de Porempreur où Lonbard prend la parole en honneur de la défunte, qu’ils portent en terre au cimetière. Badrin en conserve un souvenir douloureux car il assiste, impuissant, à la lente déchéance morale de son père, très affecté, qui multiplie les imprudences. L’absence de leur mère et épouse rend la vie difficile à l’ensemble des Badrin qui doivent redoubler d’efforts pour subvenir à leurs besoins, mais la maison tombe en ruines et tous semblent emportés dans une spirale d’échecs successifs dont ils ne voient pas le bout. Même l’autel familial finit par être laissé à l’abandon, après que les visites du moine Lonbard se soient trop écartées pour qu’il surveille sa bonne tenue.

C’est en 501 que Hugues est dénoncé par son contact à Eiquem-le-moutier, un serviteur laïc au service de l’ermitage local. Lors de leur escale, le père Badrin et son premier fils Alysion sont accueillis par des marins de la Flotte Royale. Leur embarcation est saisie et Hugues est réduit en esclavage, plongeant Anochyre et son grand frère dans la précarité la plus totale. Ils pensaient pouvoir reprendre l’affaire familiale mais plus personne ne veut s’associer à eux en raison de leur réputation, qu’ils doivent entièrement aux excès de Hugues. Anochyre est alors renvoyé de la milice ; Ojaäri lui annonce qu’il ne lui enseignera plus rien et qu’il n’est pas digne de confiance. Le jeune homme ne comprend pas cette mise à l’épreuve, qu’il vit comme une trahison de la part d’un vieux croulant aux valeurs morales illusoires. Il s’est aussi beaucoup éloigné de Tissène et ils ne se voient plus. Avant de partir vers l’île de Linande, il renonce au dernier moment à lui faire ses adieux en la découvrant en compagnie d’un caboteur rival qui se fait surnommer “le Lampion”, un protégé du Godar de Baie-aux-canards.

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(501-507, de 24 à 30 ans)

Mague et Haute-falaise, Archipel des Trombes

Badrin, déjà adulte avec sa vingtaine bien entamée, doit alors se résoudre à émigrer sur l’île de Linande et à rejoindre une bande d’échoueurs en compagnie de son frère. Pendant quelques années, il vit dans une misère chronique entre les villages de Mague et de Haute-falaise, et sinon quelques coups réussis pour le convaincre de poursuivre ses méfaits, le plus souvent, il évite de peu de se faire attraper. L’activité des échoueurs consiste à éteindre d’une manière ou d’une autre les phares régionaux pour provoquer le naufrage des navires de passage. Ensemble, ils finissent dans un groupe d’une douzaine de membres qui se fait appeler “les quilleurs”, en référence à la quille des bateaux, et emménagent dès 503 une crique abandonnée où ils s’établissent durablement, mais la position de leur campement change plusieurs fois comme ils craignent d’être découverts.

Anochyre s’illustre auprès de ses pairs lorsqu’il brutalise les gardiens des phares et leurs occupants pour les dissuader de résister, exercice auquel il s’adonne avec beaucoup de naturel. Il peut tout à fait mettre à profit sa connaissance du réseau de fanaux isolés du sud et de l’ouest des Trombes. Les échoueurs ne disposent que de quelques barques, ils s’en servent notamment pour simuler de se trouver en détresse et ainsi amener les navires au plus près des dangereuses côtes, ou pour aborder d’autres caboteurs. Alysion son grand frère est celui du groupe qui s’aventure le plus à travers l’archipel pour y glaner des informations, parfois jusqu’à Mont-aux-mouettes. En se montrant utiles, les deux Badrin s’en tirent à bon compte et envisagent à plusieurs reprises de retourner s’établir à Porempreur ou à Baie-aux-canards, mais ils ne disposent jamais des fonds suffisants pour acheter le petit voilier qu’ils convoitent. Anochyre est initié à la rationalisation des fautes par le lainati du groupe des quilleurs, un excentrique albunois défroqué de l’ermitage de Montarei.

Sur leurs derniers coups, leur technique se perfectionne et ils parviennent à faire échouer un petit navire de transport commercial vellabriais à destination de Uuroggia. Ils ne peuvent récupérer qu’une partie de leur butin, l’autre demeurant au fond de l’océan, mais c’est déjà un gain très supérieur à tout ce qu’ils ont connu. Cet épisode finit d’attirer définitivement l’attention sur eux. Finalement, l’inévitable se produit en 507 et Anochyre et sa bande sont arrêtés conjointement par la Flotte Royale et la garde locale de Mont-aux-mouettes. En plein travail nocture, alors qu’Anochyre simulait en compagnie d’un autre échoueur de se trouver en péril, il est repêché par les autorités et on lui met directement les fers. Là, lui et son camarade sont conduits sur la côte, où le reste de la troupe de bandits s’est également rendu, dépassé. Après un interrogatoire de nuit sur la plage et un tabassage en règle dont Badrin garde un souvenir vivace, ils doivent conduire les autorités jusqu’à leur campement pour qu’il soit complètement mis à sac puis incendié.

(507-509, de 30 ans à 32 ans)

Fort-Bais, Aon

La moitié du groupe est condamnée à la pendaison sous les yeux de quelques représentants de l’Ordonnance locale, à Mont-aux-mouettes, et l’autre, dont Anochyre et son frère font partie, est réduite à l’esclavage et à l’exil après plusieurs exhortations de moines représentant l’apothi de la ville. En plus de leur servitude à venir, les deux frères sont séparés. Jusqu’en 509, Anochyre sert en tant qu’esclave de la Flotte royale dans les chantiers navals de Fort-Bais. Il est contraint de montrer les muscles pour sa pitance dans l’une des ergastules du port et il est rapidement repéré pour participer à des combats d’esclaves illégaux organisés par les marins et les soldats eux-mêmes. Les conditions de vie sont assez pitoyables mais la perspective de racheter ses fautes et d’ainsi acquérir sa liberté lui donne assez de courage pour affronter de longs mois de travail acharné où son tempérament lui vaut quelques altercations. Il travaille tantôt avec les charpentiers de marine de la ville fortifiée, tantôt à l’entretien des bâtiments de rang inférieur. Sa discrétion et son sérieux lui valent d’être plutôt bien considéré.

Il devient notamment la cible d’un groupe d’esclaves canatanais particulièrement chahuteurs. De longues années de piraterie l’ont laissé assez inadapté à la vie en communauté, il peine à tisser des liens avec qui que ce soit et lorsqu’enfin il se décide à se mettre en avant auprès de ses congénères esclaves, il s’attire des ennuis. Après quelques temps à subir cette situation, il trouve un bouc-émissaire tout désigné en la personne d’un larrelierois grossier à qui il attribue des insultes explosives. Anochyre prétend ainsi auprès de quelques canatanais que le larrelierois répand une rumeur selon laquelle ces premiers auraient été réduits à l’esclavage pour avoir participé de loin à l’empoisonnement du fils de l’Haadaed Lysje Cadfan, Okkert. L’échoueur se trouve malin et participe au tabassage qui suit. Les canatanais, reconnaissants d’avoir pu laver leur honneur, remercient Anochyre et scellent d’une poignée de main avec lui leur nouvelle entente qui durera jusqu’à la fin de son séjour à Fort-Bais. Le larrelierois lui voue dès lors une hargne qui le laisse indifférent.

Badrin songe souvent aux parents qu’il lui reste, il se réfugie dans la foi et le rite adaarion. On le voit souvent arborer une réminiscence et se montrer volontaire pour assister les vénérables et les serviteurs laïcs de la maison de charité. Ceux qui le connaissent le mieux se montrent plutôt prudents face à ce comportement qui le rend presque suspect à leurs yeux. Le contrebandier supporte mal la captivité et seul l’espoir de retrouver sa liberté l’assagit, aussi il est certain que son attitude docile est intéressée. Ses trente ans derrière lui, il n’a pas fondé de famille et a été défait de tout bien. Il voit souvent un moine adaarion verreux, Lippünen, un assistant du rahas du monastère, c'est-à-dire son trésorier. Dans ses prières, il mentionne d’abord sa mère Sylmarilène, bien qu’il ne doute pas de sa prompte réunion avec Arbitrio. Ensuite viennent son père et son frère, ceux qui partagent le même sort que lui en des lieux qu’il ignore. Dans le secret, il développe un sincère esprit de revanche envers les représentants de l’autorité capitaline et il rêve régulièrement des retrouvailles avec sa famille.

(509-511, de 32 ans à 34 ans)

La Moussue, Aon

À force de zèle, il obtient sa libération. Il gagne aussitôt La Moussue, loin de la surveillance de la Flotte royale et là où sévit une importante communauté trombière très active dans la contrebande. En façade, il s’engage dans la milice locale et honore une nouvelle bénédiction d’appel. Il se rend à plusieurs reprises à Porempreur pour arrondir ses fins de mois et tenter de retrouver sa famille à l’aide du vénérable Lonbard, qui l’accueille dignement. C’est de lui qu’il apprend que Tissène est mariée et qu’elle vit désormais à Mague. Comme son frère demeure introuvable, il s’établit finalement à La Moussue jusqu’à la fin 511. Il s’agit alors d’un port privilégié par la piraterie ocolidienne. Badrin retrouve même certaines têtes de passage à Baie-aux-canards. Il entretient surtout des liens étroits avec la pègre aonite et le réseau de l’archipel de l’autre côté de la baie. Pendant cette période, il entraîne deux jeunes miliciens véreux qui n’ont jamais tenu un sabre de leurs vies : le simplet Tobiny, un miséreux de Crivalle, et Guillote, une moussienne au caractère bien trempé. C’est l’occasion pour Anochyre de se remettre en forme et d’enseigner aux jeunes recrues à fermer les yeux comme le veut la mode capitaline.

Par la faute de Tobiny, l’ancien échoueur est contraint de se cloîtrer à la caserne de La Moussue pendant plusieurs semaines. En effet le jeune milicien a fanfaronné auprès d’un clan qadjaride honarmide de passage, leur causant du tort publiquement et justifiant ses actes en mentionnant à tout va le nom de Badrin, qu’il pense capable de l'extirper de cette situation délicate, ce qui est loin d’être le cas. La réputation du trombier ainsi ternie, il n’en tient que peu rigueur au garçon qui ne peut que se désoler de voir la frustration terrible qui semble saisir le poremprerois. Le supérieur direct de ce dernier le menace même pour la peine de le faire envoyer au moulin à cons d’Andosse s’il se fait encore remarquer. Il ajoute qu’Azad en personne y viendra pour le visiter et l’encourager si vraiment il désire perturber les affaires du clan de La Source, une idée fantaisiste mais dont l’effet demeure intact à ce jour sur le pauvre Anochyre, lui qui n’entretenait jusqu’alors aucun grief envers les qadjarides. De fait, aucun clan ne s’aventure jamais dans les Trombes. La jeune milicienne Guillote, de son côté, apprend vite. Sur ses conseils, Badrin offre à son lieutenant plusieurs bouteilles de vin des Saillades et un pied de Buron, et parvient ainsi à l’apaiser durablement.

Il dépense d’ailleurs une part non négligeable de ce qu’il gagne à payer des caboteurs pour qu’ils lui rapportent des nouvelles de sa famille. Ses tentatives n’aboutissent à rien ; en l’espace de quelques semaines, il obtient deux pistes, l’une vers la Forteresse de Julyan dans Les Marches, l’autre vers Lauderfelt. Il en conclut qu’on se joue de lui et cesse de gaspiller ses royes. En revanche, il apprend avec amertume le succès des affaires du Lampion. Lui et ses caboteurs ont raflé tout ce qui restait des contacts contrebandiers que les Badrin avaient à Porempreur. Anochyre met un terme à ses voyages jusque là-bas : mis à part le moine Lonbard pour l’accueillir, il sait que la bicoque familiale n’est plus qu’une ruine et qu’il n’a personne à y trouver.

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(511-515, de 35 ans à 38 ans)

Gastaphedes, Archipel Ocolidien

Peu avant le début de la guerre de succession capitaline, l’arrivée d’une troupe de fonctionnaires des autorités de Saillonne accompagnée de légionnaires pour faire cesser toute activité criminelle à La Moussue le pousse à fuir précipitamment la ville avec Guillote. Plusieurs navires quittent les quais à destination des Trombes mais Anochyre est trop long à se décider. Le soir même, il quitte le Royaume Central pour la première fois en embarquant à destination de Gastaphedes, au nord-ouest de l’Archipel Ocolidien. Un contact de la contrebande ocolidienne sur le départ lui a assuré qu’il s’agissait là de son seul espoir de quitter La Moussue en vie et sans chaînes à ses pieds. Des rumeurs avancent même que le village pourrait tout simplement être rasé de la carte, les autorités ayant décidé de mettre un terme au contournement des droits de douane de Fort-Bais. Terrifié à l’idée de voir sa liberté nouvellement acquise lui être déjà si cruellement retirée, il n’en faut finalement pas plus pour le convaincre de plier bagage et rassembler ses quelques royes, en dépit du risque évident de son entreprise.

Arrivé à Gastaphedes, il découvre avec une fascination contenue l’ampleur de l’influence du Qartaire et se fait le plus discret possible. Avec Guillote ils résident d’abord quelques temps dans une auberge malfamée avant d’établir un refuge de bois et de torchis dans des vestiges de la citadelle au bord des falaises. La chance leur sourit puisqu’ils ne sont pas trop brutalisés, ils passent même relativement inaperçus et peuvent, une semaine après leur arrivée, se mettre au service d’une famille de commodes, les Caribel, composée de cordeliers et de tisseurs de voile. Anochyre fait leur connaissance grâce à un entremetteur de la contrebande, familier de Baie-aux-canards. Guillote n’a jamais vécu parmi des tindoliers, elle passe donc les premiers mois à imiter Badrin, qui travaille parfois pour deux sans sourciller. Les commodes dont le rôle est central pour la société ocolidienne bénéficient d’une protection relative dont l’influence s’étend jusqu’aux pauvres travailleurs qu’ils servent, une aubaine pour les deux continentaux. De plus, Gastaphedes est à l’abri des écumeurs grâce à la syndic nantie Amarante Inviiseina qui ne tolère que quelques chartes de franc-marins.

Naturellement, Anochyre demeure hostile au culte iconodoule. Il ne comprend pas que les ocolidiens se soient écartés des traditions de leurs aïeuls lorsqu’ils sont des descendants de réfugiés. Pour les quelques manarades qu’il rencontre, il est incapable de les différencier des qadjarides du continent et dans son raisonnement grossier, il va jusqu’à leur attribuer la responsabilité de l’apostasie manifeste qui règne parmi les îles. Il ignore tout de l’action du monachiste Théocharès et se contente du folklore local de la Confrérie de Gastaphedes. Durant toute la première année, il se rend régulièrement à la moinerie pour y pratiquer des rites dispensés par des membres de la confrérie, mais après avoir assisté à sa première Psalmodie de Nivôse avec une certaine horreur, il se promet de ne plus jamais s’y rendre. Ils décident alors avec Guillote de tenir leur propre autel familial et d’organiser discrètement une communauté de croyants arbitrés insatisfaits, composée en plus d’eux de Maussan, une capitaline de la Sublime, Thuphiros, un mésigue, et Leivön, un adaarion.

Thuphiros est un mésigue d’un bon quart de siècle avoisinant le mètre quatre vingt dix, présent sur l’Archipel depuis qu’il n’était qu’un jeune adolescent lors de la Campagne de Medeva. Badrin fait sa rencontre par l’intermédiaire des commodes pour qui il travaille, puisque le medevan fait occasionnellement le vigile sur leurs chantiers. Thuphiros est quasiment muet suite à une bagarre des années plus tôt : alors qu’il était employé au maintien de la sécurité d’une festivité dans un des villages intérieurs de l’île, il est victime d’un coup terrible, sous la mâchoire, qui referme ses dents sur sa langue, en sectionnant la majeure partie. Lourdement handicapé pour s’exprimer, il renonce à parler. Anochyre en fait peu de cas et ils se lient d’amitié au point que Thuphiros l’introduise au sein d’un foyer communautaire de réfugiés mésigues où vit notamment ce qui lui reste de parents. Ils résident dans une grande misère et à l’écart de la société gastaphédète, à la lisière de la ville. Comme il a un grand cœur, il propose même à Badrin de rester parmi eux mais lui ne peut se résoudre à accepter, alors, le mésigue propose au caboteur de le rejoindre en tant que vigile.

Dès 513, le trombier participe moins à l’activité de charpenterie de marine et il officie plutôt comme garde privé en compagnie du grand Thuphiros avec qui ils s’entraînent. Comme il reste en bons termes avec les commodes, il continue de jouir d’un semblant de protection quoiqu’il soit plus fréquemment confronté aux aléas de la criminalité locale. C’est une activité moins profitable que celle de tindolier mais moins usante aussi, puisqu’il est rarement employé sur des endroits considérés comme chauds. Le plus souvent, les deux mercenaires gardent une crique pour le compte d’un représentant du Syndic. Il s’agit d’une des seules plages qui permettent d’accéder à l’île, entourée de falaises. Ils la surveillent et doivent rapidement avertir les autorités si un navire abritant un équipage écumeur y accoste. Badrin qui songe quelques temps profiter de cette opportunité pour toucher d’importants pots-de-vin y renonce finalement face à la réticence de Thuphiros. Guillote non plus ne se trouve plus au service des commodes, elle s’est entichée d’un franc-marin d’un équipage détenteur d’une charte gastaphédète et n’a plus à se faire de souci. Elle déserte finalement le refuge, abandonnant plus ou moins Badrin à son sort, ce qui ne le laisse pas indifférent.

Pendant près de quatre ans, Anochyre, qui se fait désormais simplement appeler Badrin par discrétion, s’assure une existence tranquille tout en entretenant une ambition dévorante ; les nouvelles du désordre de la guerre de succession capitaline le font rêver d’un retour triomphant au pays. Lorsqu’il apprend que Fauxvelles s’est emparé du trône, il craint de ne jamais pouvoir rentrer, imaginant à tort ou à raison un durcissement de l’autorité royale partout où son influence s’étend. Il faut attendre la fin 514 et sa rencontre avec Émilien, un capitalin réfugié à Gastaphades suite à la dissolution de la bande des Collecteurs dont il faisait partie, pour que Badrin se décide enfin à préparer son retour au pays. Le Collecteur élabore depuis longtemps un plan bien rodé, et décide de mettre le trombier dans la confidence en raison de ses contacts à La Moussue. Guillote ne donne plus de nouvelles. Quant à Thuphiros, il hésite un temps à suivre les deux capitalins mais se défile.

(515-516, de 38 ans à 39 ans)

La Moussue, Aon

Ils débarquent ensemble près de La Moussue début 515, en pleine guerre des mers ocolidiennes. Sur le trajet, Émilien aura raconté son parcours personnel et sa version de la Nuit Rouge à la Sublime. Tous deux ont longuement médité ce retour sur le continent et découvrent une région pacifiée par Thybauld de Fauxvelles mais qui lui demeure en fait très hostile. Systématiquement, lorsqu’on les interroge sur leurs activités ces derniers temps, les deux répondent en chœur car ils se sont accordés sur un récit bien ficelé qui se déroule dans les Trombes. Comme tout le royaume a été très agité par les troubles de la guerre, on leur pose peu de questions et ils sont même assez bien accueillis. Leur initiative est couronnée de succès : la précieuse cargaison, méticuleusement préparée, demeure cachée de longs mois dans un entrepôt loué par Badrin à des connaissances de la contrebande trombière. Alors que la campagne d’Anna Aligarri fait rage, les navires venant du sud se font plus rares et la valeur des biens gardés par Émilien et Badrin augmente. Parmi les objets qu’ils recèlent, on trouve un large éventail de produits ocolidiens.

Sans qu’il ait franchement cherché à le rencontrer, le trombier se retrouve nez-à-nez avec Tobiny, expulsé de la milice et devenu embouteilleur. Son activité consiste ainsi à transvaser le contenu de différentes bouteilles de contrebande pour les revendre frauduleusement. Tobiny lui propose de l’employer, c’est l’occasion pour Badrin de l’envoyer paître spectaculairement, comme il a développé une forte rancœur envers lui. Avec Émilien, ils s’empressent de vendre l’essentiel de ce qu’ils gardent dès que la nouvelle de la mort d’Evanthia la Baleine atteint La Moussue. Il se font leurs adieux et Anochyre s’en retourne à Porempreur où il fait rénover la vieille bâtisse familiale pourrie et s’achète une petite embarcation à voile. En retrouvant le moine Lonbard, Badrin n’a pas le temps de lui exprimer sa joie que le vieillard a quelque chose à lui annoncer : Alysion est réapparu après la guerre, il s’est marié et vit à Haute-falaise. Naturellement, Badrin s’empresse de retrouver son frère, et s’ensuit une soirée mémorable, quoique gâchée par les nouvelles qu’il lui donne.

Alysion s’est rangé, il ne participe plus à la piraterie locale. Il a servi la Flotte royale à Franc-port et est parvenu à obtenir sa libération pendant les troubles précédents la prise de la Capitale par Adagan. Il ne veut plus jamais risquer sa vie ou sa liberté, alors quand Anochyre lui parle de ses années à Gastaphedes, il se montre carrément inquiet, ce qui n’encourage pas le cadet à se livrer davantage. C’est en effet une désillusion terrible pour lui, qui croyait dur comme fer être accueilli en héros, et espérait profondément retrouver le bon vieux temps où ils étaient plus jeunes, braves contrebandiers pour le compte de leur père, avant de devenir de misérables échoueurs puis, des esclaves. Alysion ne veut rien entendre de tout ça, et s’il est heureux de savoir son frère en vie et à l’abri du besoin, il lui fait comprendre qu’il devra se tenir à l’écart de sa nouvelle famille s’il ne veut pas risquer d’attirer l’attention sur eux une nouvelle fois.

(516-518, de 39 ans à 41 ans)

Porempreur et Baie-aux-canards, Archipel des Trombes

Presque dix ans ont passé depuis sa condamnation à l’esclavage mais les regards sont toujours soutenus à son encontre lorsqu’il se rend à la maison de charité de Porempreur, aussi il se mure dans le silence sinon auprès du vénérable Lonbard. Il tente à quelques reprises de trouver une épouse, mais ses tentatives se soldent toujours par des échecs et on le trouve plutôt du côté de la misérable maison close de Baie-aux-canards. Les affaires ne sont pas aisées pour Badrin car à Porempreur, la présence du caboteur le Lampion encourage la plupart des anciens contacts de la famille à éviter Anochyre. Plutôt que de s’en inquiéter, il se rabat sur des occupations plus diverses et moins lucratives comme les combats d’animaux clandestins : les rares pirates eyjarska qui passent par les Trombes sont souvent très friands de ces spectacles de chiens sauvages. Malheureusement, ne pouvant compter que sur lui-même, il arrive régulièrement que Badrin se fasse dépouiller du bénéfice de ses jeux par des caboteurs sous la protection du Godar. Une fois, c’est le Lampion lui-même accompagné de deux marins à son service qui viennent pour prélever une taxe improvisée sur le butin d’Anochyre. Résigné, il est contraint de se plier à la bonne volonté des malfrats.

Le vieux moine Lonbard est un des seuls à constater sa lente déchéance. Plusieurs fois, il exhorte l’homme à faire finalement preuve d’honnêteté. Lui qui le connaît depuis enfant sait pourtant pertinemment que Badrin a été initié trop jeune au vice pour distinguer aisément le bien du mal. Malgré les discours sur son arbeta lourdement déséquilibrée et sur les risques qu’il encourt lors du jugement des âmes, il reste persuadé qu’il traverse simplement une mauvaise passe et s’en remet à la figure de son vieux paternel, dont tout le monde a perdu la trace dès lors qu’il fut condamné à l’esclavage et à l’exil. Badrin ne se fait pas d’illusions, et au vu de l’âge avancé de son vieux père, sa mort ne fait plus aucun doute. Anochyre s'enorgueillit d’être un adepte du bon sens quand il expose son raisonnement un tantinet simpliste : s’il était encore en vie, depuis le temps, le vieux père serait revenu. Alysion n’est pas de cet avis. Selon lui, Hugues a été exécuté à l’abri des regards peu de temps après son arrestation, dès 501, mais il n’est soutenu par aucune preuve tangible.

En quelques mois, il s’éprend assez lamentablement d’une fille sans histoire du lupanar, Amarie, à qui il promet souvent monts et merveilles si seulement elle acceptait de partir avec lui, ce qui a le don de la faire glousser. La situation s’éternise et Badrin, blessé, finit par se montrer violent dans un accès de colère. Alertés, les hommes du Godar local s’emparent du bonhomme pour lui donner une bonne correction et lui faire savoir qu’il ne sera plus toléré ici. Empêché de participer davantage à la contrebande et ruiné à force de cadeaux à destination de sa mie, Badrin consacre ses derniers royes au rafistolage de son humble barque à voile. Il n’est pas du genre à s’apitoyer sur son sort ou celui des autres, et envisage son propre destin avec une grande autodérision mais non sans amertume. Plutôt que de demander de l’aide à son frère ou à Lonbard, Anochyre prépare un voyage en direction de La Moussue, où il sait d’expérience qu’il aura de quoi s’occuper, loin de ses soucis. Quelques jours avant qu’il ne parte, c’est Alysion qui vient le trouver de lui-même et, découvrant son départ prochain, il l’approuve franchement, expliquant qu’il subit des menaces et qu’on lui somme de calmer le cadet des Badrin comme s’il en était le responsable attitré. Avant de partir, Anochyre se rend une dernière fois sur la tombe de sa mère et se laisse aller à quelques pleurnicheries.

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(518-521, de 41 ans à 44 ans)

Saillonne et La Moussue, Aon

Il doit accoster en pleine tempête et son embarcation est laissée inutilisable, éventrée par le récif rocheux de la crique isolée qu’il pensait pourtant bien connaître. En arrivant finalement en ville, Badrin prétendra auprès de ses anciens camarades avoir été déposé par des caboteurs de Grenate. Il retrouve Émilien, définitivement installé au sein de la pègre aonite, qui lui propose aussitôt de le suivre à Saillonne pour y livrer une cargaison de tabac manarade de Bakar. L’ancien collecteur doit assurer deux commandes, l’une pour une guilde de troubadours et l’autre pour un moine du monastère local. Il prétend aussi bénéficier d’une place tranquille au sein de la milice du faubourg ouest grâce à son cousin, dont l’épouse est une petite fonctionnaire saillonnaise. Dans un épisode qui ressemble à une véritable parodie, Émilien et Anochyre se rendent auprès d’un lettré qui vend ses services pour faire écrire des lettres d’introduction où ils vantent leurs exploits. Inspirés et imprudents, ils sont si satisfaits qu’ils offrent à celui qui leur prête ses services une jolie petite carapace de tortue fourrée de plomb, dont la provenance ne laisse en réalité aucun doute. Ils partent le cœur léger, animés par un esprit de camaraderie à toute épreuve.

En arrivant, Badrin découvre avec surprise que le moine à l’origine de la commande n’est autre que Lippünen, qui n’officie plus à Fort-Bais. Le trombier est très impressionné par le fourmillement culturel de Saillonne, dont la population dépasse de loin celle de toutes les villes qu’il a connues jusqu’ici. Les nombreux divertissements auxquels on peut assister en font comme convenu une planque de choix pour lui. Organiser la contrebande est une tâche épuisante à laquelle il renonce volontiers et cette période calme lui permet de perfectionner son maniement du sabre auprès d’un ersatz de maître d’armes : Bunvoy, un milicien parvenu, court sur patte mais particulièrement doué, originaire du village de Gaure dans les confins de l’Aon. Il lui raconte avec une certaine verve le siège de Saillonne et la fuite de Philippe de Beaurang. Avec ses camarades de la milice saillonnaise, Émilien, son cousin et Bunvoy, Badrin assure notamment le recouvrement complet des dettes des banques aonites et participe à des rixes contre les factions hostiles à la famille qui dirige la ville. Le trombier se fait remarquer par Bunvoy pour sa hardiesse à défendre le jeune bâtard d’un petit fonctionnaire de l’Ordonnance, ami du cousin, qui est régulièrement la cible de tentatives d’enlèvement d’une bande de malfrat cherchant ainsi à intimider son paternel. Ce dernier est un bon payeur, reconnaissant pour les services de la milice qu’il emploie. Le groupe se complait dans la corruption et le clientélisme capitalin, et pendant deux ans, ils sont comme des poissons dans l’eau.

Se liant d’amitié avec ces nouvelles têtes, Badrin et Émilien s’accordent toutefois à ne jamais rien révéler de leur aventure commune à Gastaphedes. Émilien se confie cependant à son cousin. Celui-ci est bientôt rongé par l’inquiétude d’attirer l’attention des autorités de la Légion et du maire de Thybauld qui règne sur Saillonne : il impose à Émilien de se séparer de Badrin et de le pousser à quitter la ville à tout prix. Pour l’y encourager, il lui donne une caisse d’armes qu’il sera aisé de vendre à La Moussue à destination de l’archipel. C’est une maigre consolation pour Anochyre qui n’a aucune envie de quitter Saillonne. Pourtant, sans la bénédiction de la petite fonctionnaire qui sert d’épouse au cousin de l’ancien collecteur, impossible de demeurer plus longtemps dans la ville. La crainte d’être découvert et traité comme un vulgaire écumeur suffit à le convaincre de partir. En plus de prendre avec lui les épées et les trois arbalètes offertes, Badrin est aidé par Bunvoy qui l’accompagne dérober un échantillon de cartes de la faculté de cartographie, un bien précieux dans les îles.

En arrivant à La Moussue, Anochyre, qui n’est plus tout jeune, s’imagine encore revendre avec astuce le fruit de son escapade saillonnaise et en rester là dans ce petit village qu’il connaît bien. Finalement, travailler pour Tobiny est à son plus grand désarroi sa meilleure opportunité. Celui-ci n’est pas si rancunier puisqu’il permet à Anochyre de se lancer dans l’embouteillage. Le trombien l’avait rejeté et raillé, mais le milicien de Crivalle est encore assez admiratif de celui qui était son formateur pour en faire fi. Badrin le vit très mal de son côté et il lui semble qu’il n’est qu’un raté qui n’aura de cesse de se déshonorer. En 521, une lettre lui parvient de la part de Lonbard l’avertissant qu’il a été visité à Porempreur par la Flotte royale à son sujet. Il lui conseille de se mettre au sud, et lui recommande le monastère en construction de la ville de Branne, loin par delà le Mesovonne. Le trombier, qui pense avoir été dénoncé à Saillonne et dispose toujours de sa cargaison, fait le choix osé d’un retour à Gastaphedes. Il espère ainsi reproduire le plan qu’il avait mis en œuvre à l’aide d’Emilien six ans auparavant. Après avoir soigneusement réalisé sa bénédiction de voyage auprès d’un lainati, il fait ses adieux à Tobiny et, comme le pardonnant une bonne fois pour toutes, il lui fait don d’une de ses précieuses arbalètes qu’il conservait cachées.

(521, 44 ans)

Fiera, Gastaphedes et Fort Lointain

Le seul navire qui accepte de le prendre comme passager au départ de La Moussue se rend à Fiera sur l’île de Sequière et ne prévoit pas de passer par Gastaphedes. Il s’agit d’un équipage de franc-marins au service d’une charte de Marata. De ce fait, beaucoup d’entre eux sont des manarades de Melihab. Le trajet se passe sans encombre, bien qu’il coûte à Badrin de dépenser la plupart de ses derniers royes. Son avenir sur l’archipel repose alors entièrement sur les armes qu’il transporte. Lorsqu’ils approchent enfin de Sequière, ils croisent plusieurs navires écumeurs, qui s’ils respectent la trêve tacite qui règne dans les environs de Fiera, ne manquent pas de provoquer une belle sueur froide au trombier qui les a rarement côtoyés de si près. Badrin se rend dès son arrivée sur les marchés couverts pour vendre l’une de ses arbalètes. Il trouve un acheteur en la personne d’un contrebandier ionian aux ordres de Quentyn Iertefroy, désireux de se donner un genre, mais il ne parvient pas à négocier très durement, pressé par le temps. Il se sert des alazans ainsi gagnés pour s’offrir une nuit à l’auberge, quelques fumaisons locales et le lendemain dès l’aube, le transport vers Gastaphedes auprès d’un caboteur bénéficiant de la protection de la nanti Prèdemain.

Bien que la bataille des cent navires ait mis un terme à la guerre des mers du sud quatre ans auparavant, Badrin découvre dès son arrivée dans la citadelle par le port fortifié un climat de défiance important à l’égard de la syndic Amarante. Lui-même se sent en danger constamment : il sait qu’ayant quitté la ville il y a si longtemps, il ne peut compter sur personne et se trouve à la merci de la plupart de ceux qui croisent son chemin. Son premier réflexe est de se rendre chez les Caribel, les commodes qui l’avaient employé en 511, mais ils n’ont rien à lui offrir, ils acceptent donc tout de même d’entreposer sa cargaison. Ne conservant sur lui que les cartes, il se rend alors à l’écart, en direction de la maison des réfugiés mésigues mais curieusement, il la découvre délabrée, vide de tout meuble et délestée de ses habitants. Thuphiros n’y est pas, et Anochyre est vite à court de pistes pour le retrouver. C’est finalement Leivön l’adaarion, devenu un petit boucanier vivant de sa chasse, qui l’informe du destin du mésigue mais aussi de celui de Guillote. Le premier a été vraisemblablement chassé par d’anciens citrinins ayant trouvé refuge à Gastaphedes, très hostiles aux mésigues : ils auraient mis Thuphiros et les siens dehors et auraient habité leur maison avant de retourner sur le continent. Quant à Guillote, elle serait devenue franc-marine avec son époux, mais leur charte ayant été dissoute, ils auraient pris la direction d’Ocolide avec leur équipage.

Leivön lui permet de rester chez lui quelque temps, il lui montre même, amusé, certaines figurines de son autel familial qu’il a conservées depuis l’époque précédant la guerre des mers ocolidiennes. L’adaarion se confie au sujet de son passé, qui rend à ses yeux impossible tout retour chez lui. Celui qui n’était qu’une jeune homme à l’époque s’était retrouvé au service d’un notable malhonnête à la tête d’une maison close des plus clandestines de Maailmanovi. Arrêté en même temps que le reste de la bande par les troupes de la garde montagnarde, son père, un membre respectable du Monastère adaarion, avait obtenu des autorités qu’on lui laisse la vie sauve à la condition de son exil et bien sûr de sa réduction à l’état d’esclave. À force d’efforts, Badrin parvient à être engagé provisoirement comme vigile sur un chantier où sont conçues de grandes balistes navales : il passe le plus clair de son temps à réprimander les esclaves les moins acharnés à la tâche. Après plusieurs mois, sa solde étant trop faible, le trombier doit se résoudre à vendre ce qui reste de sa cargaison pour subvenir à ses besoins et à ceux de Leivön à qui il tente de rendre la pareille.

Hélas, en retournant auprès des commodes supposés garder précieusement ses biens, Badrin découvre avec horreur qu’il a été trahi et qu’ils s’en sont déjà débarrassés à prix fort. Il s’emporte, prêt à en découdre, et n’est arrêté dans son élan que par des vigiles à la solde d’un nanti soucieux de la protection de ses tindoliers. Corrigé puis jeté à la rue, Anochyre semble prêt à s’arracher les cheveux en songeant au pétrin dans lequel il est fourré, si loin de son frère et démuni. Alourdissant la charge de Leivön, il passe plusieurs semaines à trouver son unique refuge dans l’alcool. Il se laisse aller au point de perdre toutes ses chances d’être à nouveau employé à la citadelle, et bientôt, il écume les tavernes en finissant toujours par en être sorti à grand renforts de coups de pied au derrière. Finalement, après s’être trop fait remarquer, il est donné comme esclave à une famille manarade qu’il a insulté alors qu’il était ivre. Leivön ne peut rien y faire. Le trombier est rapidement vendu à un esclavagiste en partance pour le nord. C’est à cette période, vers octobre 521, qu’il entend parler pour la première fois de terres à l’ouest de Fort Lointain, une curiosité sans nom à ses yeux, comme l’horizon du Ponant lui a toujours semblé être celui du bout du monde. Anochyre ne revient vraiment à lui que dans la cale d’un navire. Il réalise qu’il a une nouvelle fois tout perdu et peste contre lui-même, éploré. Il ignore alors tout à fait qu’il se rend à destination de l’Archipel des Esperies.

Badrin est vendu par le caboteur Trois-dents sur Esperia en décembre 521.

Annexes

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